[Magistère] Pie XII : Ingruentium Malorum, sur le pouvoir du Très Saint Rosaire

À Nos vénérables frères, patriarches, primats, archevêques, évêques et autres ordinaires en paix et en communion avec le Siège Apostolique. Vénérables frères, salut et bénédictions apostoliques.

1/ Depuis le moment où Nous avons été élevé à la Chaire de Pierre par le dessein de la divine Providence, Nous n’avons jamais cessé, en face des maux qui nous menacent, de confier au très puissant patronage de la Mère de Dieu le sort de la famille humaine, et dans ce but, comme vous le savez, plusieurs fois Nous avons écrit des Lettres d’exhortation[1].

2/ Vous connaissez aussi, Vénérables Frères, avec quel zèle et quelle unanimité le peuple chrétien a répondu partout à nos invitations. C’est ce que les grandioses spectacles de piété à l’égard de la Reine du ciel ont magnifiquement attesté, et par-dessus tout, cette manifestation de joie universelle que nos propres yeux ont pour ainsi dire, contemplée, quand, sur la Place Saint-Pierre, entouré d’une multitude immense de fidèles, Nous avons solennellement proclamé l’Assomption de la Vierge Marie dans le ciel[2].

3/ Cependant, si le souvenir de ces choses Nous remplit de joie et Nous console par la ferme confiance dans la miséricorde divine, il y a aujourd’hui des motifs de profonde tristesse qui Nous préoccupent et affligent Notre cœur de Père.

4/ Vous connaissez, Vénérables Frères, les tristes conditions de notre temps : l’union fraternelle des nations, brisée il y a longtemps, n’a pas encore été partout restaurée ; mais, de toutes parts Nous voyons les cœurs troublés par les haines et les rivalités, et les menaces de nouveaux conflits sanglants pèsent encore sur les peuples. Il s’y ajoute cette violente tempête de persécutions qui, dans certaines régions privées de liberté, se déchaîne cruellement contre l’Eglise, en l’affligeant par une cruelle campagne de sévices et de calomnies qui va parfois jusqu’à répandre le sang des martyrs.

5/ Que d’assauts perfides sont livrés en ces régions aux âmes de beaucoup de Nos fils, pour qu’ils abjurent la foi de leurs pères et se séparent de l’union avec le Siège Apostolique ! Enfin, Nous ne pouvons passer sous silence un nouveau crime sur lequel, avec une immense douleur, Nous désirons vivement appeler non seulement votre attention, mais aussi celle de tout le clergé, de tous les parents et même celle des autorités publiques. Nous parlons de cette affreuse campagne que les impies ont partout déchaînée contre les âmes pures des enfants. Non seulement on ne respecte pas l’innocence de leur âge, mais encore on ose s’attaquer aux fleurs les plus belles du jardin mystique de l’Eglise qui forment l’espoir de la religion et de la société. Si on y réfléchit, il ne faut pas trop s’étonner de ce que les peuples gémissent sous le poids des châtiments divins et tremblent dans la crainte de calamités encore plus graves.

6/ Cependant, la considération d’une situation aussi lourde de menaces ne doit point nous abattre, Vénérables Frères. Souvenez-vous de la parole divine : « Demandez et l’on vous donnera, frappez et l’on vous ouvrira » (Luc, 11, 9). Élevez avec une plus grande confiance, spontanément, votre cœur vers la Mère de Dieu, en qui le peuple chrétien a toujours cherché refuge au moment du danger, puisqu’ « elle a été établie la cause du salut pour tout le genre humain » (St. Irénée, Ain. Hier., 3, 22)

7/ Aussi, ce n’est pas sans une joyeuse attente et une espérance renouvelée que nous voyons revenir le mois d’octobre, pendant lequel les fidèles aiment à accourir plus souvent devant les autels pour implorer les secours de Marie par les prières du Saint Rosaire.

