Voici une critique, illustrée d’un extrait choisi du film Novitiate sorti en 2017. Cette production du genre « auteur » est peu commune dans le paysage cinématographique américain, autant pour la relative absence de tout traitement outrancièrement mensonger du monde catholique que pour la précision remarquable du thème. Je mets toutefois en garde immédiatement. La réalisatrice de ce film n’est pas catholique. Il s’agit d’une certaine Maggie Betts, diplômée de Princeton, proche du clan Bush et qui travailla pour l’UNICEF. Les thèmes de ses films ont donc souvent une présentation propre à son parcours et à son milieu social, lequel n’est pas catholique. La tournure du film, quoique relativement neutre et fort pertinente du point de vue de la description des bouleversements des années Vatican 2, est également marquée d’un ou deux passages graphiquement inappropriés. Pour cette raison, nous tenons à en avertir fermement nos lecteurs. En bref, le film en lui-même n’a pas d’intérêt pour nous, au-delà de la scène que nous avons coupée et reproduite plus bas dans l’article. La trame du film se déroule donc entre la fin des années 1950, peu avant la mort du pape Pie XII, et les années 1962-65, explosion de la révolution de Vatican 2, de la révolution libérale, morale et sexuelle dans la société. On suit les bouleversements induits par l’esprit du monde moderne (défection de la foi, individualisme, divorce) et « les signes du temps » prétextés par les modernistes pour proclamer les dogmes hérétiques de Vatican 2. Nous suivons les évolutions de cette époque à travers le parcours de la jeune Cathleen Harris. Chuck, son père, indigne, désinvolte et noceur, déserte le foyer, laissant son épouse Nora, simple ouvrière et non-croyante, s’occuper de la jeune fille. Le film montre bien, de façon fort discrète, qu’il serait une grave erreur de considérer le féminisme comme une seule responsabilité féminine, alors que l’immoralisme terminal des années d’après-guerre touche aussi notoirement les hommes. Néanmoins, Nora tient à ce que sa fille bénéficie de la meilleure éducation possible et par convention sociale ou par réflexe pratique, se force à l’emmener à la messe et à l’inscrire dans une école catholique tenue par des sœurs religieuses. La scolarité y est gratuite et les sœurs offrent même de financer la scolarité future des jeunes filles issues de familles modestes comme Cathleen, si celle-ci obtient de bonnes notes. Introvertie et très pratiquante, en « saine rébellion » contre sa mère célibataire, quelque peu frivole, immodeste et toujours plus irréligieuse, la jeune Cathleen se sent isolée auprès de ses camarades de classe qui ne s’intéressent qu’à leurs « amoureux ». Elle discute un jour avec l’une des sœurs religieuses de l’école, laquelle lui explique comment elle est mariée à Jésus-Christ. A l’âge de 17 ans, en 1964, Cathleen confie à la sœur son vœu de devenir postulante auprès des sœurs de la Rose Bien-Aimée (un nom de congrégation fictive pour les besoins du fim). La communauté est dirigée par la Mère Supérieure Marie Saint-Clair, une abbesse tout ce qu’il y a de plus traditionnel, exigeante, stricte (avec des traits parfois grossièrement amplifiés par la mise en scène, évidemment), mais également très attentive et aimante.
