Dans une France plus divisée que jamais, la réconciliation nationale est-elle encore possible ? Quelques jours après le 14 juillet, fête de l’unité nationale (en théorie) et quelques semaines après les émeutes multiculturelles qui ont frappé la France, la question se pose de façon urgente.
Tout commence un 14 Juillet
Est-ce que nos sympathiques concitoyens savent vraiment ce qu’ils fêtent le 14 Juillet ? Beaucoup d’entre eux pensent sans doute fêter la prise de la Bastille, alors qu’en réalité, le 14 juillet célèbre la fête de la fédération de 1790. Il y a à ce sujet deux anectodotes interessantes :
Premièrement, le 14 juillet a été institué comme fête nationale seulement en 1880 sur proposition du député franc-maçon Benjamin Raspail.
Celui-ci désirait faire du 14 juillet la commémoration de la prise de la Bastille, mais ses collègues députés s’y opposèrent, estimant qu’il ne serait pas très opportun, ni très sérieux de fonder la fête nationale sur un évenement qui n’a pas été autre chose d’une émeute violente de quelques délinquants parisiens. Car en effet, la prise de la Bastille n’a pas été du tout un épisode glorieux et héroïque d’une foule de courageux citoyens venus libérer des prisonniers politiques opprimés par la prétendue tyrannie monarchique.
Au contraire, le 14 juillet 1789, la prison de la bastille ne renfermait que 7 prisonniers, dont la plupart étaient des libertins et des escrocs à la petite semaine. Absolument pas des prisonniers politiques. De plus, cette prise de la bastille s’est soldée par le massacre et la décapitation de plusieurs gardes qui n’avaient rien demandé à personne. Bien sûr, la foule parisienne n’était pas venue spécialement pour libérer des prétendus prisonniers politiques, mais bien pour s’emparer d’un stock d’armes.
Une fois que l’on réalise ce que fut vraiment le 14 juillet 1789, on comprend alors mieux pourquoi les députés radicaux et libéraux de la 3e république ne voulaient surtout pas fonder le roman national sur un épisode aussi honteux. Je rappelle que le régime qui nait alors dans ces années 1880, c’est le parti de l’ordre bourgeois qui se veut l’héritier à la fois d’Adolphe Thiers et de l’orléanisme politique. Ce régime existe toujours aujourd’hui sous la forme macroniste, et il est plus puissant que jamais.
Toujours est-il qu’au final, le 14 juillet 1789 fut grosso modo une émeute de délinquants parisiens ayant attaqué une prison, libéré d’autres délinquants et décapité des agents de police.
François-Réné de Chateaubriand fut le témoin priviligié de ses scènes qu’il rapporte de la manière suivante : « J’assistait comme spectateur à cet assaut contre quelques invalides et un timide gouverneur. Celui-ci, arraché de sa cachette, après avoir subi mille outrages, est assomé sur les marches de l’hotel de ville. Le prévot des marchands, Flesselles, a la tête cassée d’un coup de pistolet. Au milieu de ces meurtres, on se livrait à des orgies, comme dans les troubles de Rome, sous Othon et Vitellius. On promenait dans des fiacres les vainqueurs de la bastille, ivrognes heureux, déclarés conquérants au caberet. Des prostituées et des sans-culottes commençaient à régner et leur faisaient escorte« .
N’est-il pas ironique que deux siècles plus tard, les partis qui se revendiquent de cette tradition révolutionnaire, y compris certains partis d’extrême-droite, soient les mêmes qui se scandalisent des émeutes urbaines de ces dernières semaines ? Certes, ces émeutes modernes n’ont pas tout à fait la même composition, mais au final, est-ce qu’il n’y aurait pas un petit rapport de cause à effet ? Après tout, lorsque l’on fonde son roman national sur la révolte contre l’ordre établi, il devient assez difficile pour les pouvoirs publics d’interdire à leur tour la révolte. N’est-ce pas Monsieur Breton ?
La seconde anectote concerne le 14 juillet 1790. A l’occasion de la fête de la fédération, qui est donc l’évènement que les français commémorent aujourd’hui, le général de Lafayette prend la parole et prononce un discours censé exalter l’union nationale née de ces quelques premiers mois de la révolution. Ecoutant ce discours, le cynique Talleyrand répond alors par un sarcasme dont il est coutumier : « Par pitié, ne me faites pas rire ». Tout cynique qu’il était, Talleyrand était un grand réaliste et il avait parfaitement compris qu’à ce stade, il n’était désormais plus possible de parler d’union nationale. La révolution française avait introduit une fracture profonde entre les français, entre ce que Jean de Viguerie appellera plus tard les deux patries. A partir de cette date, la France est divisée contre elle-même.
