Le 14 septembre 1952, le pape Pie XII a prononcé un discours au premier congrès international sur l’histopathologie du système nerveux.
Dans ce document, le Saint Père parle aux scientifiques et aux médecins des limites morales de la recherche et des traitements médicaux, en particulier en ce qui concerne les nouvelles méthodes, procédures et technologies. Le pape Pie XII aborde notamment les questions suivantes :
- Quels sont les droits du patient sur son propre corps et sa psyché ?
- Quels sont droits le médecin sur le patient ?
- Quels droits l’autorité publique légale a ou n’a pas sur les individus compte tenu du bien commun ?
Comme l’enseignait son prédécesseur, le Pape Pie XI : « La caractéristique de tous les vrais disciples du Christ, érudits ou non, est d’être guidé et conduit dans toutes les choses qui touchent à la foi ou à la morale par la Sainte Église de Dieu à travers son pasteur suprême le Pontife romain, qui est lui-même guidé par Jésus-Christ Notre-Seigneur » (Encyclique Casti Connubii, n. 104).
Nous pouvons donc être certains que les paroles du pape Pie XII sont un guide fiable et sûr pour tous les chrétiens.
Le texte intégral de l’adresse de Pie XII au congrès scientifique est disponible en français ici.
Ci-dessous, nous reproduisons les passages que nous pensons être les plus pertinents pour analyser de façon catholique les actuelles politiques sanitaires mises en place par le régime français.
Principes Généraux sur les Limites des Possibilités Médicales, des Droits et des Devoirs Moraux
Vous n’attendrez pas de Nous que Nous traitions des questions médicales qui vous occupent. C’est votre domaine. Vous avez pendant ces jours pris une vue d’ensemble de votre vaste champ de recherches et de travaux. Nous voudrions maintenant — pour répondre au vœu que vous avez vous-mêmes exprimé — attirer votre attention sur les limites de ce champ, non les limites des possibilités médicales, des connaissances médicales théoriques et pratiques, mais les limites des droits et des devoirs moraux. Nous voudrions aussi Nous faire l’interprète de la conscience morale du chercheur, du savant, et du praticien, de la conscience morale de l’homme comme du chrétien, qui d’ailleurs suivent ici la même voie.
Pour justifier en morale de nouveaux procédés, de nouvelles tentatives et méthodes de recherche et de traitement médicaux, on invoque surtout trois principes :
1) l’intérêt de la science médicale,
2) l’intérêt individuel du patient à traiter,
3) l’intérêt de la communauté, le « bonum commune ».
Mais cela ne signifie pas que toute méthode, ou même une seule méthode bien déterminée de recherche scientifique et technique offre toute garantie morale, ou, plus encore, que toute méthode devient licite par le fait même qu’elle accroît et approfondit nos connaissances. Parfois il arrive qu’une méthode ne puisse être mise en œuvre sans léser le droit d’autrui ou sans violer une règle morale de valeur absolue. En ce cas, bien qu’on envisage et qu’on poursuive à bon droit l’accroissement de la connaissance, cette méthode n’est pas moralement admissible. Pourquoi donc ? Parce que la science n’est pas la valeur la plus haute, à laquelle tous les autres ordres de valeurs — ou dans un même ordre de valeur, toutes les valeurs particulières — seraient soumises. Donc la science elle-même, comme aussi sa recherche et son acquisition, doivent s’insérer dans l’ordre des valeurs. Ici se dressent des frontières bien définies, que même la science médicale ne peut transgresser sans violer les règles morales supérieures. Les relations de confiance entre médecin et patient, le droit personnel du patient à la vie, physique et spirituelle, dans son intégrité psychique ou morale, voilà, parmi beaucoup d’autres, des valeurs qui dominent l’intérêt scientifique. Cette constatation deviendra plus évidente encore par la suite.
Le Médecin n’a pas le droit d’administrer de traitement sans le consentement du patient
D’abord il faut supposer que le médecin, comme personne privée, ne peut prendre aucune mesure, tenter aucune intervention sans le consentement du patient. Le médecin n’a sur le patient que le pouvoir et les droits que celui-ci lui donne, soit explicitement, soit implicitement et tacitement. La patient de son côté ne peut conférer plus de droits qu’il n’en possède. Le point décisif, dans ce débat, c’est la licéité morale du droit qu’a le patient de disposer de lui-même. Ici se dresse la frontière morale de l’action du médecin, qui agit avec le consentement de son patient.
