Saint François de Sales : la guerre intérieure et la purification de l’âme

Les fleurs, dit l’Epoux Sacré, apparaissent en notre terre : le temps d’émonder et tailler est venu. Quelles sont les fleurs de nos cœurs, ô Philothée ! Sinon les bons désirs ? Or, aussitôt qu’ils paraissent, il faut mettre la main à la serpe pour retrancher de notre conscience toutes les œuvres mortes et superflues ; la fille étrangère [cad. L’incroyante], pour épouse l’Israélite, devait ôter la robe de sa captivité, rogner ses ongles et raser ses cheveux ; et l’âme qui aspire à l’honneur d’être épouse du Fils de Dieu se doit dépouiller du vieil homme et se revêtir du nouveau, quittant le péché ; puis rogner et raser toutes sortes d’empêchement qui détournent de l’amour de Dieu ; c’est le commencement de notre santé que d’être purgés de nos humeurs peccamineuses. Saint Paul, tout en un moment, fut purgé d’une purgation parfaite, comme le fut aussi Sainte Catherine de Gênes, sainte Madeleine, sainte Pélagie et quelques autres ; mais cette sorte de purgation est toute miraculeuse et extraordinaire en la grâce, comme la résurrection des morts en la nature ; si bien que nous ne devons pas y prétendre. La purgation et la guérison ordinaire, soit des corps, soit des esprits, ne se fait que petit à petit, par progrès, d’avancement en avancement, avec peine et loisir.

 

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Le ravissement de l’apôtre Paul, Le Dominiquain, 1607.

Les anges ont des ailes sur l’échelle de Jacob, mais ils ne volent pas, et montent et descendent par ordre d’échelon en échelon. L’âme qui monte du péché à la dévotion est comparée à l’aube, laquelle s’élevant ne chasse pas les ténèbres en un instant, mais petit à petit ; la guérison, dit l’aphorisme, qui se fait tout bellement, est toujours plus assurée ; les maladies du cœur, aussi bien que celles du corps, viennent à cheval et en poste ; mais elles s’en revont à pied et au petit pas. Il faut donc être courageuse et patiente, ô Philothée ! en cette entreprise. Hélas ! quelle pitié est-ce de voir des âmes, lesquelles, se voyant sujettes à plusieurs imperfections, après s’être exercées quelques mois en la dévotion, commencent à s’inquiéter, se troubler et décourager, laissant presque emporter leur cœur à la tentation de tout quitter et retourner en arrière, mais aussi, d’un autre côté, n’est-ce pas un extrême danger aux âmes, lesquelles, par une tentation contraire, se font accroire d’être purgées de leurs imperfections le premier jour de leur purgation, se tenant pour parfaites avant presque que d’être faites, en se mettant au vol sans ailes ! ô Philothée, qu’elles sont en grand péril de rechoir pour s’être trop tôt retirées d’entre les mains du Médecin ! Ah ! Ne vous levez pas avant que la lumière soit arrivée, dit le Prophète ; levez-vous après que vous aurez été assis, et lui-même, pratiquant cette leçon, et ayant été déjà lavé et nettoyé, demande de l’être encore.

Repentir du roi David après que le prophète Nathan lui ait reproché au nom de Dieu son comportement avec Bethsabée. Psaumes 51;3-6 : Aie pitié de moi, ô Dieu, selon ta bonté; selon ta grande miséricorde efface mes transgressions. Lave-moi complètement de mon iniquité, et purifie-moi de mon péché.
Car je reconnais mes transgressions, et mon péché est constamment devant moi. C’est contre toi seul que j’ai péché, j’ai fait ce qui est mal à tes yeux, afin que tu sois trouvé juste dans ta sentence, sans reproche dans ton jugement.

L’exercice de la purgation de l’âme ne se peut ni doit finir qu’avec notre vie. Ne nous troublons donc pas de nos imperfections, car notre perfection consiste à les combattre, et nous ne saurions les combattre sans les voir, ni les vaincre sans les rencontrer, notre victoire ne gît pas à ne les sentir point, mais à ne point leur consentir. Mais ce n’est pas leur consentir que d’en être incommodé, il faut bien que, pour l’exercice de notre humilité, nous soyons quelques fois blessés en cette bataille spirituelle, néanmoins nous ne sommes jamais vaincus, sinon lorsque nous avons perdu ou la vie ou le courage. Or, les imperfections ou péchés véniels ne nous sauraient ôter la vie spirituelle ; car elle ne se perd que par le péché mortel. Il reste donc seulement qu’elles ne nous fassent point perdre le courage. Délivrez-moi Seigneur, disait David, de la lâcheté et du découragement, c’est une heureuse condition pour nous en cette guerre que nous soyons toujours vainqueurs, pourvu que nous voulions combattre.

Saint François de Sales, Introduction à la vie de dévotion à l’usage des maisons d’éducation, chapitre V, ‘qu’il faut commencer par la purgation de l’âme’, édition originale en 1608, extrait de l’édition de 1894 chez V.Lecoffre, Paris.

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