Fondée il y a plus de 180 ans, C&A demeure aujourd’hui un géant mondial dans le secteur avec plus de 1600 boutiques à travers le monde, principalement en Europe et au Brésil et près de 50 000 employés.
L’histoire de C&A est tout à fait singulière, comme nous allons le voir. Et son impact sur l’industrie de la mode populaire est toujours sensible aujourd’hui, puisque C&A a inventé un grand nombre de pratiques qui se sont aujourd’hui imposées dans l’industrie du vêtement.
Mais pour parler de C&A, il faut forcément commencer par parler de la dynastie catholique des Brenninkmeyer qui a créé cette enseigne légendaire et qui la contrôle toujours aujourd’hui de façon exclusive, presque deux siècles après sa fondation.
Les débuts modestes d’une dynastie de marchands catholiques
L’enseigne C&A a été fondée officiellement en 1841 à Sneek, aux Pays-Bas, par deux frères, Clemens et Auguste Brenninkmeijer, issus d’une famille catholique d’origine rhénane, impliquée dans le commerce de tissus depuis le 17e siècle. Le nom de l’enseigne renvoie donc aux initiales des deux frères fondateurs : C. et A.
Il faut dès le début insister sur deux paramètres qui vont durablement marquer cette entreprise durant son histoire : C&A est une entreprise familiale et catholique.
Les débuts de l’aventure sont assez difficiles. Les Brenninkmeijer sont à l’origine de modestes fermiers basés à Mettingen, en Westphalie. Face aux difficultés, certains membres de la famille deviennent commerçants itinérants, allant de ville en ville pour vendre des tissus. Cette activité les conduit à s’installer à Sneek, en Frise voisine, où une partie de la famille s’installe durablement et poursuit ses longs voyages pour vendre ses tissus.
Petit à petit, les affaires prospèrent et le clan familial souhaite se sédentariser. Les deux frères Clemens et Auguste Brenninkmeijer fondent officiellement C&A en 1841 et ouvrent un dépôt la même année, ce qui les dispense désormais de voyager en permanence. Les clients viennent directement à eux.
La famille ouvre ensuite sa première boutique à Sneek, en 1860. Elle sera principalement gérée par Auguste, tandis que son frère Clemens s’installe à Mettingen, de l’autre côté du Rhin, côté allemand.
L’entreprise produit d’abord principalement du linge de lit, ainsi que des tenues de mariage, en plus de continuer son activité de grossiste de tissus de coton et de lin.
Les deux frères Clemens et Auguste s’aperçoivent du potentiel d’un nouveau marché rendu possible par les développements technologiques de l’industrie textile : le prêt-à-porter. En effet, en 1851 apparaît la première machine Singer qui va permettre à des centaines de petits boutiquiers de se lancer dans la confection de vêtements.
En effet, vers la fin du 19e siècle, la mode reste le privilège des classes aisées. Il n’existe pas de production de vêtements prêt-à-porter pour le grand public. Les boutiques exposent quelques modèles parmi lesquels le client fait son choix. Les vêtements sont ensuite confectionnés sur mesure, un après l’autre, en fonction des commandes. Pendant ce temps, le citoyen de base, ouvrier, paysan ou petit salarié, n’a généralement pas les moyens de suivre la mode. Il possède un ou deux costumes qu’il garde jusqu’à ce qu’il ait les moyens de s’en acheter un autre. C&A va complètement révolutionner le marché de la mode à cette époque.
Après avoir ouvert de nouvelles boutiques aux Pays-Bas dans les années 1890 (dont une à Amsterdam en 1891), les frères Brenninkmeijer décident donc de se lancer dans la confection et la vente de prêt-à-porter masculin. Mais ce sont leurs descendants directs qui vont véritablement révolutionner le monde de la mode ordinaire.
Le succès
Les frères Clemens et Augustes meurent respectivement en 1902 et en 1892. C’est le plus jeune fils de Clemens, Bernard Joseph, qui va véritablement transformer l’entreprise familiale en géant du prêt-à-porter.
L’approche de Bernard Joseph est totalement novatrice. C&A sera la première entreprise au monde à proposer des articles de mode abordables pour le commun des mortels avec des tailles standardisées et des prix fixes, afin de toucher le maximum de monde tout en proposant la meilleure qualité possible.