Toutefois, la Mère Marie Saint-Clair éprouve de graves peines : la révolution Vatican 2 fait rage. Elle comprend intuitivement le caractère extrêmement délétaire de ces changements. L’archevêque du lieu, un moderniste radical dénommé ici « MacCarthy » pour les besoins du film, exerce sur elle une pression continue pour qu’elle diffuse dans sa maison religieuse, les doctrines et les réformes de Vatican 2. Elle s’oppose en cela à la plus jeune, plus douce, mais quelque peu progressiste Sœur Marie-Grâce, supérieure des postulantes, qui prône un adoucissement de la discipline et qui exige de la Mère Supérieure qu’elle informe les sœurs du contenu des documents de Vatican 2. Après avoir finalement pu prendre connaissance du contenu des réformes, la Sœur Marie-Grâce s’y déclare très favorable, ce à quoi la Mère Supérieure lui répond un cinglant : « L’Eglise est parfaite telle qu’elle est ! » La Sœur Marie-Grâce finit par quitter le couvent. il s’agit là en fait, d’un tragique malentendu, d’une zizanie provoquée par les intrigues des antipapes : Soeur Marie-Grâce pense naïvement qu’il ne s’agit que de réformes positivement catholiques, alors que la mère supérieure y sent clairement l’odeur de l’hérésie. Cette division ne manque pas d’affecter les postulantes et d’aggraver leur sentiment de doute. La pauvre mère supérieure, décidée à demeurer fidèle à la discipline traditionnelle, mais qui a peut-être fait l’erreur de ne pas bien expliquer en quoi ces « réformes » étaient profondément dangereuses et hostiles à la foi, la morale et à la discipline, ne fait alors qu’apparaitre de plus en plus dure et intraitable aux yeux de la sororité. Ces traits sont évidemment caricaturalement grossis par les scénaristes. Enfin, une scène dans le réfectoire (l’une des deux scènes graphiquement condamnables de ce film) fait apparaître une sœur d’âge respectable visiblement dans un accès de démence grave, voire démoniaque, laquelle se met en quelque sorte à prophétiser l’esprit du temps conciliaire : « Une nouvelle ère arrive, il souffle un vent nouveau par ici, dans un temps très proche, toutes vos cathédrales s’écrouleront enfin, et tous ces vêtements qui nous enferment pourront tomber sur le sol ! »
Pendant ce temps, la postulante Cathleen devient novice. Hélas, elle aussi est peu à peu rattrapée par l’esprit de doute et de subjectivisme qui atteint même l’isolement relatif du couvent. . Le film met également en relief, à quelques rares moments, l’amolissement et le conventionnisme social qui caractérise de nombreux catholiques de ces années-là, états d’esprit qui ont clairement facilité la victoire temporelle du modernisme à Rome. Par exemple, au cours d’une discussion entre postulantes, l’une d’entre elles, orgueilleuse et dénonciatrice, est choquée d’apprendre que Cathleen soit catholique, bien qu’ayant été élevée par une mère célibataire et athée.De son côté, la mère supérieure finit par recevoir la visite de l’archevêque MacCarthy, moderniste bon teint, qui vient la visiter en clergyman, comme il se doit, avec la morgue tranquille des vainqueurs. Celui vient lui faire part des rapports qui lui sont parvenus, selon lesquels cette communauté serait particulièrement réfractaire à adopter les changements prévus par le Concile Vatican 2. La mère, retenant difficilement son exaspération, ne se laisse pas démonter par le prélat félon et lui rétorque : « Si nous devions sincèrement adopter tous ces changements, nous irions vers la destruction de l’institution des religieuses catholiques telles que nous. » Ce à quoi lui répond l’archevêque moderniste : «Vous êtes bien la seule qui ne parvienne pas à lire entre les lignes…Il faut mettre fin à toutes ces méthodes moyenâgeuses…Il s’agit de changements, d’adaptions et d’évolution spirituelle…soyez moins rigide, ouvrez votre esprit, autrement je pourrais être contraint de suggérer de vous trouver une remplaçante ». La mère supérieure commence elle-même avec lassitude et peine, à percevoir cet esprit d’impiété, de doute permanent et de misère spirituelle chez plusieurs novices. De son côté, la novice Cathleen veut se fortifier dans la foi, tout en luttant contre les tentations de son jeune âge et surtout de l’esprit du temps apporté avec certaines novices spirituellement déviantes. Alors qu’elle cherche à se fortifier toujours plus dans la dévotion, elle reçoit la visite de sa mère, qui ne l’a plus vue depuis six mois. Cette dernière vient lui annoncer le décès du père ivrogne, Chuck. La nouvelle n’ébranle guère Cathleen, qui se souvient sans doute de l’absence continuelle de ce père indigne et absent. Sa mère, Nora, toujours aussi impie, vivant dans le monde décadent des années 1960, ne comprenant pas l’observance de ces dernières religieuses catholiques, accuse alors la mère religieuse d’imposer une discipline trop stricte à sa fille ou de ne pas lui donner à manger, tandis qu’en réalité, Cathleen est animée d’un réel zèle pour la Foi et c’est elle-même qui demanda à la mère Marie Saint-Clair de pouvoir subir les disciplines les plus « extrêmes ».