Bien sûr, il y avait déjà d’autres sources de divisions avant la révolution, mais sans aucun doute, 1789 a été la cause d’une fracture profonde qui elle-même, depuis 2 siècles, n’a cessé de former de nombreuses autres fractures au sein de la société française. C’est pourquoi on ne peut tout simplement pas comprendre la fragmentation extrême de la société française d’aujourd’hui si l’on s’imagine qu’il ne s’agirait que d’une simple fracture ethno-culturelle dont la remigration serait la solution parfaite, comme on le croit dans une certaine droite, ou qu’il ne s’agirait que d’une fracture socio-éconolmique, comme on le croit dans une certaine gauche. La fracture nationale ne peut que se comprendre en ayant pleinement conscience de sa nature spirituelle, philosophique et anthropologique, laquelle explique pourquoi les français sont si inexplicablement incapables de se défendre contres des périls intérieurs comme extérieurs, aujourd’hui encore. Pour être encore plus clair, la fracture nationale ne peut pas être comprise et correctement traitée tant qu’on n’a pas le courage d’admettre qu’il s’agit d’une crise intérieure.
L’historien Réné Grousset écrivait ceci :
Aucune civilisation n’est détruite du dehors sans s’être d’abord ruinée elle-même, aucun empire n’est conquis de l’extérieur, sans qu’il ne se soit préalablement suicidé. Et une société, une civilisation ne se détruisent de leurs propres mains que quand elles ont cessé de comprendre leurs raisons d’être, quand l’idée dominante autour de laquelle elles s’étaient organisées leur est devenue comme étrangère.
Aujourd’hui, non seulement les français ont largement rejeté le baptême catholique de leur nation originelle, mais ils ont même oublié le sens de leur nation légale, née dans le baptême sanguinaire de la révolution.
Parlons donc à présent du concept de réconciliation nationale, un concept qui a été notamment popularisé par le mouvement Egalité et réconciliation il y a quelques années.
Bien que le concept de réconcialiation national ait été très populaire il y a encore quelques annnées, sa pertinence semble de plus en plus remise en cause par la réalité ultra-violente de la société française.
Nous allons voir que ce concept de réconciliation nationale :
- n’a rien de nouveau et qu’il a été défendu dans les années 1930 par le Parti Social Français du colonel de la Roque.
- et surtout, qu’il s’agit en soi d’un concept bon et plus que jamais nécessaire aujourd’hui
- mais nous allons aussi voir qu’il n’a peut être jamais été aussi difficile de le défendre et de le concrétiser dans l’état actuel des choses
Le concept de réconciliation nationale a été largement promu depuis une quinzaine d’années par le mouvement Egalité et Réconciliation. Ce concept a pu générer à un moment donné un enthousiasme sincère et un début de synergie patriotique intéressante entre français de souche et citoyens issus de l’immigration et plus précisément de l’ancien empire colonial, en particulier chez les jeunes gens, partageant tous un sentiment nationaliste et un désir de guérir la société française de ses divisions.
Même si je n’ai jamais été un militant ou même un partisan d’E&R, je me souviens parfaitement de l’energie positive de cette époque, qui débute avec la campagne de Jean-Marie Le Pen en 2007 et qui s’achève en 2013-2014 avec le fameux « jour de colère ». Je tiens ici à dire que nous avons de profonds désaccords avec certains aspects de la doctrine d’E&R, principalement en raison des graves erreurs théologiques et philosophiques propagées par certains de leurs auteurs les plus célèbres. Cela étant dit, il faut être de bonne foi et savoir reconnaitre que l’éveil politique de notre génération doit beaucoup de choses à ce mouvement et à son fondateur. Il faut donc savoir reconnaitre que ce mouvement a également pu proposer de bonnes idées politiques et le concept de réconciliation nationale en fait clairement partie.
Toutefois, de nombreux évenements survenus au cours des années 2010 et 2020 ont contribué à diminuer la pertinence de ce concept tel qu’il a été articulé par E&R. Attentats islamistes, criminalité liée à l’immigration, racisme anti-français, émeutes dans les banlieues et bien d’autres phénomènes ayant marqué la société française ces dernières années.