D’une certaine manière, les Brenninkmeijer vont réaliser une véritable révolution sociale. Pour la première fois, le simple citoyen, l’ouvrier, le petit salarié, le paysan, la mère de famille modeste, peut s’habiller dignement et à la mode du jour.
Dès ses débuts, Bernard Joseph adopte une stratégie commerciale audacieuse et radicale : proposer les prix les plus bas en réduisant ses marges brutes, pour les rattraper sur le volume global des ventes.
Le succès est au rendez-vous et l’expansion est rapide. Dans les années 1910-1920, C&A ouvre ses premières boutiques en Allemagne et au Royaume-Uni. Rien qu’aux Pays-Bas, elle possède déjà plus d’une dizaines de boutiques. Dans les années 1930, C&A commence à produire des publicités pour le cinéma et pour la radio.
C&A sera également l’une des premières enseignes à ouvrir des magasins en libre-service dès 1941, ouvrant la voie au modèle de boutiques telles que nous les connaissons aujourd’hui, où le client sélectionne lui-même ses vêtements dans les rayons avant de passer en caisse pour régler ses achats.
Les années 1960 à 1980 sont une période d’expansion considérable. L’enseigne s’impose dans le paysage des centre-villes européens (Belgique en 1963, France en 1972, Espagne en 1973) et s’associe occasionnellement avec des grands designers comme Twiggy en 1967, puis avec Yves Saint-Laurent et Karl Lagarfeld au début des années 1980.
Les années 1960 sont celles où l’enseigne devient extrêmement populaire. Tout en restant fidèle à ses principes (qualité, tailles standard et prix bas), elle invente une stratégie qui sera reprise des décennies plus tard par des enseignes comme H&M, Zara ou plus récemment Shein.
Cette stratégie consiste à copier les modèles haute-couture et à les revendre à des prix très modiques en magasin. La formule est un énorme succès. La marque devient même « branchée » et développe ses premières collections destinées spécifiquement à la jeunesse.
C’est à cette époque aussi que l’enseigne commet quelques trahisons morales vis-à-vis de la religion catholique, en participant allégrement à la révolution des moeurs qui fait alors rage.
Sans doute saisis par la « nouvelle pentecôte » de Jean XXIII et par l’esprit du concile Vatican 2, les Brenninkmeijers acceptent de vendre mini-jupes et bikinis aux masses féminines en demande. Une chose que n’auraient sans doute pas toléré leurs ancêtres.
De façon paradoxale, ces tenues audacieuses, destinées aux clientes, n’étaient pas tolérées pour le personnel de C&A, qui devait strictement respecter les codes de la décence catholique.
L’entreprise connait son apogée dans les années 1960-1970. Ses publicités sont partout et marquent profondément l’imaginaire des clients de l’époque. Elle domine totalement la décénnie 1970 durant laquelle la concurrence est quasiment inexistante sur le marché européen. La marque se paye même le luxe de sponsoriser la coupe du monde de 1974 en RFA, ainsi que l’équipe du cycliste Eddy Merckx en 1978.
Ces années fastes se poursuivent jusque dans les années 1990. Il semble que dans les années 1970-80, la marque ait commencé à revenir à une image plus consensuelle, mais toujours dynamique.
Premières difficultés dans les années 1990-2000
Dans les années 1970-1990, l’entreprise continue de s’étendre sur de nouveaux marchés, comme le Brésil (1976), la Suisse (1977), le Japon (1979), le Luxembourg (1982), l’Autriche (1984) puis le Portugal, l’ex-RDA (1991) et le Mexique (1999).
Mais l’activité commence à ralentir. Après la popularité des années 1960-1970, la marque a parfois du mal à se positionner correctement. Tantôt elle est critiquée pour la baisse de qualité de ses vêtements, tantôt elle est critiquée pour ses collections trop sages. Pire encore, la culture populaire commence à lui attribuer une image de marque un peu ringarde lorsqu’en 1980, le groupe anglais The Specials inclut une expression désormais célèbre dans sa chanson « Man at C&A », sortie en 1980.
En écoutant les paroles de la chanson et en considérant l’univers Working Class des Specials, il est évident que le terme « Man at C&A » n’avait aucune connotation péjorative dans l’esprit de ses auteurs. L’expression servait simplement à désigner l’homme ordinaire, impuissant face au jeu des politiciens de haut vol :
I’m the man in grey, I’m just the man at C&A, and I don’t have a say, in the war games that they playThe Specials
Man at C&A (1980)
Cependant, cette expression sera par la suite récupérée dans un sens moqueur, pour désigner une personne au style terne, gauche ou peu sophistiqué. Injuste ou pas, ce terme traduisait sans doute les difficultés de l’enseigne à cette époque.
