La grande vénération par laquelle ce saint a été honoré, autant dans les églises grecques que latines pendant de nombreux siècles, et le grand nombre d’autels et d’églises qui ont été partout érigés à sa mémoire, sont les preuves de son extraordinaire sainteté et de la gloire dont il jouit auprès de Dieu.
L’empereur Justinien construisit une église en son honneur à Constantinople, dans le quartier appelé Blaquernæ, vers l’an 430[1] et il était également le saint titulaire dans quatre autre églises de Constantinople.[2] Tous les témoignages s’accordent pour dire que Saint Nicolas était originaire de Patara, en Lycie. On nous dit que dans son enfance il observait les jeûnes des mercredis et vendredis, refusant de téter le sein maternel ces jours-là, qui étaient consacrés au jeûne par la loi de l’église, comme le mentionne saint Clément d’Alexandrie,[3] et comme Mgr. Potter le prouve, dans sa note sur ce passage des Constitutions apostoliques[4] et de l’épître canonique de saint Pierre, évêque d’Alexandrie et martyr. Saint Epiphane[5] et d’autres témoignent de la même chose.
Heureux ceux qui, depuis leur enfance et leur innocence, sont habitués aux exercices de dévotion, de pénitence et d’obéissance parfaite. Saint Nicolas augmenta sa ferveur dans ces vertus et dans bien d’autres au fil du temps, surtout quand il se consacra à une vie religieuse dans le monastère de sainte Sion, près de Myre, où il fut nommé abbé par l’archevêque et fondateur du lieu. La charité dont il faisait preuve pour réconforter et soulager les affligés et les pauvres gens était sa vertu caractéristique. Parmi de nombreux autres exemples de ces saintes qualités, il est raconté que lorsque trois jeunes vierges se virent exposées, par manque d’argent, au risque de tomber dans le vice, Saint Nicolas leur transmis pendant trois nuits successives, par la fenêtre, une somme d’argent considérable, que les trois jeunes personnes se partagèrent et qui leur permit de faire un mariage heureux.
La Lycie était une grande ancienne province d’Asie, dans laquelle Saint Paul avait apporté la foi chrétienne. Myre, la capitale, située à trois milles de Patara et de la mer, était un siège archiépiscopal, fondé par Saint Nicandre. Ce siège jouissant d’une si grande dignité que, plus tard, trente-six évêchés suffragants y furent soumis. Le siège de cette église métropolitaine étant devenu vacant, le saint abbé Nicolas fut choisi comme archevêque, et c’est à ce rang élevé qu’il devint célèbre par sa piété et son zèle extraordinaires, et par une quantité stupéfiante de miracles. Les biographies grecques s’accordent pour dire qu’il a subi l’emprisonnement en raison de sa foi catholique, et qu’il témoigna glorieusement le Seigneur Jésus-Christ dans les derniers temps de la persécution de Dioclétien. Ces rapports s’accordent également pour dire qu’il était présent au grand concile de Nicée et qu’il y a fermement condamné l’hérésie arienne. Le silence de certains auteurs à ce sujet fait que d’autres historiens mettent en doute la vérité de sa présence au concile. On sait par la traduction de ses reliques qu’il mourut en 342 à Myre et qu’il fut enterré dans sa propre cathédrale.
Plusieurs églises furent construites en son honneur, tant en Orient qu’en Occident, bien avant la translation de ses reliques à Bari, et la façon dont Usuard le mentionne dans son Martyrologue, près de trois siècles avant ce transport, montre à quel point Saint Nicolas était déjà connu et vénéré dans le monde latin. L’histoire de la translation de ses reliques à Bari nous assure qu’aucun saint n’était plus universellement honoré dans toutes les nations chrétiennes que Saint Nicolas. Les Russes, qui ont reçu leur tradition des Grecs, semblent rendre une plus grande vénération à sa mémoire qu’à celle de tout autre saint qui vécut depuis l’époque des apôtres.
Les reliques de Saint Nicolas ont été conservées avec grand honneur à Myre jusqu’à ce qu’elles soient transportées en Italie. Quelques marchands de Bari, port maritime du royaume de Naples, situé sur le golfe Adriatique, naviguèrent sur trois navires jusqu’à la côte de Lycie ; et constatant l’absence de menace mahométane près du lieu, se rendirent dans l’église dans laquelle les reliques de Saint Nicolas étaient conservées. Cette église se trouvait dans un endroit désertique, à trois lieues de la mer, et était gardée par une petite communauté de moines. Les marchands de Bari brisèrent le cercueil de marbre, dans lequel reposaient les os sacrés, et les emportèrent sur leurs navires. L’alarme ayant été donnée, les habitants les poursuivirent jusqu’au rivage avec d’horribles cris, mais les italiens arrivent à bord sains et saufs. Ils débarquèrent à Bari le 9 mai 1087 et le trésor sacré fut déposé par l’archevêque dans l’église Saint Étienne. Le premier jour, trente personnes furent guéries de diverses maladies en implorant l’intercession de Saint Nicolas, et depuis lors, le tombeau de Saint Nicolas de Bari est célèbre pour ses pèlerinages.
