Au roi et au peuple des Tartares, pour reconnaître le chemin de la vérité
Nous sommes obligés – à juste raison- de manifester notre stupéfaction après avoir entendu que tu as envahi tant de pays de chrétiens ou d’autres peuples, laissant derrière ton passage une terrible dévastation, et nous sommes aussi frappés que jusqu’à maintenant, persistant dans ta colère, loin de vouloir cesser d’envoyer des hordes de pilleurs dans d’autres régions, toute raison naturelle ayant chez toi disparu, ne faisant exception ni de l’age, ni du sexe, tu t’es attaqué à tous, sans distinction, avec l’épée de ta fureur.
Aussi, Nous, désirant vivre sous l’exemple du Roi pacifique, dans l’unité de la paix et sous la crainte de Dieu, nous t’avertissons, te prions et de conseillons ceci : renonce immédiatement à toute autre attaque de ce genre et spéciallement celles qui persécutent les chrétiens ; par la grâce d’une pénitence appropriée, apaise la Colère divine pour réparer les si nombreuses et grandes offenses que tu as certainement provoquées dans ces agissements. N’aie pas l’audace de provoquer d’autres ravages : car, bien que le pouvoir de ton épée rage contre tes voisins, ce n’est que parce que le Dieu tout-puissant permet jusqu’à présent que diverses nations soient défaites devant toi. Mais sache qu’Il châtie les orgueilleux de telle façon que si ceux-là ne veulent pas se faire humbles d’eux-mêmes, Il n’hésitera pas à punir leur iniquité en temps et en heure, et leur demandera rétribution.
Voici pour toi un fils que nous avons choisi, le frère Jean et ses collègues, qui te portent ces lettres. Hommes dévots en religion, distingués par honnêteté et doués de la connaissance de la Sainte Ecriture, nous te les avons envoyés en ce qui concerne cette affaire. Je te prie de recevoir ces hommes généreusement et de les traiter honorablement, de leur accorder la même confiance qu’à nous-mêmes, et de t’entretenir avec eux avec profit, des choses que nous avons précédemment mentionné, et en particulier des affaires qui concernent la paix. Par la médiation de ses frères, explique nous ce qui t’a poussé à l’extermination de ces peuples et ce que tu comptes faire à présent ; [nous te prions] de protéger ces frères dans leurs allées et venues et de leur accorder un sauf-conduit, afin qu’ils puissent revenir à Nous.
Pape Innocent IV, Cum non solum, lettre à l’empereur Mongol Güyük, 11 mars 1245
Cette lettre du pape Innocent IV fait suite à celle du 5 mars de la même année, dans laquelle il missionnait le frère Laurent du Portugal et ses compagnons. On ignore ce qu’il est advenu de cette mission (le pape Innocent IV étant lui-même à Lyon à cette époque), mais l’on sait que le pape a rapidement dépêché une autre mission conduite par le frère franciscain Jean de Plan Carpin, qui arrive dans la capitale de l’Empire Mongol, Karakorum, le 22 aout 1246, où le nouvel empereur Güyük (1206-1248) est élu, deux jours plus tard. Ce dernier, adepte du bouddhisme tibétain, répond au pape par un refus.