De simples liens matériels ne peuvent suffire à unir les hommes dans une société. Ces liens doivent également être des liens moraux qui unissent les âmes par les facultés de l’intellect et de la volonté. Les intelligences s’unissent par l’acceptation d’une doctrine commune ; les volontés sont jointes par la soumission à une autorité commune. Par conséquent, l’existence même d’une d’une société repose sur ces deux principes de l’unité : l’unité de gouvernement, à laquelle tous les membres doivent se soumettre ; et l’unité de doctrine qui est proposée à tous et acceptée par tous. De ces deux principes de l’unité procède nécessairement un troisième.
Chez l’homme, les actes du for interne tendent à se manifester naturellement au for externe. Ainsi, l’acte interne de l’homme comme membre de la société (sa soumission à l’autorité et son acceptation de la doctrine) s’exprimera en des actes externes, pour la plupart symboliques. Ces actes symboliques constituent le rituel ou le cérémonial de la société, lequel doit essentiellement être le même pour tous les membres de la société, puisqu’il exprime l’acceptation de la même doctrine et de la même soumission à la même autorité.
De plus, chaque membre doit s’efforcer dans une certaine mesure, à atteindre la raison d’être de cette société, car celui qui rejette la raison d’être d’une société, rejette la société elle-même et cesse d’en être membre.
Mais pour atteindre cette fin, certains moyens doivent être employés, des moyens adaptés à cette même fin, et donc, des moyens qui sont essentiellement les mêmes pour tous les membres de la société.
En appliquant ces principes à l’Église, nous voyons facilement qu’elle doit avoir :
– Une unité de gouvernement (ou unité sociale)
– Une unité de doctrine (ou unité de foi)
– Une unité dans ses actes externes qui symbolisent ses doctrines et son gouvernement, ainsi qu’une unité dans l’utilisation des moyens nécessaires à atteindre la fin pour laquelle elle existe.
Puisque l’Église est une société religieuse, tous ces actes externes se rapportent au culte divin et leur unité constitue une unité dans le culte.
[…]
Le corps des fidèles accepte infailliblement les vérités révélées qui leur sont proposées par l’autorité enseignante de l’Église. L’Église est infaillible dans sa foi ; autrement dit, les fidèles, en tant que corps, sont préservés de l’erreur dans la mesure où ils acceptent et professent les doctrines enseignées par l’Église.
De simples individus peuvent tomber dans l’erreur. Des provinces, et même des nations toutes entières peuvent faire défection de la foi, comme en atteste l’histoire. Mais ceux qui professent la vraie foi doivent toujours demeurer en nombre suffisant à travers le monde, afin de préserver la catholicité de l’Église dans l’unité de la foi et du culte.
Preuves :
1/ Preuves par la raison : L’infaillibilité passive, dans le sens exposé plus haut, est une conséquence nécessaire de l’indéfectible unité de la foi et de la catholicité perpétuelle de l’Église. Puisque l’Église est immuablement une dans la profession de la foi, les fidèles, en tant que corps, doivent être préservés de l’erreur, sans quoi la foi ne serait pas une, mais multiple. De plus, la profession d’une fausse foi constitue une hérésie manifeste et exclut de l’appartenance à l’Église. Par conséquent, si les fidèles pouvaient tomber dans l’erreur dans la profession de la foi, l’Église cesserait immédiatement d’être catholique et cesserait donc d’être l’Église du Christ. Il est alors évident que les fidèles, en tant que corps, doivent être infaillibles ou préservés de l’erreur, au moins dans la profession de la foi.
2/ Preuves par l’Écriture : L’Église est le corps mystique du Christ et l’Épouse du Christ, pour laquelle « Il S’est livré Lui-même pour elle, afin de la sanctifier, après l’avoir purifiée dans l’eau baptismale, avec la parole, pour la faire paraître, devant Lui, cette Église, glorieuse, sans tache, sans ride, ni rien de semblable, mais sainte et immaculée ». Mais une église souillée par l’erreur et par la profession de l’erreur ne serait ni glorieuse, ni sans tâche, et ne serait donc pas une épouse digne du Christ. Si le corps des fidèles pouvait tomber dans l’erreur, ne faudrait-il pas alors dire que le Christ S’est livré en vain pour purifier et sanctifier l’Église à laquelle ils appartiennent ? Et ne faudrait-il pas dire que l’erreur du corps mystique puisse être légitimement imputable à Sa tête et au Saint Esprit qui l’anime ?
Saint Paul décrit l’Église comme le pilier et le fondement de la Vérité. Mais elle ne pourrait l’être, si le corps des fidèles n’était pas préservé de l’erreur par l’acceptation et la profession des vérités de foi. L’Eglise est le pilier et le fondement de la Vérité, car les portes de l’enfer ne peuvent prévaloir sur elle.
R.P. Sylvester Berry, The Church of Christ, 1955, pp. 254-255