Libération vient de publier un article qui fait étrangement écho aux analyses de notre dernière publication sur la radicalisation autoritaire et idéologique de la Macronie.
L’auteur, Paul B. Preciado, est un chercheur décrit comme « proche des mouvements féministe, queer, transgenre et pro-sexe ».
Sa thèse est la suivante : « Homosexualité et homophobie. Féminisme et féminicide. Ecologie et écocide. Nationalisme et mondialisation. Tous les contraires irréconciliables sont présents dans le nouveau gouvernement de Macron, comme les restes d’un processus digestif où seul le fascisme l’emporte. »
En somme, comme d’autres observateurs de la vie politique française, Preciado dénonce le « en même temps » macroniste, mais il le fait du point de vue du gauchisme intersectionnel.
Sa conclusion est que le confusionnisme pratique du Macronisme conduit au fascisme. Beaucoup de gens dans les commentaires de la publication se moquent du propos de l’auteur.
Si une bonne partie du propos de Preciado relève sans doute de la panique morale et prête à sourire, son analyse globale est tout de même plus juste que celle de beaucoup de droitards et de dissidents qui ne saisissent pas vraiment la nature du régime qu’ils croient être en mesure de combattre et le réduisent à des termes vagues : mondialiste, islamo-gauchiste, socialiste, libéral, etc.
Bien sûr, Preciado est lui aussi limité par les schémas idéologiques et les outils analytiques profondément déficients de la gauche radicale. Il s’imagine par exemple que « la base populiste et l’élite financière convergent dans le fascisme ».
Il faudrait écrire tout un article pour réfuter ce lieu commun typique de la gauche. Il nous suffira de faire remarquer que le journal de gauche dans lequel Preciado écrit est détenu par Altice France, autrement dit par Patrick Drahi, l’un des hommes les plus riches de France.
Voici ce que nous pensons :
La Macronie est l’une des incarnations les plus remarquables de ce que nous appelons la 3e voie élitaire. Il s’agit d’une réforme organisationnelle, interne au régime, porté par la jeune garde de la classe dirigeante, délaissant le bipartisianisme de papa au profit d’une position centrale de rassemblement et usant de la rhétorique du renouveau et du progrès face à un électorat
Cette 3e voie élitaire est en quelque sorte un gaullisme inversé, une contrefaçon diabolique des modèles classiques de 3e voie sociaux-conservateurs.
Mais il s’agit d’une évolution logique. La démocratie libérale-bourgeoise d’antan était le régime naturel de l’ordre capitaliste d’hier. La démocratie élitaire technocratique est le régime naturel du collectivisme oligarchique postmoderne.
Si la Macronie est de plus en plus autoritaire et conservatrice dans ses formulations, ce n’est pas parce qu’elle devient ‘fasciste’, mais précisément parce qu’elle cherche à conserver et sauver l’idéologie libérale-libertaire, pro-LGBT et sans-frontièriste à laquelle les gens comme Preciado adhèrent.
De quoi l’auteur se plaint-il donc ?
Gabriel Attal n’est pas un proto-fasciste : il est un réactionnaire gay et laïcard. Macron n’est pas un fasciste : il est le gardien-chef de l’anarcho-tyrannie néolibérale. Les armes du régime sont à la fois les chars de CRS et les chars de la gay pride.
Le régime macroniste devient de plus en plus illibéral et autoritaire, non pas en vue de protéger les intérêts vitaux de la Nation face aux menaces extérieures et face aux défis de l’avenir, mais pour se protéger lui-même des salvatrices poussées religieuses, souverainistes et identitaires à l’intérieur même du pays.
Le régime ne pourra pas longtemps maintenir sa position centriste et sa rhétorique visant à concilier les contraires. Il y a certainement une forte demande d’autorité parmi le peuple majoritaire. Mais il y a aussi une fragmentation sociale considérable, due aux bouleversements sociétaux, démographiques et anthropologiques de ces dernières décennies.
Il est très probable (et souhaitable) qu’un effondrement du régime se produise d’ici quelques années. Plusieurs issues à court et moyen termes sont possibles : transition populiste, crise de la superstructure européenne, guerre civile, etc.
Mais sur le long terme, l’émergence d’un pouvoir fort, patriotique, social et autoritaire, nous semble hors de doute.