Voyons donc, ce que signifie promettre les clefs du royaume des cieux. Personne n’ignore que lorsqu’un maitre, s’absentant de sa maison, laisse les clefs à quelqu’un, il laisse à cette personne la charge et la gouvernance de cette maison. Quand les princes entrent dans une cité, les clefs de celle-ci lui sont présentées comme une reconnaissance de son autorité souveraine. C’est donc l’autorité suprême que Notre Seigneur promet ici à Saint Pierre. De fait, lorsque l’Ecriture sainte parle ailleurs de l’autorité suprême, elle le fait en des termes similaires. Dans Apocalypse 1 ;17-18, lorsque Notre Seigneur désire se faire connaitre à Son serviteur, Il lui dit : Je suis le Premier et le Dernier, et le Vivant; J’ai été mort, et voici que Je suis vivant aux siècles des siècles, Je tiens les clefs de la mort et de l’enfer. Que veut-Il signifier par les clefs de la mort et de l’enfer, sinon l’autorité suprême sur l’une et l’autre ? De même, là où il est écrit : Voici ce que dit le saint, le Véritable, Celui qui a la clef de David, Celui qui ouvre et personne ne ferme, qui ferme et personne n’ouvre (Apocalypse 3 ;7), que peut-on comprendre, sinon l’autorité suprême sur l’Eglise ? Et, que comprendre d’autre dans ce que l’Ange dit à Notre Dame (Luc 1 ;32) : Il sera grand et sera appelé fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ? Le Saint Esprit nous fait connaitre la Royauté de Notre Seigneur, ici par le trône, là par les clefs.
Et c’est précisément l’ordre qui, dans Esaïe 22, est donné à Eliakim, et qui est tout à fait analogue à celui que Notre Seigneur donne à Saint Pierre. Dans ce chapitre de l’Ecriture Sainte, est décrite la déposition d’un grand-prêtre, gouverneur du Temple : Ainsi a parlé le Seigneur Yahweh des armées : Va trouver cet intendant, Sobna, le préfet du palais, et dis-lui : Qu’as-tu à faire ici ? Et encore : Je te chasserai de ton poste. Observons ici la déposition de l’un et l’institution de l’autre :
Et il arrivera en ce jour-là : J’appellerai mon serviteur Eliacim, fils d’Helcias, Je le revêtirai de ta tunique, et Je le ceindrai de ton écharpe ; Je mettrai ton autorité entre ses mains ; et il sera un père pour les habitants de Jérusalem, et pour la maison de Juda. Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David, il ouvrira, et personne ne fermera ; il fermera, et personne n’ouvrira. – Isaïe 22 ; 20-22
Existe-t-il quelque chose de supérieur à ces deux Écritures Saintes ? Car, Tu es heureux, Simon Bar-Jona, car ce n’est pas la chair et le sang qui te l’ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux, est l’équivalent de : J’appellerai mon serviteur Eliacim, fils d’Helcias. Et, et Moi, Je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre Je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle, ne signifie-t-il pas la même chose que : Je le revêtirai de ta tunique, et Je le ceindrai de ton écharpe ; Je mettrai ton autorité entre ses mains ; et il sera un père pour les habitants de Jérusalem, et pour la maison de Juda ? Et qu’est-ce qu’être fondation ou la pierre fondatrice d’une famille, sinon être présent en tant que père, avoir la superintendance, d’y être le gouverneur ? Si quelqu’un peut être confiant d’une telle assurance : Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David, un autre ne sera pas moins assuré que cela, ayant reçu la promesse : Et Je te donnerai le royaume des cieux. Et lorsque celui-ci a ouvert, personne ne peut fermer, lorsqu’il a fermé, personne ne peut ouvrir ; de même, quand l’un aura délié, personne ne pourra lier, quand il aura lié, personne ne pourra délier. L’un est Eliakim, fils d’Helcias, l’autre, Simon le fils de Jonas ; l’un est vêtu de la robe pontificale, l’autre de la révélation céleste. L’un a le pouvoir dans sa main, l’autre est un roc solide.
L’un est comme un père à Jérusalem, l’autre est la fondation dans l’Eglise. L’un possède les clefs du royaume de David, l’autre les clefs de l’Eglise de l’Evangile. Lorsque l’un ferme, personne n’ouvre, lorsque l’autre lie, personne ne délie, lorsque l’un ouvre, personne ne ferme, lorsque l’un délie, personne ne lie. Que reste-t-il à dire, sinon que si Eliakim, fils d’Helias était la tête du Temple mosaïque, Simon, fils de Jonas, devint la tête de l’Eglise évangélique ? Eliakim représentait Notre Seigneur en figure, Saint Pierre le représente comme lieutenant ; Eliakim le représentait dans l’Eglise mosaïque et Saint Pierre dans l’Eglise chrétienne. Voici ce qui est signifié par la promesse des clefs à Saint Pierre, une promesse qui ne fut jamais faite aux autres apôtres.
Saint François de Sales, Controverses, partie 2, la Règle de la Foi, article 6, chapitre 3, pp.249 -257, traduit par Fide Catholica de Rev. Canon Mackey O.S.B., Works of Saint Francis de Sales, Burns & Oates, 1909, Tome 3, The Catholic Controversy.