Saint Abraham vint au monde à Chidame, près d’Édesse en Asie Mineure, et s’illustra par son innocence et sa haute vertu. Il fut un défenseur de la foi zélé et charitable. Son père et sa mère, doués des biens de la fortune, l’aimaient tendrement. Malgré son attrait pour la vie solitaire, pour ne pas déplaire à ses parents, il consentit à s’engager dans les liens du mariage. Dès que les noces furent terminées, il sortit furtivement de la maison, et ayant trouvé une caverne à deux milles de la ville, il s’y retira plein de joie, résolu d’y passer toute sa vie à servir Dieu seul.
Après dix-sept jours de recherches, ses parents le découvrirent dans sa retraite, plongé dans la contemplation. Ils furent si touchés de ses supplications, qu’ils firent le sacrifice de leur fils et le laissèrent suivre sa vocation. Dès lors le nouvel ermite fit murer sa cellule, n’y laissant qu’une étroite fenêtre pour recevoir la nourriture qu’on lui apportait chaque jour.
Il fit de grands progrès dans la voie de la perfection. Il acquit surtout une humilité extraordinaire et une charité extrême pour le prochain. Jamais il ne réprimanda personne durement; sa parole était toujours assaisonnée d’indulgence. Saint Éphrem [qui fut sont disciple et son ami] nous dit qu’il ne se relâcha jamais en rien de sa vie de pénitence, qu’il ne passa pas un seul jour sans verser des larmes, et que, malgré ses austérités, il conserva toujours la fraîcheur de son visage et la vigueur de son corps.
Il y avait dix-sept ans qu’il menait en ce lieu une vie toute angélique, lorsqu’il apprit la mort de ses parents. Il pria un de ses amis de vendre tout son héritage et d’en donner le prix aux pauvres, ne se réservant qu’un vêtement de poil de chèvre, une natte et une écuelle de bois.
La renommée des vertus du saint solitaire se répandit de tous côtés. Dieu permit qu’une si grande piété servit à Sa gloire. Il fit construire près de sa maisonnette une cellule pour sa nièce, qui docile à ses leçons, fit de grands progrès dans la vertu et la piété.
Près de la cellule était un gros village peuplé d’idolâtres, si attachés à leurs superstitions qu’ils maltraitaient tous ceux qui cherchaient à les instruire. L’évêque d’Édesse, affligé de l’aveuglement de ce peuple, résolut de lui envoyer Abraham comme le plus capable de les convertir par sa charité et sa patience.
Le Saint se défendit en vain. On le conduisit à Édesse, où l’évêque l’ordonna prêtre et l’envoya travailler à l’oeuvre du Seigneur. Fort mal reçu des habitants, frappé, menacé de mort, le Saint ne perdit point courage et entreprit hardiment de bâtir une église. L’édifice achevé, Abraham pria le Seigneur d’y rassembler les habitants infidèles en les convertissant à la foi; puis, animé d’un nouveau zèle, il brisa leurs idoles, et renversa leurs autels.
Le peuple, dans sa colère, se rua sur lui, et, après l’avoir accablé de coups, le chassa du village; mais le Saint revenu pendant la nuit dans son église y demeura en prière. Le lendemain, le peuple, l’ayant aperçu, se jeta de nouveau sur lui et le battit si cruellement que, le croyant près d’expirer, il le traîna au loin par les pieds avec une corde; mais Dieu, qui est le Maître de la vie et de la mort, lui rendit promptement la santé.
Abraham passa ainsi trois ans dans une continuité de souffrances et de douleurs, sans que rien pût ralentir son zèle. Enfin Dieu exauça ses prières; ces infidèles, touchés de la charité et de la patience d’Abraham, se rendirent à l’église et demandèrent à être instruits. Le saint prêtre expliqua alors à ce peuple les mystères de la religion et en baptisa un grand nombre. Il demeura quelques temps encore avec ses néophytes pour les affermir dans la foi, puis se retira dans sa première cellule.
Enfin le Seigneur appela à Lui Son fidèle serviteur, âgé de soixante-quinze ans, pour le récompenser de ses travaux, ses prières et ses austérités. C’était le 16 mars 376.
Frères des Écoles Chrétiennes, Vie des Saints, p. 117-118