L’édition 2023 des Journées Mondiales de la Jeunesse ont eu lieu du 30 Juillet au 6 aout à Lisbonne et ont rassemblé jusqu’à 1,5 millions de personnes durant le week-end de clôture.
Malgré ce succès apparent, à l’issue de cette édition, un sentiment de confusion se dégage plus que jamais parmi les fidèles, et plus particulièrement pour ceux qui ont assez d’esprit ou d’expérience pour voir la nature du problème.
Il faut dire que deux semaines avant le lancement des festivités, Americo Aguiar, l’un des cardinaux récemment désignés par François, et responsable de l’organisation des JMJ de Lisbonne, avait montré la couleur en déclarant à la presse et faisant référence aux JMJ que :
Nous ne voulons pas convertir les jeunes au Christ ou à l’Eglise catholique ou quoi que ce soit de ce genre. Nous voulons qu’il soit normal pour un jeune chrétien catholique de pouvoir dire et témoigner de qui il est, de même que pour un jeune musulman, Juif ou tout autre croyant, nous voulons aussi qu’ils n’aient pas de problème à dire qui ils sont et à porter témoignage de cela, de même que nous voulons que les jeunes qui n’ont pas de religion se sentent bienvenus et qu’ils ne ressentent pas de gêne à penser différemment.
Ces propos pour le moins relativistes avaient déclenché des réactions scandalisées chez les jeunes participants des JMJ et la presse conciliaire était rapidement venu au secours du prélat moderniste pour dire que ces propos avaient été pris « hors de leur contexte » et que le nouveau cardinal portugais voulait simplement dire que les JMJ étaient ouvertes à tous. Il a d’ailleurs tenu à revenir sur ses propos.
Une église aux visages multiples
Ces JMJ ont été l’occasion d’observer cette caractéristique propre à l’église de Vatican 2, à savoir cette nature double, cet aspect syncrétique qui se manifeste par la dissonance permanente qui existe entre sa culture dominante (la pastorale moderniste officielle) et sa culture résistante (les conciliaires conservateurs et les groupes attachés à la liturgie traditionnelle).
Quel curieux spectacle que ces JMJ où nous avons pu voir les danses entraînantes du mouvement charismatique :
Mais aussi des concerts de hardtek :
Ou encore de deepcore :
Ou encore ce beau concert de house music, avec le « prêtre DJ » Guilherme Peixoto aux platines, qui a conclu la vigile de clôture des JMJ, dimanche, vers 7 heures du matin. Quoi de mieux pour bien se préparer à la messe ?
Guilherme Peixoto n’est pas n’importe qui. En plus de tourner pour des pubs Betclic, il est surtout connu pour animer régulièrement des rave-parties comme celle-ci, pour Halloween :
Nous n’avons rien en particulier contre ces styles de musique moderne, tant que les paroles ne vont pas contre la morale. Ce sont les musiques profanes de notre génération, après tout.
Toutefois, il semble tout à fait impensable que de telles festivités mondaines se déroulent dans le cadre d’un événement supposément catholique, dont le but officiel est « d’ancrer les jeunes dans la foi« , de leur faire « vivre l’universalité de l’Eglise catholique » et de faire en sorte qu’ils « consacrent leur vie au Christ« .
Malheureusement, nous sommes obligés de constater à quel point même les catholiques conciliaires les plus sérieux et les plus sincèrement attachés au respect du à l’Eglise, se laissent très rapidement duper par ces manifestations évidentes de modernisme, au point d’en nier ou d’en relativiser la gravité.
Les arguments sont toujours les mêmes : ces concerts et autres festivités ne se déroulaient pas dans le cadre de messes ou de cérémonies strictement religieuses, donc il n’y pas vraiment de problème moral.
D’autres font aussi remarquer que des messes traditionnelles d’indult ont également eu lieu durant les JMJ.
Mais les JMJ, ce sont aussi ces distributions d’hosties Novus Ordo (invalidement consacrées, Dieu merci) particulièrement offensantes durant ces mêmes JMJ et qui ont choqué énormément de monde.
Au fond : ces distributions par des « ministres eucharistiques » débraillés ne sont-elle pas la norme dominante de la liturgie de Vatican 2 ? Ceux qui ont grandi comme nous dans les paroisses conciliaires le savent parfaitement.