L’aggravation en France des tensions sociales, économiques et culturelles (pour ne pas dire ethniques) a fait que ce concept a pu être l’objet de nombreuses critiques au sein du camp national, y compris chez de nombreux anciens disciples d’Egalité et Réconciliation.
Je pense que ces critiques sont en partie justifiées, non pas en raison du concept lui-même, mais peut-être de la manière dont il a été formulé. Je veux parler ici de quelques défauts de formulation qui sont clairement liés aux erreurs théologiques et philosophiques dont je parlais précédemment.
Là où je trouve que ces critiques sont injustifiées, c’est que le concept de réconciliation nationale est un concept bon en lui-même et quoi qu’on en dise, c’est un concept absolument nécessaire pour guérir une société aussi fragmentée que la nôtre.
Car, ces critiques trouvent elles aussi leur limite en croyant que la dimension ethnique ou multiculturelle du mal français en serait la cause principale.
Le problème, c’est que la France n’est pas simplement fragmentée sur une ligne ethno-culturelle : la France est divisée contre elle-meme et cette division est beaucoup plus grave, plus ancienne et profonde que toute les autres.
Il faut tout d’abord rappeller que ce concept de réconciliation nationale n’est pas une invention d’Alain Soral.
La Réconciliation Nationale, un concept déjà ancien
Dans les années 1930, le concept de Réconciliation Nationale était au coeur de la pensée du colonel de la Roque et de son Parti Social Français. Nous sommes alors bien avant la société multiculturelle et multiconflictuelle que nous connaissons aujourd’hui.
Pourtant, à l’époque, la fragmentation de la société française était déjà là, et peut-être encore plus violente qu’elle ne l’est aujourd’hui. Sans doute à cause de son éducation catholique, le colonel de la Roque en était très conscient et il se rendait bien compte que ces divisions de classe et d’idéologie entre les français était la force qui permettait à la classe politique corrompue de la 3e république de maintenir sa légitimité et de se placer en parti de l’ordre.
D’ailleurs, il existait déjà à l’époque un problème d’immigration en France. Ce problème d’immigration ne concernait pas les populations d’origine africaine et musulmane, mais elle concernait principalement l’immigration juive venue d’Allemagne et d’Europe centrale.
Ce qui est interessant, c’est que le colonel de la Roque avait des propos très durs contre l’antisémitisme et le racisme. Lui qui avait fait la guerre de 14-18 et s’y était distingué par son héroïsme, lui qui avait été un brillant officier colonial au Maroc, était logiquement un défenseur de la francité, de la francophonie et d’un certain modèle d’assimilation. Il faisait donc une distinction entre les anciennes communautés Juives de France, qu’il estimait tout à fait légitimes, et ces juifs d’immigration récente qu’il considérait comme étant des potentiels fauteurs de troubles, des agents de l’influence allemande ou de l’influence communiste.
Dans son livre « Service Public », le colonel de la Roque écrit ceci :
« Et voici que le racisme hitlérien, combiné avec notre folle sensiblerie, nous condamne à héberger une foule grouillante, virulente, de hors la loi que rien ne garantit ; voici que parmi ces derniers, de nombreux îlots se constituent pour lesquels la persécution nazie n’est qu’une couverture d’espionnage et de conspiration. Mettre ce danger en évidence n’est point faire acte d’antisémitisme. »
A ce propos, le colonel de la Roque avait également été le premier à promouvoir un programme de remigration, puisqu’il écrit ainsi dans le Petit Journal du 17 Avril 1938 que « lorsque le Parti Social Français sera au pouvoir, il ne manquera pas de réviser les naturalisations abusives auxquelles on a recouru, non seulement sous le règne du Front Populaire, mais même pendant les années qui l’on précédé« .
Grâce à cette ligne politique équilibrée, radicalement sociale et raisonnablement nationale, grâce à un refus catégorique de l’extrêmisme et grâce à une ligne fondée tout entièrement sur la notion d’union nationale, le Parti Social Français est devenu en l’espace de seulement trois ans le plus grand parti de France, avec près d’un million de partisans, ce qui était une chose tout à fait exceptionelle à cette époque, en particulier pour un parti classé à droite, même si le PSF refusait les étiquettes gauche-droite, conformément à sa ligne anti-parlementariste et très hostile au règne des partis politiques, considérés à juste titre comme étant de puissants facteurs de division sociale et de corruption politique.