Dans les années 1990, C&A, pionnier du prêt-à-porter, est désormais débordé par une concurrence de plus en plus agressive de la part d’enseignes positionnées sur le même segment comme H&M, Zara, New Look, Topshop et Primark, mais aussi des supermarchés ou des enseignes généralistes comme Tesco et Asda, qui se sont aussi mis à vendre des vêtements.
Cette perte de vitesse passagère n’était pas forcément due à une mauvaise politique commerciale, mais plutôt aux évolutions du marché. Historiquement, C&A plaçait ses boutiques dans des immeubles entiers, situés en plein sur les grands boulevards des grandes capitales. Ce positionnement était idéal à bien des égards, mais il avait un cout. A coté de ça, les nouveaux discounters comme Primark se contentaient de locaux plus modestes, mais ils gagnaient au change, en volant une bonne partie de la clientèle de C&A.
De plus, il semble qu’au cours des années 1990-2000, la marque ait préféré développer des collections ancrées dans un certain classicisme. Ceci tranchait avec l’audace qui avait caractérisé la marque dans les années 1960, lorsqu’elle commercialisait massivement des vêtements dernier cri à des prix très bas. Ironie de l’histoire, cette stratégie est désormais adoptée par la concurrence.
Au début des années 2000, l’entreprise doit donc fermer ses boutiques dans un certain nombre de pays où elle se trouvait pourtant parfois depuis plusieurs décennies : Royaume-Uni et Danemark (2000), Argentine (2009). La fermeture des magasins britanniques a particulièrement choqué à l’époque. Plus d’une centaine de boutiques furent fermées, mettant au chômage 4800 employés. Dans beaucoup de villes anglaises, c’était une véritable institution, affectueusement surnommée « Coats and ‘Ats », qui disparaissait.
Cependant, le retrait de ces marchés traditionnels a aussi permis à C&A de s’implanter en Chine (2006) ainsi que dans de nombreux pays d’Europe orientale à la même époque (Pologne en 2001, Hongrie en 2002, Russie en 2005, Slovaquie, Slovénie et Turquie en 2007). En 2006, la 1000e boutique C&A est ouverte.
C&A aujourd’hui
Malgré son retrait de certains marchés nationaux au cours des années 2000, C&A reste une enseigne majeure de l’industrie de la mode, notamment en Europe.
L’enseigne emploie près de 50 000 salariés à travers le monde et ses 1 600 boutiques physiques sont présentes dans une vingtaine de pays. Les pays où C&A a la plus forte implantation sont l’Allemagne (400 boutiques), le Brésil (330 boutiques), la France (164 boutiques) et bien sûr la Hollande, la Belgique, l’Autriche et la Suisse (400 boutiques en tout). C&A possède également 23 boutiques en Chine, ainsi que 1 magasin en Irak.
Toutefois, la direction de C&A semble avoir très tôt compris que l’avenir du prêt-à-porter se trouvait sur internet. Elle ouvre son premier site web à la fin des années 1990, même si ce dernier ne sera sérieusement exploité qu’à partir de 2008, avec le développement d’une stratégie pour le shopping en ligne sur le site C&A allemand.
Ce qu’il y a de remarquable avec C&A, au-delà de sa longévité et de sa structure étroitement familiale, c’est la capacité de ses dirigeants a toujours avoir été avant-gardistes.
Nous avons vu que C&A avait été pionnière dans le prêt-à-porter, ainsi que dans l’apparition des boutiques en libre-service. Il se trouve que C&A fut également très tôt soucieuse de pratiquer un commerce éthique et écologique.
Dès 1989, l’enseigne met en place un groupe d’étude pour les questions environnementales, puis en 1995, elle impose un code d’éthique à ses fournisseurs. Cette stratégie se poursuit à la fin des années 2000, quand C&A devient le premier négociant mondial de vêtements issus de l’agriculture biologique. L’enseigne s’est depuis engagé dans un certain nombre d’initiatives afin de réduire l’impact de l’industrie textile sur l’environnement.
