En 1899, fut fondée à Rome, sous l’inspiration du Souverain Pontife, une œuvre destinée à prémunir le peuple romain contre les embûches des diverses sectes hérétiques qui se livrent à une propagande effrénée dans la ville des Papes. Elle prit le nom d’œuvre de la Préservation de la foi. Notre Saint Père le Pape Léon XIII, préoccupé de combattre les efforts de l’hérésie au centre même du monde catholique, adressa à Son Éminence le cardinal vicaire Respighi la lettre suivante, communiquée le jeudi 23 aout 1900 à tous les curés de Rome.
A Monsieur le cardinal Pierre Respighi, notre vicaire général.
Monsieur le Cardinal,
Déjà, dès les premiers temps de Notre pontificat, Nous dûmes indiquer, comme un des dommages les plus déplorables que le changement dans l’ordre des choses apporta dans cette capitale du monde catholique, le prosélytisme ardent de l’hérésie et, partant, le péril auquel était exposée la foi de Notre peuple. Et à ce sujet, Nous adressant à Notre cardinal vicaire[1], Nous avons, à plusieurs reprises, imparti aux fidèles des exhortations, des conseils et des avertissements, les mettant en garde contre les multiples tentatives que des sectes de tous genres, venues de contrées étrangères, allaient exercer ici à l’abri des lois publiques, pour répandre dans les âmes des croyants le poison de la négation et de l’erreur. Mais si, d’un côté, Nous sommes heureux de reconnaitre que Notre parole, secondée par des soins ininterrompus, n’a pas manqué de produire de bons résultats, d’un autre côté, Nous sommes contraint d’avouer que –la hardiesse des ennemis de la religion catholique ayant redoublé, grâce aux puissants appuis qui leur virent du dehors- le mal, loin de diminuer, est allé en augmentant, spécialement en ces derniers temps. Il est donc nécessaire, Monsieur le cardinal, de revenir sur ce pénible et important sujet, qui se rattache si intimement aux droits et aux devoirs de Notre ministère apostolique et à l’amour tendre et paternel que Nous portons à Notre peuple de Rome. Il est maintenant connu de chacun par l’évidence des faits que le dessein conçu par les sectes hérétiques, émanations multiformes du protestantisme, est de planter l’étendard de la discorde et de la rébellion religieuse dans la péninsule, mais surtout dans cette noble cité dans laquelle Dieu Lui-Même, ordonnant admirablement les évènements, établit le centre de cette féconde et sublime unité qui fut l’objet de la prière adressée par notre Divin Sauveur à Son Père céleste (Jean 17 ;11-21), et que les Papes conservèrent jalousement, même au prix de leur vie, malgré les oppositions des hommes et les vicissitudes du temps. Après avoir détruit dans leur patrie respective, par des systèmes opposés et discordants, les antiques et vénérables croyances qui faisaient partie du dépôt sacré de la révélation ; après avoir répandu dans l’âme de leurs sectateurs le souffle glacial du doute, de la division et de l’incrédulité –ruine immense que Nous déplorons et dont Nous sommes touché de compassion au fond de Notre cœur, car Nous voyons en toutes ces créatures les fils du même Père, rachetés par le même sang, – ces sectes se sont donc introduites dans cette vigne élue du Seigneur, dans le but d’y continuer leur œuvre funeste de destruction. Ne pouvant compter sur la force de la vérité, elles tirent profit, pour éteindre ou du moins comprimer dans les âmes la foi catholique, de l’âge tendre et sans défense, de l’insuffisance de culture, de la détresse de l’indigence, de la simplicité d’un grand nombre, accessibles aux flatteries, aux appâts, aux séductions. En face de ce fait, Nous éprouvons avant tout le besoin de déclarer publiquement, comme déjà Nous l’avons fait d’autres fois, combien est pénible la condition faite au Chef de L’Eglise catholique, contraint de voir le libre et progressif développement de l’hérésie dans cette cité sainte, de laquelle doit rayonner sur tout le monde la lumière de la vérité et de l’exemple, et qui devrait être le siège respecté du Vicaire de Jésus-Christ. Comme s’il ne suffisait pas, pour corrompre l’esprit et le cœur du peuple, du torrent de malsaines doctrines et de dépravations qui jaillit journellement et impunément des livres, des chaires professorales, des théâtres, des journaux, il devait s’ajouter à toutes ces causes de perversion l’insidieux labeur des hommes hérétiques qui, en lutte entre eux, se trouvent seulement d’accord pour vilipender le suprême magistère pontifical, le clergé catholique et les dogmes de notre sainte religion, dont ils ne comprennent pas la signification et encore moins l’auguste beauté. D’où il suit que les fidèles, qui, de toutes les régions, même les plus éloignées, affluent en pèlerinage à Rome pour y trouver un réconfort à leur piété et à leur foi, doivent demeurer profondément attristés en voyant ce sol, baigné du sang des martyrs, envahi par des sectes de tout espèce, attentives uniquement à arracher de l’âme du peuple cette religion qui fut déclarée religion de l’Etat et qui forme l’objet principal de leur amour et de leur culte.