Le récit original de cette translation, écrit par Jean, à l’époque archidiacre de Bari, par ordre de l’archevêque, se trouve à Surius. Le même récit est confirmé par un autre rapport de cette translation, rédigée en même temps par Nicéphore de Bari, également témoin oculaire, commandée par les magistrats de la ville, citée par Baronius, et publiée par Falconius.[6] Selon le récit de Nicéphore, il apparaît que les Vénitiens ayant formé le dessein d’enlever les reliques de Saint Nicolas, certains marchands de Bari, qui se trouvaient alors à Antioche, les en empêchèrent. Cette entreprise ne pouvait être justifiée que par les lois d’une guerre juste, jointes à l’appréhension de l’impiété sacrilège des Mahométans. Dans une nouvelle de l’empereur Emmanuel, enregistrée par Balsamon, et chez d’autres écrivains modernes, il est fait mention d’une matière onctueuse et parfumée, émanant des reliques de Saint-Nicolas dans son sanctuaire de Bari, dont une grande quantité a été trouvée dans son sépulcre près de Myre en Lycie, quand ses reliques y furent apportées.
Saint Nicolas est considéré comme le patron des enfants, car il fut lui-même dès son enfance un modèle d’innocence et de vertu, et former cet âge tendre à la piété sincère a toujours été sa principale mission.[7] Imposer dans l’esprit des enfants des sentiments parfaits de dévotion, de religion et de toutes les vertus, avec un grand sérieux dans tous les devoirs du chrétien, est une tâche aussi délicate qu’importante.
Les instructions doivent être rendues facilement intelligibles et imagées par des comparaisons, des paraboles et des exemples, à la hauteur des capacités intellectuelles des petits. Surtout, ces instructions et ces vertus chrétiennes doivent être fidèlement pratiquées par les adultes qui ont en charge l’éducation des enfants. Ces derniers apprendront leurs maximes, s’imprégneront de leur esprit et se conformeront à leur exemple. L’enfant qui est entouré d’adultes indisciplinés, capricieux, colériques, maussades, vaniteux, paresseux ou impatients, se mettra naturellement à émuler ces mauvaises tendances au lieu d’apprendre par la docilité, l’humilité, la douceur et l’abnégation, à se gouverner lui-même. Les préceptes et les exhortations perdent leur force lorsqu’ils sont contredits par l’exemple : et si l’enfant voit que les adultes autour de lui étudie ne cherchent qu’à satisfaire leur bon plaisir, en opposition complète aux règles de l’Évangile qu’il entend prêcher de leur bouche, il sera tacitement persuadé qu’une telle conduite est conciliable avec les maximes qui la condamnent.
Rev. Alban Butler, The Lives of the Saints, Volume XII, 1866.
[1] Procop. de Ædific. Justinian, l. 1, c. 6, p. 31. Putignani, Diatr. 1, c. 5, pp. 37, 52.
[2] Du Cange, Constantinopolis Christiana, l. 4, c. 6, n. 67. Codinus Orig. Constan. p. 62.
[3] Clem. Alex. Strom. l. 7, t. 2, p. 877, n. 10 et 15, ed Oxon. anno 1715.
[4] Constit. Apost. l. 5, c. 19, et l. 7, c. 24.
[5] Pape Benoit XIV. in Literis Apostolicis ad Joan. V. Portug. Reg. novæ edit. Martyr. Rom. præfixis, à n. 19, ad 36.
[6] Falconius, Acta Primigenia S. Nicolai, p. 131.
[7] Saint Nicolas est particulièrement appelé le saint patron des enfants, non seulement parce qu’il a fait de leur instruction l’objet principal de sa pastorale, mais surtout parce qu’il a toujours conservé les vertus, la douceur, la simplicité, sans ruse ni malice, et l’humilité de son jeune âge, et dès sa toute petite enfance, il s’est voué à Dieu par une piété héroïque: ces raisons sont données dans l’ancien livre des festivals à Sarum, fol. 55. Sur les grands honneurs qui lui étaient rendus à la cathédrale de Sarum, à l’école d’Eton et dans d’autres écoles et collèges, voir l’histoire et les antiquités de l’église cathédrale de Salisbury, 1722, p. 74.