Une alliance entre la France catholique et celle des Lumières est-elle possible ?

Une récente phrase d’Eric Zemmour sur le plateau de CNEWS a fait réagir un certain nombre d’amis catholiques militants. Nous n’avons pas l’habitude ici de commenter la moindre parole d’Eric Zemmour ou de quelque autre personnalité française. D’autant plus qu’Eric Zemmour dit beaucoup de choses, et c’est bien normal : c’est son métier. Mais la phrase qui fait ici polémique nous semble suffisamment marquante pour être brièvement commentée.

D’une part, parce qu’Eric Zemmour est devenu le principal pundit de France, et que, bon gré mal gré, il est devenu le visage de l’opinion réactionnaire dans le pays. D’autre part, parce que ctte phrase résume à elle seule la croyance, voire la stratégie d’une partie considérable de la droite néo conservatrice. Et aussi parce qu’elle illustre précisément ce qui sépare les intégralistes catholiques, du reste de la droite actuelle, depuis les libéraux conservateurs, au néo conservateurs.

Cette fameuse phrase, la voici :

Il faut que les gens de la tradition catholique et ceux de la tradition des Lumières s’allient. Il faut que l’on retrouve nos fondamentaux. Ce sont les islamistes qui nous y ramènent, ce paradoxe est fou.

La proposition de Zemmour est clairement établie. Avant de nous poser la question de l’intention, commentons sur la substance du propos :

Une alliance entre la France catholique et la France révolutionnaire, est-elle possible ?

Zemmour n’est pas le seul, ni le premier à avoir formulé l’idée de l’union sacrée. Les libéraux du 19e siècle le firent déjà. Maurras, d’une certaine façon, imposa la chose en 1914. Mais les contextes et l’anthropologie étaient bien différents. Même ces deux cas ne sont pas vraiment comparables. On peut également évoquer le CNT, ou même le gouvernement de Vichy, qui a abrité en son sein les « deux patries ». D’une façon encore différente, Alain Soral, lui aussi, propose une forme d’union sacrée dans l’optique de sa doctrine de réconciliation.

Mais il n’y aura alliance, que s’il y a réconciliation. Et il n’y aura réconciliation véritable que par un seul médiateur : Notre Seigneur Jésus Christ. Personne d’autre : ni la nation, ni la race, ni l’idéologie ne peuvent, par elles-mêmes, restaurer la France dans son identité et dans sa destinée première. Il faut pour cela, un principe supérieur.

Or, cette destinée française fut précisément rompue par l’action criminelle et apostate de cette France de la « tradition des lumières » dont parle Zemmour. Le crime ne fut pas seulement d’avoir abattu un homme, le roi –crime déjà énorme-, ou une forme de gouvernement, mais bien d’avoir eu l’audace de croire pouvoir déraciner le pouvoir du Souverain Législateur.

C’est la « tradition des Lumières » qui est l’unique responsable de tous les désastres qu’a connu la France. Et si cette France méprise la Providence, les miracles et les châtiments divins, nous pouvons utiliser un vocabulaire plus profane : Cette décadence politique, économique et plus généralement anthropologique est principalement due au rejet du plus grand nombre de la loi divine et de la loi naturelle, en somme, du rejet du Règne du Christ Roi.

Avons-nous oublié les massacres de Septembre ? Les noyades de Nantes ? Le génocide des vendéens ? La persécution du clergé ? Le mépris obscène et constant envers la Religion ? Les interdits et les milles vexations imposées à l’Eglise en France ? La loi de 1905 ? Les lois laïcistes et leur lot de propagande scolaire, qui pour être anti-françaises, ont d’abord été anti-chrétiennes ? Avons-nous oublié qu’avant que les islamistes viennent égorger des catholiques dans leurs églises, c’était cette France de la « tradition des lumières », qui y venait égorger nos prêtres ? Nous, nous n’avons pas oublié. Certainement, l’Eglise a pardonné. Mais ce n’est pas pour nous un objet d’amère revanche, c’est une simple question de logique. Car, en assassinant son âme chrétienne, cette France des « lumières » a signé son propre arrêt de mort. C’est le laïcisme qui a mené à l’islamisme. C’est le dogme hypocrite de la « liberté d’expression », qui a permis l’épandage de toutes les idéologies qui ont causé la perte politique, économique, sociale et morale de la France.

Et ce sont aujourd’hui les enfants des lumières, qui viennent pleurer les effets ultimes de leur héritage philosophique et politique. Et ce sont eux qui osent nous demander de les rejoindre dans leurs turpitudes ?

Oui, Zemmour a raison de dire que ce paradoxe rend fou. Il ruine, il tue.

Ceci étant dit : est-il au moins possible de s’allier pour concourir à la préservation et à l’extension du bien commun ? Certainement, mais à la condition sine qua non que cette France de la « tradition des lumières » admette ses erreurs, qu’elle y renonce, qu’elle implore ventre à terre le pardon de Dieu.