Nous pouvons épiloguer longtemps à propos de ces concerts et des spectacles étranges qui ont eu lieu durant les JMJ.
Le vrai problème ici, que beaucoup se refusent à admettre, c’est bien cette confusion permanente qui règne au sein de l’église de Vatican 2, dans laquelle les expressions de foi les plus contradictoires cohabitent.
Cette confusion, il faut le dire et le répéter, est le fruit des doctrines de Vatican 2, dont la nature moderniste produit de perpétuelles dissonances en matière doctrinale, morale ou liturgique.
Derrière l’illusion de l’unité conciliaire, la doctrine destructrice de François
Mais puisqu’il semble vain de commenter les images étranges des JMJ, peut-être vaut-il mieux se pencher sur les récentes déclarations de François dans le cadre de cet événement. Et ce dernier, comme à son habitude, n’a pas gardé sa langue dans sa poche.
Il y a tout d’abord cet entretien qu’il a accordé au média espagno Vida Nueva le 4 aout et dont vous pouvez trouver la traduction complète ici.
Dans cet entretien, François nous offre un résumé de sa doctrine et celle-ci, comme toujours, contredit la foi catholique, mais aussi les espérances de ceux qui continuent de voir en lui un légitime vicaire du Christ.
Sans surprise, François a passé une bonne partie de l’entretien à attaquer très clairement les catholiques traditionalistes, dont il dénonce la « rigidité » et la « corruption », comme il l’a fait par le passé. Notez ici que ces attaques ne concernent pas que les « catholiques intégristes », mais aussi les catholiques conciliaires attachés aux formes de la Tradition.
Cette rigidité vient de bonnes personnes qui veulent servir le Seigneur. Ils réagissent ainsi parce qu’ils ont peur de la période d’insécurité que nous vivons, et cette peur ne leur permet pas d’aller de l’avant. Nous devons supprimer cette peur et les aider. D’autre part, cette armure cache beaucoup de corruption. J’ai déjà dû intervenir dans certains diocèses de plusieurs pays avec des paramètres similaires. Derrière ce traditionalisme, nous avons découvert des problèmes moraux et des vices graves, des doubles vies. Nous connaissons tous des évêques qui, ayant besoin de prêtres, ont fait appel à des personnes qu’ils avaient renvoyées d’autres séminaires pour immoralité.
Je n’aime pas la rigidité parce qu’elle est un mauvais symptôme de la vie intérieure. Le pasteur ne peut pas se permettre d’être rigide. Il doit être prêt à tout.
Quelqu’un m’a dit récemment que la rigidité des jeunes prêtres est due au fait qu’ils sont fatigués du relativisme actuel, mais ce n’est pas toujours le cas. Je demande aux évêques de se méfier de cette dérive et d’être clairs sur le fait qu’il n’y a pas que les « bienheureux Imeldas » qui sont les meilleurs prêtres. Si l’un d’entre eux vous donne le visage d’un ‘saint’ et détourne le regard, méfiez-vous. Nous avons besoin de séminaristes normaux, avec leurs problèmes, qui jouent au foot, qui ne vont pas dans les quartiers pour dogmatiser… Cela m’a aidé de demander aux femmes des paroisses, aux assistants et aux frères des informations sur les lieux où allaient les séminaristes…
Donc, en résumé, François nous explique :
- Que les catholiques qui s’attachent à la Tradition (doctrinale, morale et liturgique) sont des personnalités « rigides » qui dissimulent des troubles psychologiques, et pire encore, de la corruption intérieure.
- Que le clergé corrompu n’est pas le clergé conciliaire et moderniste, en dépit des gigantesques scandales de pédophilie qui concernent quasiment exclusivement ce clergé, mais serait donc le clergé traditionaliste.
- François veut des prêtres qui « jouent au football » et pas des prêtres qui vont « dogmatiser » dans la rue. En clair, François veut des prêtres comme le Père Matthieu, et non pas des prêtres qui suivent l’exemple du Christ et des apôtres, et qui font leur travail de prêtre, à savoir évangéliser et convertir les âmes en leur enseignant les dogmes de la Foi.