Le Patient n’a pas le droit de détruire ou de mutiler son corps et ses fonctions
En ce qui concerne le patient, il n’est pas maître absolu de lui-même, de son corps, de son esprit. Il ne peut donc disposer librement de lui-même comme il lui plaît. Le motif même, pour lequel il agit, n’est à lui seul, ni suffisant, ni déterminant. Le patient est lié à la téléologie immanente fixée par la nature. Il possède le droit d’usage, limité par la finalité naturelle, des facultés et des forces de sa nature humaine. Parce qu’il est usufruitier et non propriétaire, il n’a pas un pouvoir illimité de poser des actes de destruction ou de mutilation de caractère anatomique ou fonctionnel. Mais, en vertu du principe de totalité, de son droit d’utiliser les services de l’organisme comme un tout, il peut disposer des parties individuelles pour les détruire ou les mutiler, lorsque et dans la mesure où c’est nécessaire pour le bien de l’être dans son ensemble, pour assurer son existence, ou pour éviter, et naturellement pour réparer des dommages graves et durables, qui ne pourraient être autrement ni écartés ni réparés.
Le patient n’a donc pas le droit d’engager son intégrité physique et psychique en des expériences ou recherches médicales, quand ces interventions entraînent avec ou après elles des destructions, mutilations, blessures ou périls sérieux.
En outre, dans la mise en œuvre de son droit à disposer de lui-même, de ses facultés et de ses organes, l’individu doit observer la hiérarchie des ordres de valeurs – et à l’intérieur d’un même ordre de valeurs, la hiérarchie des biens particuliers, pour autant que les règles de la morale l’exigent. Ainsi par exemple, l’homme ne peut entreprendre sur soi ou permettre des actes médicaux — physiques ou somatiques —, qui sans doute suppriment de lourdes tares ou infirmités physiques ou psychiques, mais entraînent en même temps une abolition permanente ou une diminution considérable et durable de la liberté, c’est à dire de la personnalité humaine dans sa fonction typique et caractéristique. On dégrade ainsi l’homme au niveau d’un être purement sensitif aux réflexes acquis, ou d’un automate vivant. Un pareil renversement des valeurs, la loi morale ne le supporte pas ; aussi fixe-t-elle ici les limites et les frontières de « l’intérêt médical du patient ».
La Loi Morale Naturelle fixe les Limites de l’intervention médicale
Jusqu’à présent, Nous avons parlé directement du patient, non du médecin, et Nous avons expliqué en quel point le droit personnel du patient à disposer de lui-même, de son esprit, de son corps, de ses facultés, organes et fonctions, rencontre une limite morale. Mais en même temps Nous avons répondu à la question : où se trouve pour le médecin la frontière morale dans la recherche et l’utilisation de méthodes et procédés nouveaux dans « l’intérêt du patient ». La frontière est la même que pour le patient; c’est celle qui est fixée par le jugement de la saine raison, qui est tracée par les exigences de la loi morale naturelle, qui se déduit de la téléologie naturelle inscrite dans les êtres et de l’échelle de valeurs exprimée par la nature des choses. La frontière est la même pour le médecin et pour le patient, parce que, Nous l’avons déjà dit, le médecin, comme personne privée, dispose uniquement des droits concédés par le patient et parce que le patient ne peut donner plus que ce qu’il possède lui-même.
Ce que Nous disons ici doit s’étendre au représentant légal de celui qui est incapable de disposer de lui-même et de ses affaires: les enfants avant l’âge de raison, puis les faibles d’esprit, les aliénés. Ces représentants légaux, établis par une décision privée ou par l’autorité publique, n’ont sur le corps et la vie de leurs subordonnés d’autre droit qu’eux-mêmes, s’ils en étaient capables, et cela avec la même extension. Ils ne peuvent donc pas donner au médecin la permission d’en disposer en dehors de ces limites.