Au grand minimum, elle doit se ranger derrière la jeune élite catholique traditionaliste. Ce n’est donc pas à nous de faire alliance avec ceux qui, aujourd’hui encore, s’obstinent à se complaire dans les idéologies et les systèmes de pensée qui ont ruiné l’humanité toute entière. Mais c’est bien à eux de venir à nous. Nous seuls, pouvons ramener la France à ses fondamentaux.

La vraie question est donc de savoir si cette « France des lumières » est prête à accepter la domination légitime et salutaire de la France catholique. Et puisqu’Eric Zemmour n’est pas catholique, à notre connaissance, ne fait-il pas logiquement partie de cette « France des lumières » ?

Que ne donne-t-il pas l’exemple de ce qu’il propose ? Sa conversion aurait probablement un effet tout à fait positif et considérable, dans cette fameuse « France des lumières ».

L’union sacrée ne peut être sacrée que si elle se réalise sous les auspices de la divine Providence.


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2 commentaire

  1. Analyse éclairée, comme toujours! Que Dieu vous bénisse, vous et votre travail. En union de prière.

  2. Bonjour,

    La « tradition des Lumières » ? Je me demande s’il n’y a pas là un oxymore.

    Mais quand bien même ce ne serait pas le cas, il faudrait pouvoir s’entendre sur les fondements et le contenu de cette tradition :

    – la majorité de la population sait-elle que les fondements des Lumières sont situés au XVII° siècle, et que ce si ces fondements ne sont pas tous d’inspiration anti-chrétienne, le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne sont pas d’inspiration philo-catholique, sauf, notamment, chez Malebranche (mais dans le cadre d’un référentiel philosophico-théologique assez particulier : l’augustino-cartésianisme) ?

    – la majorité de la population sait-elle qu’une partie non négligeable de ce qu’il y a de meilleur, sur le plan philosophique, dans le contenu des Lumières, au XVIII° siècle, n’est pas d’origine française, mais est notamment d’origine britannique et d’origine germanique ?

    Par ailleurs, la distinction entre les gens de la « tradition catholique » et ceux de la « tradition des Lumières » équivaut-elle, dans l’esprit de ceux qui l’utilisent, à une distinction

    – entre ceux qui sont restés fidèles à la foi, au point « d’en rester à » la foi, en tant que foi « asservie au passé »,

    – et ceux qui ont confiance en la raison, au point de « se tourner vers » la raison, en tant que raison « ouverte sur l’avenir » ?

    Si tel est bien le cas, c’est une assez grave erreur, dans la mesure où la « tradition catholique », si et seulement si elle est très bien comprise, est porteuse d’une coopération entre la foi et la raison, ou est propice à cette coopération, alors que la « tradition des Lumières », dans ce qu’elle a de plus franco-français et de plus pré-révolutionnaire, repose non seulement sur le rejet de la foi, de la foi chrétienne, mais aussi sur celui de la raison, de la raison humaine, en ce que celle-ci ouvre sur la plus grande prudence, la plus grande sagesse et le plus grand réalisme.

    Donc, en fait, avant de dire oui ou non à la première phrase d »Eric Zemmour, il faudrait pouvoir s’entendre sur ce dont on parle, exactement, d’abord quand on parle de la « tradition catholique », ensuite quand on parle de la « tradition des Lumières », et enfin quand on parle d’un potentiel de coopération entre ces deux « traditions ».

    Quid de ce potentiel de coopération, entre les partisans des notions de loi naturelle et de personne humaine, et les partisans de la dynamique des droits de l’homme et de l’ouverture incessante de nouveaux droits pour l’individu contemporain ?

    Enfin, au moins depuis la fin des années 1970, non seulement les partisans du théocratisme, ou de l’intégrisme islamique, mais aussi les partisans d’une espèce « d’anthropocratisme », ou de progressisme postmoderne, se manifestent avec une ampleur et une portée telles que cela nécessite une « mobilisation générale », qui ne concerne pas que les gens de la « tradition catholique » et ceux de la « tradition des Lumières », contre des dynamiques culturelles et sociétales qui sont, d’une part, des dynamiques liberticides, et, d’autre part, des dynamiques « libertaristes » ou « libertolâtres ».

    Or, si l’on voit assez facilement des partisans de la « tradition catholique » dirent non à la fois au théocratisme islamique et à « l’anthropocratisme » postmoderne, on voit plus difficilement les partisans de la « tradition des Lumières » dire non à la fois à l’un et à l’autre de ces deux courants, la plupart des intellectuels qui se disent ou se veulent intelligents ayant énormément de mal à s’opposer comme il se doit au gauchisme culturel, ou à l’hégémonie culturelle du (dé)constructionnisme, du relativisme et du subjectivisme, ou encore au courant de pensée libéral-libertaire…

    Bonne journée.

    Un lecteur.

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