En comparaison, les effectifs combinés de la SFIO et du Parti Communiste Français à la même époque ne suffisaient même pas à rivaliser avec les chiffres du PSF, alors que ces deux partis de gauche avaient été jusqu’ici les plus gros partis de France. A eux deux, la SFIO et le PCF avaient environ 650 000 adhérents, alors que le PSF en avait plus d’un million à lui seuls, obtenus en seulement quelques années.
Tout le monde aujourd’hui s’accorde pour dire que cette dynamique exceptionelle aurait très certainement porté le PSF au pouvoir lors des élections de 1940, mais le déclenchement de la guerre et l’occupation allemande se mirent travers de cette destinée toute tracée, un scénario tragique comme l’histoire de France en a souvent connu.
Les grandes idées de La Roque, en particulier le souverainisme, l’idée de l’exécutif fort, la participation capital-travail ou encore le christianisme social qui inspirait fortement la doctrine du PSF se transmirent plus tard au sein du mouvement gaulliste, y compris le concept de réconciliation nationale, même si ce dernier avait déjà été sérieusement compromis par l’épuration de 1945 ainsi que par d’autres compromissions du régime gaullien.
D’ailleurs, les grandes idées de la doctrine du PSF qui furent à la base de la fondation de la 5e république, étaient également très présentes au sein de l’Etat français du Maréchal Pétain.
En retour, le projet de constitution élaboré par les équipes du Maréchal a manifestement inspiré les rédacteurs de la constitution gaulliste, puisqu’on y retrouve ce modèle de monarchie présidentielle, ce modèle illébéral d’un pouvoir exécutif fort.
Or, là encore, cette doctrine était déjà celle du colonel de la Roque dans les années 1930.
En fait, lorsque l’on étudie l’histoire du colonel de la Roque et du Parti Social Français, on est frappé de voir à quel point la formule politique de ce mouvement était avant-gardiste. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je dis souvent que si nous devions être en mesure demain, d’ici 10 ou 20 ans, de fonder un grand mouvement politique, catholique, social et patriotique, il faudrait sans aucun doute s’inspirer en grande partie de ce que le PSF a fait durant l’entre-deux guerre.
Le fait que ce mouvement et sa doctrine restent aujourd’hui aussi actuels est tout à fait remarquable. Car, si l’on fait une comparaison par exemple avec l’Action Française, on doit admettre que la doctrine maurassienne est beaucoup moins pertinente aujourd’hui, aussi bien sur le plan doctrinal que sur le plan stratégique.
Le Parti Social Français et le problème de l’unité nationale
Bien sûr, l’objet de cet article n’est pas le Parti Social Français, mais je crois qu’il est tout de même utile de faire quelques rappels importants et qui sont tout à fait en phase avec cette thématique urgente de la réconciliation nationale, puisque celle-ci, une fois encore, était véritablement au coeur de la doctrine du PSF.
- Et ceci se comprend aisément lorsque l’on analyse un peu l’origine et le parcours du colonel de la Roque. Celui-ci est né dans une famille de l’ancienne noblesse française, avec des parents très catholiques, et même de tendance plutôt légitimiste. Le colonel de la Roque fait sa carrière militaire principalement dans l’empire colonial, au Maroc, puis sera un temps affecté à l’Etat-major, auprès du maréchal Foch. Ce n’est que vers la fin des années 1920 qu’il prend les rênes du mouvement des croix-de-feu, qui est en fait une association d’anciens combattants de 14-18. D’ailleurs, ce n’est pas le colonel de la Roque qui fonde ce mouvement, mais Maurice d’Hartoy, un écrivain, vétéran de 14-18, mais dont la vie un peu fantasque n’était sans doute pas à la hauteur des enjeux. Lorsque le colonel de la Roque prend la tête des croix de feu, il possède déjà une réputation excellente et c’est lui qui va transformer cette association en un véritable mouvement social et patriotique.
- Il faut en effet comprendre que les associations d’anciens combattants avaient énormément d’influence politique durant l’entre deux guerres. Les croix de feu étaient donc un mouvement extrêmement populaire. Si vous venez comme moi d’une vieille famille française de tradition militaire, si vous avez eu la chance de connaitre vos grands parents ou arrières grands parents, vous pouvez très certainement comprendre le sentiment patriotique très fort qui était né de l’expérience terrible de cette guerre civile européenne que fut la 1ere guerre mondiale.