Les Limites de l’Autorité Publique quant à l’Imposition des Politiques Sanitaires
Cependant pour la troisième fois revient la question : l’ « intérêt médical de la communauté » n’est-il, dans son contenu et son extension, limité par aucune barrière morale ? Y a-t-il « pleins pouvoirs » pour chaque expérience médicale sérieuse sur l’homme vivant ? Lève-t-il les barrières qui valent encore pour l’intérêt de la science ou de l’individu ? – Ou sous une autre formulation : l’autorité publique — à qui précisément incombe le souci du bien commun — peut-elle donner au médecin le pouvoir de tenter des essais sur l’individu dans l’intérêt de la science et de la communauté afin d’inventer et d’expérimenter des méthodes et procédés nouveaux, alors que ces essais dépassent le droit de l’individu à disposer de lui-même ; l’autorité publique peut-elle réellement, dans l’intérêt de la communauté, limiter ou supprimer même le droit de l’individu sur son corps et sa vie, son intégrité corporelle et psychologique ?
Pour prévenir une objection : on suppose toujours qu’il s’agit de recherches sérieuses, d’efforts honnêtes pour promouvoir la médecine théorique et pratique; non de quelque manœuvre, qui sert de prétexte scientifique pour couvrir d’autres buts et les réaliser impunément.
En ce qui concerne les questions posées, beaucoup ont estimé, et estiment encore aujourd’hui, qu’il faut y répondre par l’affirmative. Pour étayer leur conception, ils invoquent le fait que l’individu est subordonné à la communauté, que le bien de l’individu doit céder le pas au bien commun et lui être sacrifié. Ils ajoutent que le sacrifice d’un individu aux fins de la recherche et de l’exploration scientifique profite finalement à l’individu.
Les grands procès de l’après-guerre ont mis au jour une quantité effrayante de documents attestant le sacrifice de l’individu à « l’intérêt médical de la communauté ». On trouve, dans les actes, des témoignages et des rapports qui montrent comment, avec l’assentiment et même parfois sur un ordre formel de l’autorité publique, certains centres de recherches exigeaient systématiquement qu’on leur fournît les hommes des camps de concentration pour leurs expériences médicales, et comment on les livrait à ces centres : tant d’hommes, tant de femmes, tant pour telle expérience, tant pour telle autre. Il existe des rapports sur le déroulement et le résultat des expériences, sur les symptômes objectifs et subjectifs observés chez les intéressés au cours des différentes phases de l’expérimentation. On ne peut lire ces notes sans être saisi d’une profonde compassion pour ces victimes, dont beaucoup sont allées à la mort, et sans être pris d’épouvante devant pareille aberration de l’esprit et du cœur humain. Mais Nous pouvons aussi ajouter: les responsables de ces faits atroces n’ont rien fait de plus que répondre par l’affirmative aux questions que Nous avons posées, et tirer les conséquences pratiques de cette affirmation.
L’intérêt de l’individu est-il à ce point subordonné à l’intérêt médical commun – ou transgresse-t-on ici, de bonne foi peut-être, les exigences les plus élémentaires du droit naturel, transgression que ne peut se permettre aucune recherche médicale ?
Bien Commun, Bien de l’Individu et Droit à l’Intégrité de l’Organisme Physique
Pour autant que, dans les cas mentionnés, la justification morale de l’intervention se tire du mandat de l’autorité publique, et donc de la subordination de l’individu à la communauté, du bien individuel au bien social, elle repose sur une explication erronée de ce principe. Il faut remarquer que l’homme dans son être personnel n’est pas ordonné en fin de compte à l’utilité de la société, mais au contraire, la communauté est là pour l’homme.
La communauté est le grand moyen voulu par la nature et par Dieu pour régler les échanges où se complètent les besoins réciproques, pour aider chacun à développer complètement sa personnalité selon ses aptitudes individuelles et sociales. La communauté considérée comme un tout n’est pas une unité physique qui subsiste en soi, et ses membres individuels n’en sont pas des parties intégrantes. L’organisme physique des êtres vivants, des plantes, des animaux ou de l’homme possède en tant que tout une unité qui subsiste en soi; chacun des membres, par exemple, la main, le pied, le cœur, l’œil est une partie intégrante, destinée par tout son être à s’insérer dans l’ensemble de l’organisme. Hors de l’organisme, il n’a, par sa nature propre, aucun sens, aucune finalité; il est entièrement absorbé par la totalité de l’organisme, auquel il se relie.
Il en va tout autrement dans la communauté morale et dans chaque organisme de caractère purement moral. Le tout n’a pas ici unité qui subsiste en soi, mais une simple unité de finalité et d’action. Dans la communauté, les individus ne sont que collaborateurs et instruments pour la réalisation du but communautaire.