L’empire Brenninkmeijer : Un fonctionnement clanique et catholique
C&A est une entreprise résolument familiale et catholique, dont le fonctionnement est extrêmement encadré.
Cette ligne de conduite remonte aux origines de C&A. La chose est prise très au sérieuse, surtout lorsque les deux frères fondateurs se posent la question de leur succession. Ils ont chacun d’entre eux quatre fils et se demandent comment faire pour que l’entreprise puisse continuer à se développer tout en offrant une situation appropriée pour chacun des descendants. Il faut aussi songer à ce que chacun d’entre eux puisse se dégager un revenu. Mais il faut surtout établir un système hiérarchique stricte afin que d’éventuels conflits ou divergences de stratégie ne viennent mettre en danger l’entreprise.
Pour répondre à ces questions, Clemens et Auguste vont donc éditer une sorte de règlement intérieur, uniquement destiné aux membres de la famille, intitulé « Unitas », dans lequel sont définis les principes de l’industrie familiale. Des principes qui sont encore aujourd’hui respectés par leurs descendants.
Par exemple, dès l’âge de 14 ans, les jeunes filles et garçons de la famille doivent faire un choix : travailler pour C&A ou rejoindre les ordres religieux. Autre règle : seuls les hommes doivent gérer les questions commerciales et le management. De plus, les deux frères inventent une sorte de code secret, connu uniquement des membres de la famille, qui leur permet de discuter des affaires sans se faire comprendre du monde extérieur. Et pour finir, bien sûr, tout membre de la famille qui souhaite s’investir dans l’entreprise doit obligatoirement être catholique croyant et pratiquant.
Certaines de ces règles se sont assouplies avec le temps. Les garçons ne sont plus obligés de choisir entre entrer chez C&A ou dans les ordres religieux, et les femmes ont graduellement gagné le droit de faire leurs preuves dans le management supérieur de l’entreprise.
En effet, jusqu’à une période très récente, tout l’encadrement supérieur de C&A devait être exclusivement occupé par des membres de la famille.
De même, jusque dans les années 1990, seuls des hommes descendants directs de la famille avaient le droit d’être actionnaires de l’entreprise. Les femmes gagnent ce droit à cette époque.
Enfin, ce n’est qu’en 2017 que pour la toute première fois un membre extérieur à la famille, Alain Caparros, fut nommé comme PDG de C&A Europe.
Si les règles se sont assouplies au fil du temps, les principes directeurs établis par les deux fondateurs continuent d’être strictement respectés par leurs descendants.
L’engagement catholique de la famille ne s’arrête évidemment pas là. Les principes éthiques et spirituels des fondateurs se reflètent également dans le management. Pendant très longtemps, les cadres qui n’étaient pas issus de la famille devaient obligatoirement être catholiques. Le divorce était très mal perçu sur le plan moral, mais aussi sur le plan des affaires, puisqu’on considérait à juste titre qu’il mettait en danger la carrière professionnelle. De même, pendant longtemps, les nouvelles boutiques C&A n’étaient pas célébrées par une fête d’ouverture, mais par une messe.
Devenue l’une des familles les plus puissantes de Hollande au 20e siècle, les Brenninkmeijers seront longtemps de fidèles serviteurs de l’Eglise catholique.
Il est estimé qu’au cours du 20e siècle, la famille a donné plus d’un milliard d’euros à l’Eglise. Depuis les années 1920, la famille, respectant strictement la discipline du code de droite canonique, fait don de 10% de ses revenus à des œuvres de charité tous les ans, sans exception.
Aujourd’hui, la famille est devenue un clan de dimension internationale, possédant 12 branches et environ 500 membres. Les modestes petits marchands catholiques du 19e siècle comptent aujourd’hui des alliances avec les grandes familles princières européennes. Albert Brenninkmeijer a ainsi épousé la princesse Caroline de Bourbon-Parme (une cousine du roi Guillaume-Alexandre des Pays-Bas) en 2012.
L’enseigne C&A est aujourd’hui la priorité exclusive de Cofra AG, la holding de la famille Brenninkmeijer. Cofra AG est également surnommé le « Sneekerkring » (le cercle de Sneek), car on y trouve uniquement des membres de la famille, qui doivent obligatoirement être des descendants directs des fondateurs Clemens et Auguste. La holding est actuellement présidée par Martin Brenninkmeijer.
