Que le Christ est Dieu et Seigneur
Après avoir reconnu le mystère de la nativité divine du Christ, nous montrerons, textes à l’appui, qu’Il est Lui-même Dieu et Seigneur. Si le Christ n’est pas Dieu, à qui est-Il dit dans le psaume : Ton siège, Dieu, est dans les siècles des siècles, la verge de Ton règne est une verge d’équité. Tu as aimé la justice et tu as haï l’iniquité. Voilà pourquoi Dieu, Ton Dieu T’a oint d’une huile d’allégresse avant tous Tes compagnons (Ps.44, 7). Qui est donc ce Dieu oint par Dieu ? Que les Juifs nous répondent. On nous présente un Dieu oint par Dieu ; et il est certain que c’est le Christ qui est désigné par cette onction, quand on nous parle d’un Dieu oint. Quand tu entends dire qu’un Dieu est oint, comprends qu’il s’agit du Christ. Car le mot Christ vient de chrisme, c’est-à-dire « onction ».
Dans la personne de Cyrus, roi des Perses, le Père, par Isaïe, témoigne que ce Christ est Dieu et Seigneur : Voici ce que le Seigneur dit à Cyrus mon Christ dont j’ai pris la main pour que je soumette devant sa face toutes les nations, et je ferai tourner le dos aux rois, et j’ouvrirai devant lui les portes, et les portes ne seront pas fermées. J’irai, moi, devant toi, et j’humilierai les puissants de la terre, J’abattrai les portes d’airain et défoncerai les coffres forts, et je te donnerai les trésors cachés, et les clés des secrets, pour que tu saches que je suis le Seigneur qui invoque ton nom, Dieu d’Israël (Is. 45, 1).
Dans la personne de Cyrus, le Christ est prophétisé, là où les peuples lui sont soumis dans la foi et le règne. Il faut aussi ajouter que dans le royaume d’Israël, personne n’a été appelé Cyrus. Si quelqu’un croit que cela a été prophétisé de Cyrus, le roi des Perses, il devra reconnaître qu’il serait absurde et sacrilège qu’un homme impie et adonné à l’idolâtrie soit appelé Christ, Dieu et Seigneur. C’est pourquoi les Septante n’ont pas traduit : à mon christ Cyrus, mais : Le Seigneur a dit à mon Christ Seigneur. Ce qui se comprend tout spécialement de la personne du Christ notre Seigneur.
Si le Christ n’est pas Dieu, que les Juifs nous expliquent le sens de cette phrase dans la Genèse : Faisons l’homme à Notre image et à Notre ressemblance. Car on ajoute ensuite : Et Dieu créa l’homme à Son image et à Sa ressemblance. Qu’ils se demandent donc quel est le Dieu qui a créé, et à l’image de quel Dieu il a fait l’homme qu’Il a créé. S’ils répondent : à l’image des anges, un ange a-t-il une image égale à celle de Dieu ? L’image d’une créature est fort différente de celle de Dieu. Ou bien : un ange pouvait-il créer l’homme avec Dieu ? Ce serait une grande folie que de le penser. A qui donc cela est-il dit ? A l’image de qui croit-on que l’homme a été fait, si ce n’est à l’image de Celui qui est avec Dieu l’unique image de Dieu, et qui porte le Nom unique de la divinité.
Si le Christ n’est pas Seigneur, quel est le Seigneur qui a fait pleuvoir du feu sur Sodome de la part du Seigneur ? C’est ainsi qu’il est écrit dans la Genèse : Et le Seigneur fit pleuvoir sur Sodome et sur Gomorrhe du feu et du souffre par le Seigneur (Gen. 19, 24). Personne ne doute que, dans cette phrase, il y a une deuxième personne. Car qui est ce Seigneur par le Seigneur, si non sans doute possible le Fils du Père qui, toujours envoyé par le même Père, a coutume de monter et de descendre. Ce texte nous démontre, plus clairement que le jour, et la déité et la distinction des personnes du Père et du Fils.
Si le Christ n’est pas Seigneur, de qui a dit David dans un psaume : Le Seigneur a dit à Mon Seigneur : assieds-Toi à Ma droite jusqu’à ce que Je fasse de Tes ennemis un escabeau pour Tes pieds (Ps. 59, 1). Le même Christ est donc, selon la chair, fils de David et selon l’esprit, son Seigneur et son Dieu. Si le Christ n’est pas Seigneur, de qui David parle-t-il dans les livres des Rois ? L’Illustre psalmiste d’Israël a dit, quand il était question du Christ Jacob de Dieu : l’Esprit du Seigneur a parlé par moi, et sa parole par ma langue (1 Rois 23, 1).
Si le Christ n’est pas Seigneur, quel est ce Seigneur des armées qui est envoyé par le Seigneur des armées, au dire de Zacharie : Voici ce que dit le Seigneur Dieu des armées : Il m’a envoyé après la gloire vers les nations qui vous avaient spoliées. Celui qui vous touchera, touchera la pupille de Son œil. Parce que voici que Je lèverai Ma main sur eux, et ils deviendront la proie de ceux qui les servaient, et vous connaitrez que le Seigneur des armées M’a envoyé. Vois donc de qui est cette voix ni ce n’est du Sauveur, car le Dieu tout puissant atteste avoir été envoyé par le Père tout puissant. Il a été envoyé, en effet, aux nations après la gloire de la divinité qu’il a eue avec le Père quand Il S’est anéanti Lui-même, et quand, prenant la forme de l’esclave, Il S’est fait obéissant jusqu’à la mort.
C’est Lui qui parle par la suite en disant : Loue et réjouis-toi, fille de Jérusalem, car voici que Je viens Moi-même, et Je demeurerai au milieu de toi, dit le Seigneur, et beaucoup de peuples s’attacheront au Seigneur en ce jour-là, et ils seront pour Moi comme un peuple, et J’habiterai au milieu de toi, et tu sauras que le Seigneur des armées M’a envoyé à toi (Zac. 2, 10). Qu’est donc ce Seigneur des armées envoyé par le Seigneur des armées sinon le Seigneur Jésus Christ lui-même ? Il est de l’esprit saint de la divinité, de qui dit Jacob : Et parce qu’il est l’esprit de Dieu, l’esprit du Seigneur m’a fait, et le souffle du tout puissant m’a vivifié, et voici que Dieu m’a fait moi comme il t’a fait (Job 33, 4). Car de celui qu’il disait : l’esprit du Seigneur m’a fait, il ajoute par la suite de lui : voici que Dieu m’a fait moi comme il t’a fait toi, afin de démontrer que l’Esprit lui-même est Dieu.
Saint Isidore de Séville, De fide catholica ex Veteri et Novo Testamento contra judæos, Livre Premier, chapitre 3, traduit de la Patrologie Latine de l’Abbé Migne.