Que s’ensuit-il pour l’organisme physique ? Le maître et l’usufruitier de cet organisme, qui possède une unité subsistante, peut disposer directement et immédiatement des parties intégrantes, les membres et les organes, dans le cadre de leur finalité naturelle ; il peut intervenir également, aussi souvent et dans la mesure où le bien de l’ensemble le demande, pour en paralyser, détruire, mutiler, séparer les membres. Mais par contre quand le tout ne possède qu’une unité de finalité et d’action, son chef, c’est-à-dire dans le cas présent, l’autorité publique, détient sans doute une autorité directe et le droit de poser des exigences à l’activité des parties, mais en aucun cas il ne peut disposer directement de son être physique. Aussi toute atteinte directe à son essence constitue un abus de compétence de l’autorité.
L’Autorité Publique n’a aucun droit en matière d’expérimentations médicales
Or les interventions médicales, dont il s’agit ici, atteignent immédiatement et directement l’être physique, soit de l’ensemble, soit des organes particuliers de l’organisme humain. Mais en vertu du principe précité, le pouvoir public n’a en ce domaine aucun droit; il ne peut donc pas le communiquer aux chercheurs et aux médecins. C’est de l’État pourtant que le médecin doit recevoir l’autorisation, quand il intervient dans l’organisme de l’individu pour « l’intérêt de la communauté ». Car il n’agit pas alors comme homme privé, mais comme mandataire du pouvoir public. Celui-ci cependant ne peut pas transmettre le droit qu’il ne possède pas lui-même, excepté le cas déjà mentionné plus haut, où il se comporte en suppléant, comme représentant légal en lieu et place d’un mineur, aussi longtemps qu’il n’est pas en état de décider par lui-même, d’un faible d’esprit ou d’un aliéné.
Même quand il s’agit de l’exécution d’un condamné à mort, l’État ne dispose pas du droit de l’individu à la vie. Il est réservé alors au pouvoir public de priver le condamné du bien de la vie, en expiation de sa faute, après que, par son crime, il s’est déjà dépossédé de son droit à la vie.
Principes Déontologiques en Matière d’Expérimentations Médicales
Notre dessein était d’attirer votre attention sur quelques principes de déontologie, qui définissent les frontières et les limites dans la recherche et l’expérimentation de nouvelles méthodes médicales appliquées immédiatement à l’homme vivant.
Dans le domaine de votre science, c’est une loi évidente que l’application de nouvelles méthodes à l’homme vivant doit être précédée de la recherche sur le cadavre ou le modèle d’étude et de l’expérimentation sur l’animal. Parfois cependant, ce procédé s’avère impossible, insuffisant ou pratiquement irréalisable. Alors la recherche médicale tentera de s’exercer sur son objet immédiat, l’homme vivant, dans l’intérêt de la science, dans l’intérêt du patient, dans l’intérêt de la communauté. Cela n’est pas à rejeter sans plus ; mais il faut s’arrêter aux limites tracées par les principes moraux que Nous avons expliqués.
Sans doute, avant d’autoriser en morale l’emploi de nouvelles méthodes, on ne peut exiger que tout danger, tout risque soient exclus. Cela dépasse les possibilités humaines, paralyserait toute recherche scientifique sérieuse, et tournerait très souvent au détriment du patient. L’appréciation du danger doit être laissée dans ces cas au jugement du médecin expérimenté et compétent. Il y a cependant, Nos explications l’ont montré, un degré de danger que la morale ne peut permettre. Il peut arriver, dans des cas douteux, quand échouent les moyens déjà connus, qu’une méthode nouvelle, encore insuffisamment éprouvée, offre, à côté d’éléments très dangereux, des chances appréciables de succès. Si le patient donne son accord, l’application du procédé en question est licite. Mais cette manière de faire ne peut être érigée en ligne de conduite pour les cas normaux.
Pape Pie XII, Discours aux Participants au Congrès International d’Histopathologie du Système Nerveux, 14 Septembre 1952
« Pour prévenir une objection : on suppose toujours qu’il s’agit de recherches sérieuses, d’efforts honnêtes pour promouvoir la médecine théorique et pratique; non de quelque manœuvre, qui sert de prétexte scientifique pour couvrir d’autres buts et les réaliser impunément. »
Il a vu le truc venir à 1000 km.