- Il y a un autre point très important en ce qui concerne le colonel de la Rocque et qui montre son inteligence et son état d’esprit, c’est la dimension radicalement sociale de sa doctrine politique. Cela se voit déjà avec les croix de feu puisque l’association va devenir un vrai mouvement d’action sociale, avec des sections pour les jeunes, des sections pour les femmes, pour les ouvriers, etc. Cette dimension sociale se retrouve évidemment plus tard dans le Parti Social Français, dont le nom est assez explicite.
- Les croix de feu vont être dissoutes après les évenements de février 1934. Cette dissolution peut sembler injuste puisque le colonel de la Roque revendiquait une approche républicaine et légaliste. Pour lui, il n’était pas question de faire un coup d’état, puisqu’il était parfaitement possible de prendre le pouvoir par les urnes. Et là encore, n’en déplaise à ses détracteurs d’hier et d’aujourd’hui, il avait tout à fait raison. Seul le déclenchement de la guerre en 1939 a empéché le PSF de prendre le pouvoir en 1940. Quoiqu’il en soit, à la suite de cette dissolution, le colonel décide qu’il est temps de fonder le PSF.
- Comme je l’ai dit précédemment, la doctrine du PSF est vraiment très avant-gardiste. Beaucoup de propositions formulées par le colonel de la Rocque dans ses livres programmatiques, comme Service Public, seront récupérées et mises en place par le front populaire, mais aussi par l’Etat français, puis par la 5e république gaulliste. En particulier, les doctrines sociales du colonel de la Roque sont très avant-gardistes puisqu’il propose la mise en place des congés payés, le modèle de la participation capital-travail ou encore le droit de vote des femmes. Toutes ces mesures ne seront mises en place que bien plus tard par les gouvernements de l’époque.
- Clairement, la dimension sociale est omniprésente dans le discours du colonel. Il est bien connu que ceci est une inspiration directe de la doctrine sociale de l’Eglise, en particulier de l’enseignement de Léon XIII et de Pie XI, le colonel de la Roque étant lui-même un catholique convaincu. Ce discours social était aussi d’une grande intelligence politique, puisque les militants du PSF étaient presque exclusivement des membres de la classe moyenne ou du prolétariat ouvrier et paysan, une sociologie que l’on retrouve aujourd’hui un peu dans l’électorat RN. En clair, ce discours fonctionnait très bien puisqu’il était combiné avec la fibre patriotique qui animait tout particulièrement ces catégories de la population française. Et ceci est une différence de taille avec les partis de droite de l’époque, qui étaient principalement des partis de notables héritiers de l’orléanisme bourgeois.
- A noter aussi que le colonel avait des idées également très en avance concernant la réforme de l’armée française. Idées sommes toutes très similaires à celles du Maréchal Pétain et du Général de Gaulle à la même époque, ce qui prouve que nous étions là dans une période de l’histoire où des hommes d’une trempe et d’une intelligence particulière partagaient énormément d’intuitions. On remarquera que la France ne produit plus de tels hommes depuis bien longtemps et il serait urgent de se demander pourquoi.
- Mais dans l’ensemble, ce qui caractérise fondamentalement la formule politique du PSF, c’est la notion de réconciliation nationale.
- Sans doute à cause de son éducation catholique et donc de sa compréhension de l’histoire de France, le colonel de la Roque comprend parfaitement que la France va mal parce que la France est irrémédiablement divisée contre elle-même depuis la Révolution Française.
- Cette réalisation chez le colonel se traduit évidemment dans quelques points fondamentaux de la doctrine du PSF, en particulier :
- Le rejet du parlementarisme et du règne des partis
- Le refus des divisions de classe, d’où la forte dimension sociale de son discours fondé sur le principe de coopération des classes, directement emprunté chez Léon XIII
- Le refus des divisions gauche-droite et plus généralement des divisions partisanes
- La défense d’un pouvoir exécutif fort, au-dessus de l’influence des partis politiques, afin de garantir la défense de l’interêt général et de la souveraineté nationale
- La défense des valeurs familliales, la famille étant considérée comme la base de la société, dont le refus des moeurs décadentes et subversives
- La défense des interêts économiques des travailleurs, qu’ils soient ouvriers, salariés ou entrepreneurs, grâce un modèle d’économie mixte avec un Etat social et protectionniste, mais qui respecte et propose un maximum de libertés économiques au sein de la société, ce qui est là encore une inspiration évidente de la doctrine sociale de l’Eglise
En clair, le PSF propose une doctrine d’union nationale autour des principes de la justice sociale, de la fraternité patriotique et de la souveraineté nationale.
