Comme nous le disions précédemment, la promulgation du nouveau motu proprio de François a fait l’effet d’une bombe dans la branche traditionnaliste de l’église conciliaire. Cependant, il était attendu que dans certains endroits, l’implémentation de ce nouveau dispositif n’irait pas de soi.
Dans certains diocèses, les relations entre la hiérarchie conciliaire et les communautés indultistes ne font l’objet d’aucune controverse. En conséquence de quoi, certains évêques conciliaires ne voient pas pourquoi ils devraient sévir contre ces communautés qui, par ailleurs, leur donnent régulièrement l’assurance de leur adhésion à Vatican 2 et au rite Paul VI.
De plus, le poids et l’influence des communautés tradi dans certains diocèses conciliaires sont tels que l’affaire devient politique. Certains évêques conciliaires prennent donc le parti de temporiser et de repousser à la rentrée les discussions visant à implémenter (ou pas) les dispositions de Traditionis Custodes.
Par exemple, Grégory Aymond, archeveque conciliaire de la Nouvelle-Orléans, a publié un communiqué déclarant qu’il « désire offrir son soutien à tous ceux qui ont un lien quelconque avec la messe latine traditionnelle » et que « leurs besoins spirituels continueront d’être assurés dans l’archidiocèse ». Il prévoit également un certain nombre de rencontres dans les prochains jours « pour discuter de la bonne implémentation des directives » de Traditionis Custodes.
Dans le diocèse de de Bayonne, l’évêque conciliaire Marc Aillet a également publié un communiqué de la même teneur. Tout en abondant dans le sens du message de François dans Traditionis Custodes, il affirme que :
Les prêtres qui célèbrent le Missel de 1962, en communion avec l’évêque, appartiennent pleinement au presbyterium du diocèse, au sein duquel ils entretiennent des relations fraternelles avec les autres prêtres et y assument des services diocésains appréciés.
Tandis qu’il déclare préparer un procédé d’implémentation des directives du motu proprio, il poursuit cependant :
Je confirme dès à présent les groupes déjà constitués dans le diocèse autour de la célébration du Missel de 1962 et les prêtres autorisés à la célébrer. Je confirme également les lieux où la Messe selon le Missel de 1962 y est célébrée habituellement le dimanche et parfois en semaine.
Nous voyons donc ici que dans le diocèse de Bayonne, les relations entre le clergé indultiste et les autorités conciliaires sont suffisament bonnes pour que l’évêque juge bon de confirmer immédiatement le droit de célébrer le rite de 1962 au paroisses et instituts présents dans sa juridiction.
Du côté du diocèse de Versailles, les autorités conciliaires se veulent également rassurantes en réitérant leur confiance envers le clergé indultiste et en indiquant que des rencontres et communications seront faites en septembre pour clarifier l’implémentation du motu proprio.
Pareil, dans le diocèse de Nanterre : un communiqué laconique de l’évêque conciliaire Matthieu Rougé affirme que « ce que nous vivons si paisiblement dans notre diocèse n’est guère impacté par les directives nouvelles ».
Cela dit, il est évident que les cas que nous venons d’évoquer concernent des diocèses où les autorités conciliaires, par affection ou par politique, ne voient aucun intérêt à agir de façon brutale contre les communautés célébrant le rite « extraordinaire ».
Dans d’autres endroits, là où les évêques conciliaires sont au contraire hostiles à ces communautés, les choses se passent bien différemment.
Par exemple, dans le diocèse de Clifton, en Angleterre, le clergé de Notre Dame de Glastonbury, qui célébrait depuis longtemps le rite latin traditionnel, se sont fait immédiatement notifier par l’évêque conciliaire local, Declan Lang, qu’ils n’étaient plus autorisés à célébrer.
Dans un bref communiqué paru ce samedi 17 juillet, ils déclarent ainsi :
Faisant suite au motu proprio et à l’instruction de Mgr. Declan, la messe latine de 12h30 à Glastonbury sera la dernière messe latine qui aura lieu ici.
Cette décision radicale semble avoir profondément blessé les fidèles locaux, puisque dans le même temps, dans le même diocèse moderniste, se tient tous les 3e dimanche de chaque mois, une « Messe LGBT » à l’église Saint Nicolas de Tolentino, à Bristol. Cette « messe » a reçu le soutien explicite et continu de Declan Lang.
Autre exemple, cette fois-ci à Porto Rico, où l’évêque conciliaire de Mayaguez s’est empressé de totalement interdire le rite extraordinaire au clergé de son diocèse.
En bref, on voit donc que les directives du motu proprio seront suivies de façon très diverses en fonction de la situation « démographique » et politique de tel ou tel diocèse. Certes, le motu proprio entend confirmer en puissance l’autorité des évêques conciliaires en matière d’autorisation ou d’interdiction des messes, paroisses et communautés tradis. Mais cette autorité est en principe soumise, en dernière instance, à l’appréciation des congrégations curiales (la Congrégation pour le Culte Divin et la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée).
De plus, le motu proprio de François rend extrêmement difficile l’autorisation de nouvelles paroisses ou de nouveaux lieux de messe en rite extraordinaire. Ainsi, dans les diocèses les plus tolérants, seules les communautés et paroisses déjà installées bénéficient d’un répit. Mais ailleurs, il sera pratiquement impossible d’établir de nouvelles paroisses comme ce fut le cas depuis 2007.
Du reste, si les communautés indultistes jusque-là très établies dans certains diocèses, bénéficient d’un répit et d’une protection relative de la part de l’évêque conciliaire du lieu, elles ne sont pas à l’abri de changements d’attitudes dans les prochains mois. Assurément, pour se maintenir, elles donneront tous les gages possibles de soumission à Vatican 2 et à la messe Paul VI. Mais le moindre écart, ou la moindre réticence, pourrait bien leur valoir une rude punition. Les évêques conciliaires ne feront pas de zèle.
Par ailleurs, il faut aussi considérer que les évêques actuels ne resteront pas en place longtemps. Et étant donné la prédominance du parti moderno-progressiste à Rome actuellement, il y a fort à penser que les prochains évêques conciliaires seront soigneusement sélectionnés de façon à réprimer petit à petit les communautés d’indult, jusqu’à la disparition du rite de 1962.