Ceux qui connaissent la doctrine de François ne seront pas surpris par ces propos. Mais peu de gens sont capables de percevoir la subtilité qui se dissimule derrière ces paroles que l’on pourrait confondre avec de simples attaques contre les méchants intégristes rigides.
La méthode de François consiste à considérer la « rigidité », autrement l’adhésion ferme et intégrale aux dogmes de l’Eglise, comme étant un problème psychologique qui ne s’expliquerait que par un sentiment de « peur » ou par quelque « corruption » intérieure, poussant les personnes à se donner « une image de religiosité ». A partir de là, il est impossible d’affirmer la foi catholique de façon convaincue et convaincante, si la « rigidité » doctrinale est un problème et si l’on doit donc systématiquement supposer que tel prêtre traditionaliste prêchant telle ou telle doctrine de l’Eglise, n’est en réalité qu’un détraqué cherchant à cacher des secrets inavouables.
De façon intéressante, cette psychologisation de la « rigidité » doctrinale qui n’est en fait qu’un moyen de justifier l’existentialisme moral, a été condamnée par Pie XII le 23 mars 1952 sous le terme de « nouvelle moralité » :
La « nouvelle morale » affirme que l’Eglise, au lieu de promouvoir la loi de la liberté humaine et de l’amour, et d’exiger de vous cette dynamique digne de la vie morale, se fonde presque exclusivement et avec une rigidité excessive, sur la fermeté et l’intransigeance des lois morales chrétiennes, en recourant fréquemment aux expressions « vous êtes obligés », « ce n’est pas licite », ce qui a trop l’air d’un pédantisme dégradant.
… Il se trouve que l’accusation de rigidité oppressive portée contre l’Église par la « nouvelle morale » s’attaque en réalité, en premier lieu, à la personne adorable du Christ lui-même.
En considérant tout ceci, il n’est donc pas surprenant que les conciliaires qui de bonne foi, cherchent à se soumettre à l’enseignement de l’Eglise, se retrouvent piégés par le subtil relativisme moral et doctrinal de François.
Pour encore mieux comprendre la subtilité dévastatrice de la doctrine de François, qui n’est pas autre chose que la pensée moderniste en action, on pourra également consulter la lettre qu’il a adressé aujourd’hui même au clergé du diocèse de Rome.
Tout d’abord, citant avec admiration Henri de Lubac, l’un des pires modernistes de tous les temps, François appelle les prêtres à lutter contre le péril de la « mondanité spirituelle« .
Ces propos ont de quoi choquer, tant ils sonnent comme une inversion accusatoire incroyablement perfide. La « mondanité spirituelle », n’est-elle pas plutôt celle qui émane des doctrines et de la liturgie de Vatican 2 ? N’est-elle pas celle qui s’exprime au travers des concélébrations avec les sectes protestantes ou qui se compromet avec les rites païens ?
Pas du tout, selon François. Selon lui, la « mondanité spirituelle » est le fruit des « intransigeances doctrinales et des esthétistes liturgiques« . En somme, la mondanité spirituelle est causée par les catholiques qui s’accrochent aux dogmes et à la Tradition.
En fait, la mondanité spirituelle est dangereuse car c’est un mode de vie qui réduit la spiritualité à l’apparence: cela nous amène à être “ maîtres de l’esprit ”, des hommes vêtus de formes sacrées qui continuent à penser et à agir selon les modes du monde. Cela se produit lorsque nous nous laissons fasciner par les séductions de l’éphémère, par la médiocrité et l’habitude, par les tentations du pouvoir et de l’influence sociale. Et, encore une fois, de la vaine gloire et du narcissisme, des intransigeances doctrinales et des esthétistes liturgiques, des formes et des manières dont la mondanité « se cache derrière les apparences de religiosité et même d’amour pour l’Église », mais en réalité « consiste à rechercher, au lieu de la gloire du Seigneur, la gloire humaine et le bien-être personnel » (Evangelii gaudium, 93 ). Comment ne pas reconnaître dans tout cela la version mise à jour de ce formalisme hypocrite, que Jésus a vu dans certaines autorités religieuses de l’époque et qu’au cours de sa vie publique, il a fait souffrir plus que toute autre chose ?