Le PSF avait également d’autres particulirités qui ne sont pas seulement anecdotiques, mais qui montrent une fois encore l’intelligence de sa formule politique.
- Par exemple, le colonel de la Roque refusait d’être associé au fascisme italien, dont il rejettait évidemment la statolatrie. Cela allait même plus loin puisque les partisans du fascisme était écartés de son parti.
- De plus, le colonel de la Roque, tout en étant radicalement nationaliste, rejettait l’antisémitisme et le racisme. Il semblait considérer que beaucoup de mouvements nationalistes de l’époque étaient devenues de véritables caricatures repoussantes et grand-guignolesques. Là aussi, les antisémites excités sont systématiquement écartés du PSF. Ce n’était pas là une soumission comme on en voit aujourd’hui au sein de la droite nationale française. Puisque dans le petit journal du 17 avril 1940, il tient des propos particulièrement durs contre un certain communautarisme juif, qu’il met en rapport avec l’influence néfaste de la franc-maçonnerie.
- Dans le même temps, le colonel était bien entendu farouchement opposé au communisme.
- Et bien sûr, en tant que nationaliste et en tant que partisan précoce de l’armée de métier, le colonel de la Roque était radicalement anti-hitlérien. D’ailleurs, il appelle publiquement à la résistance dès le 16 Juin 1940. Malheureusement, le PSF est interdit en 1940 en zone occupée puis en 1942 dans toute la France. Beaucoup de cadres du PSF sont d’abord fidèles au maréchal Pétain et siègent avec le colonel de la Roque au sein du Conseil National, mais en sortent plus tard. En 1942, De La Roque fonde le « Klan », un mouvement de résistance. Mais un an plus tard, en 1943, il est rafflé par la Gestapo avec environ 150 membres du PSF et il est déporté en détention en Allemagne. Beaucoup d’autres cadres du PSF qui avaient échappé à la Gestapo se dirigent alors vers Londres pour rejoindre le général de Gaulle.
Pour finir, il faut conclure avec l’aspect central de la pensée du colonel selon à moi, c’est à dire cette volonté de réconcilier la nation.
Et cette réconciliation ne peut se faire qu’autour de l’idéal chrétien, bien évidemment. Dans un discours à Marseille en 1937, De La Roque déclare ainsi :
« Notre idéal de liberté et de défense de la civilisation chrétienne rejette aussi bien le joug hitlérien que la tyrannie moscovite« .
Cette phrase est très importante car elle résume bien la position du Parti Social Français. Qu’il s’agisse de menace intérieures ou de menaces extérieures, l’union nationale doit se faire autour de l’idéal chrétien.
Et ce discours était encore très efficace dans une France qui étaient encore anthropologiquement capable de comprendre l’importance de la religion et de l’ordre moral qui en découle.
L’union nationale doit se faire autour de l’Autel
Avant la seconde guerre mondiale, les divisions françaises étaient déjà extrêmes et se manifestaient en particulier par l’opposition entre la France catholique et la France laïcarde et maçonnique, mais aussi par l’opposition entre le mouvement monarchiste et le régime républicain.
Après la seconde guerre mondiale, de nouvelles divisions naquirent sur la base de l’opposition entre résitants et collaborateurs, entre partisans et opposants à l’Algérie Française, entre partisans de l’Etat social et partisans du modèle néo-libéral, entre partisans de la souveraineté nationale et partisans de l’Union Européenne, etc.
Mais il faut dire ici une chose que beaucoup de français, y compris dans les milieux nationaux, semblent avoir du mal à comprendre. Ces divisions françaises ne sont pas simplement le résultat de circonstances historiques aléatoires.
C’est la nature même du régime parlementariste, du règne des partis et de la mise en compétition permanente du pouvoir politique qui développe mécaniquement ces phénomènes de divisions idéologiques et partisanes entre Français et rend impossible tout projet de réconciliation nationale, hier, comme aujourd’hui.
Et je ne parle même pas des divisions qui naissent elles aussi mécaniquement au sein même du régime, puisque la démocratie libérale consiste à réduire la souveraineté nationale au rang d’un produit de consommation que l’on peut vendre ou acheter en fonction de l’influence politique dont on dispose.