Depuis la fondation de C&A, la famille s’est bien sûr diversifiée dans bien d’autres activités. La holding Cofra AG dispose de plusieurs entités subsidiaires, en plus de C&A, telles que le fonds familial Anthos, fondé en 1929 ; Bregal Investments, un autre fonds d’investissement, fondé en 2002 ; Redevco, un groupe immobilier spécialisé dans l’immobilier commercial et résidentiel, fondé en 1999, gère actuellement près de 300 actifs évalués à environ 7,5 milliards d’euros ; et d’autres investissements, notamment dans l’agro-alimentaire durable (acquisition de Dalsem en 2022, un fabriquant de serres de culture, ou encore d’Ontario Plants Propagation en 2022, un gros producteur canadien de plants de culture). Cofra contrôle également deux des plus grandes compagnie de pêche sur la côte est américaine.
En outre, la Cofra disposait jusqu’en 2009 de sa propre banque, la banque Ibi, qui semble avoir principalement opéré au Brésil. Le nom « Ibi » est dérivé du centre commercial Ibirapuera Shopping de Sao Paulo, où C&A avait ouvert son premier magasin dans le pays. Cette institution proposait des services financiers basiques liés à l’enseigne, comme des cartes de crédit ou des prêts. La banque a été rachetée en 2009 par la banque brésilienne Bradesco tout en continuant de fournir des services financiers spécifiques à C&A Brasil.
En tout et pour tout, la holding Cofra AG pèse pas moins de 25 milliards d’euros selon les derniers chiffres connus, datant de 2016.
La famille Brennikmeijer continue de maintenir ses traditions et sa fameuse culture de la discrétion (voire du secret), bien qu’elle se soit régulièrement ouverte aux journalistes et aux universitaires qui ont écrit au sujet de C&A. Ainsi, il est très improbable de trouver le nom Brenninkmeijer dans la presse à scandales ou même dans les potins du gotha. Cette culture du secret a souvent suscité la fascination, voire les critiques de la part de la presse généraliste. Certains ont même parlé de secte pour décrire le fonctionnement du clan Brenninkmeijer. Il est vrai qu’il est extrêmement rare de trouver aujourd’hui un groupe aussi énorme se trouver sous la direction exclusive d’une seule et même famille depuis aussi longtemps. Ceci n’a été possible que grâce à la tradition instaurée par les frères fondateurs. Je trouve que cette résilience est l’une des choses les plus admirables dans l’aventure C&A.
En effet, des auteurs tels que James Burnham ou Samuel T. Francis ont très bien expliqué comment les grands groupes industriels finissaient par échapper à leurs fondateurs, remplacés par des managers et des experts capables de maintenir la croissance de l’entreprise, là où les descendants directs n’auraient pas forcément le talent et les compétences de leurs parents.
Le cas C&A est une remarquable exception. La formule a marché grâce à l’éthique catholique des Brenninkmeijers et à sa devise : « L’unité fait la force ». Cette formule, c’est une sorte de méritocratie endogame. Il faut être de la famille pour atteindre les postes d’encadrement supérieur, mais seuls les membres les plus méritants de la famille sont sélectionnés. En effet, dans le système Brenninkmeijer, pas de passe-droit. Les actions ne sont pas transmises de façon héréditaires, mais uniquement sur la base du mérite. Jusque dans les années 1980, les jeunes membres de la famille devaient suivre une discipline quasiment militaire pour faire leurs armes dans le business. On leur attribuait un appartement commun se trouvant dans une annexe d’une boutique C&A, où ils devaient travailler dur pour prouver leur valeur. Bien sûr, les jeunes aspirants devaient strictement respecter le code moral catholique. Pour finir, ils ne pouvaient pas disposer librement de leur argent ou même posséder leur propre voiture avant l’âge de 28 ans.
Ces règles peuvent sembler extrêmement dures, mais il est facile de comprendre leur valeur et de comprendre comment cette famille a réussi à se maintenir à un tel niveau d’organisation pendant si longtemps.
Il n’existe malheureusement que peu de documentation sur C&A en français, la plupart des documents intéressants ayant été publié en anglais, allemand ou hollandais. On trouve toutefois sur YouTube un documentaire très bien fait sur la saga C&A, diffusé en 2006 sur la ZDF, où apparaissent pour la toute première fois des membres de la famille Brenninkmeijer.