Là encore, il n’est pas difficile de voir qui est la cible des attaques de François. Ces attaques sont extrêmement subtiles et sournoises, car elles consistent systématiquement à mépriser la Tradition catholique et à favoriser l’immanentisme moderniste comme règle de foi et de morale.
La dangerosité du modernisme se manifeste par sa capacité à régner par la confusion. Confusion chez les conciliaires de bonne foi comme chez les traditionalistes qui reconnaissent l’autorité de la hiérarchie moderniste.
Et cette confusion est ouvertement revendiquée par François. Rappelez-vous qu’il tenait en 2020 ces propos extrêmement douteux :
C’est le Saint Esprit qui institutionnalise l’Eglise, par une voie alternative, complémentaire, parce que le Saint Esprit provoque le désordre à travers les charismes, puis, à partir de ce chaos, créé l’harmonie.
On croirait ces propos tout droit sortis de la bouche d’un franc-maçon. Mais nul besoin de voir chez François un grand-maitre 33e degré, ni un ésotériste aguerri. Non, ces propos s’expliquent parce que François est un moderniste et que le modernisme partage toute sa métaphysique avec la gnose ancienne et la philosophie moderne.
Pour ajouter à cette confusion, et comme nous l’avons vu plus haut, François anticipe et retourne l’accusation. Ce n’est pas lui, ni la doctrine de Vatican 2 qui diffuse le gnosticisme. Au contraire, selon lui :
La tentation serait de rêver d’une Eglise désinstitutionnalisée, une église gnostique sans institutions, ou une église qui serait sujette à des institutions fixes, ce qui serait une église pélagienne. Ce qui fait l’Eglise, c’est le Saint Esprit, qui n’est ni gnostique, ni pélagien.
En clair, François insiste fortement pour dire que les fidèles doivent demeurer au sein de son organisation moderniste, mais en même temps, il affirme que l’Eglise
Parfois, François utilise cet argument sans aucune logique apparente, comme lorsqu’il a déclaré hier, lors d’une conférence de presse au cours de laquelle on lui a demandé si « l’Eglise ouverte à tous » qu’il a prêchée durant ces JMJ ne devait donc pas aussi s’ouvrir aux ordinations de femmes et aux mariages homosexuels.
Réponse de François : « Je n’aime pas la réduction. Ce n’est pas ecclésial. C’est gnostique. C’est comme une hérésie gnostique qui est très à la mode aujourd’hui. Un gnosticisme qui réduit la réalité ecclésiale et qui n’apporte aucune aide« .
Et puisque François semble ici apporter une réponse négative, quoique fort évasive, à la demande de femmes prêtres et de bénédictions de mariages homosexuels, les conciliaires loyalistes applaudissent, bien contents d’avoir pu trouver quelques propos à peu près cohérents durant ces JMJ.
En attendant, le statut quo continue. Les messes d’indults se poursuivront (malgré la pression de plus en plus forte de François), François continue à remplir le collège de cardinaux de modernistes radicaux, les catholiques conciliaires continueront à se faire avoir et James Martin continuera à enseigner les droits LGBT aux fidèles déjà sous le charme de l’existentialisme éthique de Vatican 2.
Et en tout ceci, où se trouve l’unité de l’église de Vatican 2 ? Elle n’existe pas, sinon en concept, mais elle est impossible en réalité, tant en matière doctrinale que liturgique, bien qu’elle se serve des apparences institutionnelles du catholicisme pour essayer d’y parvenir.
Le très regretté Pie XII, dans un avertissement prophétique, avait déclaré à l’encontre des modernistes et des adeptes de la « Nouvelle Théologie » :
On a beaucoup parlé, mais pas suffisamment, de la « Nouvelle Théologie » qui, par sa caractéristique d’aller et d’être dans un état de mouvement perpétuel, sera toujours en route vers quelque part mais n’arrivera jamais nulle part. Si l’on devait tomber d’accord avec une telle doctrine, que deviendraient les dogmes catholiques, qui ne doivent jamais changer ? Qu’adviendrait-il de l’unité et de la stabilité de la foi ? – Pie XII, Quamvis Inquieti