Donc, nous voyons ici qu’il n’est pas très intelligent de rejeter ce concept de réconciliation nationale comme s’il était l’invention récente d’Alain Soral, un essayiste objectivement courageux et influent, mais avec lequel nous avons de profonds désaccords.
Ce concept est bien plus ancien et il demeure d’une extrême pertinence aujourd’hui.
Nous voyons aussi qu’une approche intelligente et raisonnable de ce concept ne résulte pas dans l’entretien de projets chimériques, mais dans une appréhension réaliste du fait social et historique.
Or, quelle est la réalité sociale française aujourd’hui ? C’est la société ouverte, fragmentée, divisée, composée d’un agrégat d’aliénés, de factions idéologiques, de côteries politiques et de gangs identitaires. C’est une société sans unité et il en est ainsi depuis que la France a renoncé à ce qui permet précisement de cimenter l’unité des peuples, à savoir la foi en Dieu, la transmission de valeurs immuables, la soumission de l’Etat et de la société aux sublimes lois morales de Jésus-Christ.
Parler de réconciliation nationale, c’est donc faire preuve de maturité et d’intelligence politique.
Que vous le vouliez ou non, il faudra réconcilier les français entre eux et leur imposer ce facteur d’unité qui leur fait tant défaut.
Le philosophe Raymond Aron disait avec raison que :
« Pour laisser à chacun une sphère privée de décision et de choix, encore faut-il que tous ou la plupart veuillent vivre ensemble et reconnaissent un même système d’idées pour vrai, une même formule de légitimité pour valable« .
En rejetant la formule intégrale de la société chrétienne au nom d’une fausse liberté, il n’est pas surprenant que la France aujourd’hui s’enfonce toujours plus vers le chaos et la tyrannie. Et le pire dans tout ceci, c’est que ce pays s’inflige ce chaos et cette tyrannie d’elle-même, en faisant confiance à une caste politique qui veut littéralement sa mort.
Il est donc évident que la réconciliation nationale ne peut pas se faire avec des élements ou des principes qui sont par nature irréconciliables avec un projet social et civilisationnel harmonieux et fondé sur les principes suprêmes du christianisme, de la justice et de la responsabilité citoyenne.
Pour être plus clair, la réconciliation ne peut pas se faire avec les quatre nouveaux états conférérés et leurs principes idéologiques. Leur destin, c’est d’être écartés à tout jamais de la destinée nationale.
Donc, quand nous parlons de réconciliation nationale, nous devons évidemment nous inspirer du modèle du colonel de la Roque, qui était équilibré et réaliste, tout en étant radical et séduisant.
Comme le PSF, nous devons rejeter les opinions politiques extrêmistes et binaires, nous devons défendre la justice sociale en même temps que les libertés économiques, nous devons défendre un exécutif fort, qu’il soit monarchique ou républicain, pourvu qu’il soit au service de la religion, du peuple et de la souveraineté nationale.
Comme le PSF, nous devons faire preuve de réalisme pratique et cesser de nous accrocher à des modèles chimériques.
Comme le PSF, nous devons appeler à l’union des français qui méritent d’appartenir à la destinée nationale, qu’ils soient d’abord français de souche, mais aussi citoyens issus de l’ancien empire colonial.
Et j’insiste sur ce point car le PSF avait conscience de la nécessité de véritablement assumer l’histoire de France, chose que nous avons énormément de mal à faire. Assumer cette histoire, c’est accepter les enfants de l’empire, mais c’est aussi se préparer à mettre en place des mesures pour purger la société française de ses élements indésirables et illégitimes, qu’il s’agisse des racailles d’en haut ou des racailles du bas. Encore une fois, ces gens-là n’ont pas vocation à partager notre destinée.
Le Parti Social Français était aux portes du pouvoir, mais a été détruit par la 2nde guerre mondiale.
Il est sans doute encore trop tôt pour qu’un parti catholique et social émerge en France, mais il devra émerger tôt ou tard, si Dieu le veut, sans quoi ce pays se dirige vers l’auto-destruction.
Et s’il se dirige vers l’auto-destruction, il ne sera plus question de réconciliation nationale, mais tout simplement de refonder une nation.
Peu importe l’issue de cette histoire, notre devoir est de faire en sorte que la société qui émergera de cette auto-destruction soit une société où règne le Christ.
En conclusion, la réconciliation nationale ou la refondation nationale, se fera autour de l’autel, ou elle ne se fera jamais.