8/ Cette prière, Vénérables Frères, Nous désirons que cette année, elle soit faite avec une plus grande ferveur, comme le réclame l’aggravation de nos besoins. Nous connaissons bien son efficacité et sa puissance pour obtenir l’aide maternelle de la Vierge. Sans doute, il n’y a point que cet unique moyen pour obtenir ce secours ; cependant, Nous estimons que le saint Rosaire est le moyen le plus efficace et le meilleur d’y parvenir, si l’on considère son origine plus céleste qu’humaine et sa raison d’être. Quelles prières, en effet, sont plus indiquées et plus belles que l’Oraison dominicale et la Salutation angélique, qui forment comme les fleurs dont se compose cette mystique couronne ? La méditation des saints mystères s’ajoutant ensuite à la récitation de ces prières fournit à tous, même aux plus simples et aux moins instruits, une manière facile et à leur portée de nourrir et de fortifier leur foi.

9/ Et, en fait, en la méditation fréquente des mystères, l’âme puise, et insensiblement absorbe le sens des vertus qu’ils renferment ; elle s’enflamme de l’espérance des biens immortels, et elle est fortement et suavement entraînée à suivre les traces du Christ et de sa Mère. Même la répétition de ces mêmes formules, loin de rendre cette prière inutile et ennuyeuse, possède une admirable vertu que révèle l’expérience, pour exciter la confiance dans la prière, et faire comme une douce violence au Coeur maternel de Marie.

10 / Efforcez-vous, Vénérables Frères, d’obtenir qu’à l’occasion du mois d’octobre prochain, les fidèles accomplissent avec tout l’amour possible le grand devoir de prière, et qu’ils aient pour le saint Rosaire une estime et une pratique toujours plus grandes.

11/ Que par vos soins, le peuple chrétien soit amené à en comprendre davantage l’excellence, la valeur et l’efficacité.

12/ Mais c’est surtout au sein de la famille que Nous désirons que cette récitation du saint Rosaire se répande; partout, qu’elle soit religieusement observée et qu’elle se développe toujours davantage. Car on cherchera en vain à consolider les bases ébranlées de la société civile, si la société domestique, principe et fondement de la communauté humaine, ne repose pas sur les lois de l’Evangile.

13/ Pour atteindre un but aussi difficile, Nous affirmons qu’il n’y a pas de moyen plus apte que la récitation habituelle du Rosaire en famille. Quel spectacle touchant et infiniment agréable au Seigneur, lorsqu’à la tombée du jour, dans la maison chrétienne, on entend résonner le bruit des louanges répétées de la Reine du Ciel. A ce moment, cette prière commune rassemble devant l’image de la Vierge, dans une admirable union des coeurs, les parents et les enfants, revenus du travail du jour ; elle les unit pieusement aux défunts ; enfin elle les joint tous plus étroitement, dans une très douce chaîne d’amour, à la Très Sainte Vierge, qui, comme une Mère très aimante, sera présente au milieu de ses enfants, et fera descendre sur eux avec abondance les dons de la concorde et de la paix familiale.

14/ Alors, la maison de la famille chrétienne, semblable à celle de Nazareth, deviendra sur terre une demeure de sainteté et comme un temple, où le saint Rosaire, non seulement sera une magnifique prière qui, tous les jours ira réjouir le ciel, mais constituera encore une école très efficace de vie chrétienne. Car la considération des divins mystères de la Rédemption portera les grandes personnes à vivre les yeux fixés sur les exemples admirables de la vie de Jésus et de Marie, qu’elles mettront en pratique chaque jour dans leur vie ; à trouver dans ces exemples un réconfort au milieu des adversités, et une leçon pour tendre vers les trésors célestes où « les voleurs n’approchent pas et où les mites ne rongent pas » (Luc 12 ; 33). Les enfants, de leur côté, apprendront de cette façon les principaux mystères de la foi, et ainsi, dans leurs âmes pures germera comme spontanément l’amour envers notre très doux Rédempteur, et la vue de leurs parents agenouillés devant la majesté divine leur enseignera dès leurs plus tendres années quelle est la valeur de la prière faite en commun.

15/ Nous n’avons donc aucune hésitation à affirmer de nouveau publiquement quelle espérance Nous plaçons dans le Rosaire pour la guérison des maux qui affligent notre siècle. Ce n’est ni par la force, ni par les armes, ni par la puissance humaine, mais par le secours divin obtenu grâce à cette prière que l’Eglise, forte comme David avec sa fronde, pourra affronter sans trembler l’ennemi infernal. Elle peut lui répéter les paroles du jeune berger à Goliath : « Tu viens vers moi avec l’épée, la lance et le bouclier, mais moi, je viens vers toi au nom du Seigneur des armées… et toute cette multitude saura que le Seigneur ne sauve pas par le glaive et la lance » (1 Rois 17 ; 44-49).