Vous comprendrez facilement, Monsieur le cardinal, combien un tel état de choses est douloureux à Notre cœur et combien vif est Notre désir de voir adopter les remèdes opportuns qui pourront, sinon arracher entièrement le mal, au moins en atténuer la gravité et l’âpreté. Et c’est pourquoi Nous avons été grandement réconforté par la fondation d’une œuvre insigne, à laquelle Nous avons-nous-même donné l’inspiration et l’impulsion et qui s’intitule de la Préservation de la foi, et plus encore par les résultats satisfaisants qu’elle a commencé à obtenir, grâce au zèle infatigable de ceux qui la dirigent et de ceux qui en font partie. Nous voulons, Monsieur le cardinal, comptant sur votre activité habituelle bien connue, que cette œuvre salutaire, si bien adaptée aux besoins présents, se soutienne, se renforce et se propage jusqu’à constituer une défense efficace et puissante contre le péril indiqué ci-dessus. Un ferme et constant appui devra lui être apporté tout d’abord par le clergé paroissial de Rome, ce clergé laborieux, zélé et modeste, auquel incombent principalement le soin et la responsabilité du salut des âmes ; la vitalité, la force et l’extension viendront s’y ajouter grâce aux laïcs catholiques de cette ville, qui sont toujours prêts à apporter leur intelligent et charitable concours partout où le réclament l’intérêt de la religion et le bien matériel et moral du prochain. Pour tous, que le principal souci soit de fortifier le caractère du peuple catholique, lui inspirant de nobles et saints propos, et prévenant en même temps les imprudents que, sous les innocentes apparences de réunions pour les jeunes gens, de conférences pour les jeunes filles, de cours de langues étrangères, d’accroissement de culture, du subsides aux familles indigentes, se cache le criminel dessein d’insinuer dans les esprits et les cœurs les maximes réprouvées de l’hérésie. Que tous les fidèles soient pénétrés de cette vérité que rien ne peut leur être plus grandement précieux que le trésor de cette foi, pour laquelle leurs pères affrontèrent sans peur, non seulement les privations et la misère, mais souvent aussi les persécutions violentes et la mort même. Un tel sentiment de force ne peut être que naturel et profonde dans notre population qui sait bien que, non seulement l’Eglise catholique possède la marque divine qui la distingue comme la seule vraie, la seule qui ait reçu les promesse de la vie immortelle, mais encore qu’elle a répandu en tous temps ses bienfaits incomparables sur Rome, sur l’Italie et sur le monde, domptant la barbarie avec la justice de ses lois et la douceur de ses mœurs, étendant, comme l’a bien dit Saint Léon le Grand (Sermon 1, in Natali SS.Petri et Pauli), le domaine de la paix chrétienne bien au-delà des confins explorés par les aigles romaines, sauvant les lettres, les bibliothèques, la culture intellectuelle, les monuments, inspirant tous les ordres de science et d’art ; venant en aide aux faibles, aux pauvres, aux opprimés, avec la générosité de l’amour et avec la magnanimité du sacrifice et de l’héroïsme. C’est pourquoi Nous nourrissons la confiance qu’aucun des Romains, qui sont les fils les plus privilégiés de l’Eglise catholique, ne voudra jamais, pour quelque intérêt humain que ce soit, se séparer de cette mère très tendre qui, après l’avoir fait naitre à la grâce, n’a cessé de l’entourer de ses affectueuses sollicitudes : de même, Nous sommes également persuadé que ces généraux catholiques qui ont fondé et ont propagé l’œuvre ci-dessus mentionnée de la Préservation de la foi ne se donneront ni trêve ni repos tant qu’il y aura danger pour le salut éternel, fut-ce d’une seule âme, montrant ainsi par le fait que, si les ennemis de la religion sont plus puissants par la quantité des richesses, ceux-là les vaincront par l’ampleur de leur charité. Comme gage de la faveur divine pour mener à bien cette très grave entreprise, Nous accordons de tout cœur à vous, Monsieur le cardinal, aux promoteurs de cette œuvre pie et à tous ceux qui la favoriseront, la bénédiction apostolique.
Du Vatican, le 19 aout 1900.
Pape Léon XIII, lettre au cardinal Pierre Respighi, sur le prosélytisme protestant à Rome, 19 aout 1900
[1] Allusion aux Lettres pontificales adressées au cardinal vicaire, les 26 juin 1878 et mars 1879