16/ C’est pourquoi, Vénérables Frères, Nous souhaitons ardemment que tous les fidèles, dociles à votre exemple et à votre parole, répondent avec ardeur à Nos paternelles exhortations, en unissant leurs âmes et leurs voix dans un même élan de charité. A mesure que grandissent les maux et les assauts des méchants, il faut que grandisse également le zèle de tous les bons. Qu’ils s’efforcent donc d’obtenir de notre Mère très aimante, spécialement par cette prière qu’elle aime tant, que le monde et l’Eglise voient bientôt luire des jours meilleurs !

17/ Que la très puissante Mère de Dieu, émue par les prières de tant de ses fils nous obtienne de son Fils unique, nous l’en prions tous. Que tous ceux qui sont malheureusement éloignés du chemin de la vérité et de la vertu y reviennent convertis ; Que les haines et les rivalités qui sont les sources de la discorde et de toutes sortes de misères s’apaisent ; Qu’une paix juste, vraie et sincère revienne luire sur les individus, les peuples et les nations ; Que finalement on reconnaisse, comme il est juste, les droits de l’Eglise, et qu’alors l’influence bienfaisante qui en émane, pénétrant sans obstacle dans le cœur des hommes, parmi les classes sociales et les artères mêmes de la vie publique, unisse fraternellement tous les peuples entre eux et les mène à cette prospérité qui règle, assure et coordonne les droits et les devoirs de chacun sans nuire à personne, et s’affirme chaque jour davantage par une mutuelle collaboration.

18/ N’oubliez pas, Vénérables Frères, et chers fils, en déroulant les couronnes fleuries de vos prières, n’oubliez pas ceux qui languissent misérablement en captivité, dans les prisons et les camps de concentration. Parmi eux on trouve, vous le savez, jusqu’à des évêques, éloignés de leur siège uniquement pour avoir héroïquement défendu les droits sacrés de Dieu et de l’Eglise, des fils, des pères et mères de famille, arrachés au foyer domestique et condamnés à mener au loin une vie malheureuse dans une terre étrangère, sous des cieux inconnus.

19/ Comme Nous-même Nous les entourons d’un amour tout spécial, de même vous aussi, sous l’empire de cette charité fraternelle, qui naît de la religion chrétienne, unissez-vous à Nos prières devant l’autel de la Vierge M ère de Dieu, et recommandez-les à son Cœur maternel. Soyez assurés qu’elle-même adoucira leurs souffrances, ravivera dans leurs cœurs l’espérance du bonheur éternel, et qu’elle ne manquera pas, comme Nous le croyons fermement, d’abréger le cours de tant de misères.

20/ Et maintenant, confiant à votre zèle ardent, Vénérables Frères, le soin de porter à la connaissance de votre clergé et de vos fidèles, de la façon qui vous paraîtra la meilleure, Notre paternelle exhortation.

21/ Ayant également la certitude que Nos fils dispersés partout sur la terre répondront volontiers à Notre appel ; à vous tous, au troupeau confié à chacun d’entre vous, à ceux, en particulier qui, pendant ce mois d’octobre, réciteront le Rosaire selon les intentions que Nous venons de rappeler, Nous accordons de grand cœur la Bénédiction apostolique.

Pape Pie XII, Ingruentium Malorum, encyclique, publiée en la fête des Sept Douleurs de la Sainte Vierge Marie, 15 Septembre 1951.

[1] On lira : Encyclique Communium interpretes dolorum, 15 avril 1945 ; Encyclique Auspicia Quaedam, 1er mai 1948 (Documents Pontificaux 194S, p. 172) ; Encyclique Mirabile illud, 6 décembre 1950 (Documents Pontificaux 1950, p. 574).

[2] Le 1er novembre 1950, Pie XII définissait solennellement le dogme de l’Assomption à la Sainte Vierge Marie (cf. Documents Pontificaux 1950, p. 480 et sq.)

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