Mais plus tard, Cathleen commence elle aussi à perdre l’équilibre moral et en conséquence, à être plongée dans une sorte de dangereuse inversion des notions d’amour. En bref, la révolution moderniste, ainsi que l’esprit de la société contemporaine (qui sont en fait de même origine et de même nature…) produisent un véritable saccage dans cet ordre religieux, comme dans tout le monde catholique d’alors.
L’une des scènes les plus poignantes, mais surtout la plus utile de ce film est donc celle que nous avons sélectionné en extrait. Sommée par l’archevêque moderniste au moyen de menaces continuelles, la mère supérieure se résout en larmes et avec une fureur et une peine difficilement contenues, mais avec obéissance, à expliquer aux sœurs en quoi consistent les réformes de Vatican 2, avant de quitter les sœurs ébahies et en pleurs face à l’énoncé de ces novations résumées dans le mémo de l’archevêque moderniste : place aux langues profanes dans la liturgie, la messe sera désormais dite face aux fidèles, les catholiques doivent désormais respecter, honorer et estimer les fausses religions, les nonnes n’ont plus à porter l’habit religieux traditionnel, leur statut est désormais réduit et considéré comme celui de n’importe quel laïc, et enfin, leurs pratiques de dévotion sont désormais jugées inutiles. On retrouve alors la mère supérieure en pleurs et se tordant de douleur au pied de la Croix, reprenant la scène initiale du film, où on l’entend demander au Seigneur : « Pourquoi faites-vous cela ? » La chose est vraiment frappante : comme si la mère supérieure cherchait à comprendre la cause de ces inconcevables innovations, qui, nous le savons, ne peuvent être de l’Eglise, mais seulement d’une secte étrangère d’apostats et de traitres. Mais là est tout l’intérêt de ces quelques scènes que nous avons brièvement rapportées : comment fut perçue la révolution moderniste de Vatican 2 au sein d’un couvent catholique dans ces années-là. Finalement, la vie poursuit son cours et l’on perçoit dans les toutes dernières scènes, quelques-uns des effets immédiats (ou avant-coureurs) de ce terrible châtiment : la nouvelle génération de sœurs, telles que Cathleen, bien qu’ayant grandi avec la foi catholique, tombent presque soudainement captives de l’esprit du temps, selon l’enseignement de Vatican 2 énoncé par la mère religieuse, enseignement selon lequel les sœurs ne sont plus obligées de porter l’habit traditionnel, ni ne doivent être considérées comme des personnes consacrées d’une dignité particulière et différente de n’importe quel autre individu féminin.
Finalement, parmi les 20 postulantes du groupe de Cathleen, seules cinq sont allées jusqu’à la profession solennelle, laquelle se déroule désormais selon les réformes liturgiques de Vatican 2, tandis qu’au début du film, ses vœux de postulante avaient été prononcés dans le cadre très solennel du rite latin. On entend même une voix s’étonner dans l’assistance : « ce n’est plus en latin ? ». Cathleen, au moment de prononcer ses vœux, à la question « que cherchez-vous ? », au lieu de répondre qu’elle veut devenir épouse de Jésus-Christ, répond à plusieurs reprises : « je cherche, je cherche, je cherche… » Puis, pensant en elle-même, enfin vaincue par l’esprit du monde : « Je cherche quelque chose de plus ». Malgré deux scènes inappropriées dont le voyeurisme excessif est par ailleurs très inutile à la trame, bien que l’un et l’autre symbolisent ou représentent des effets tout à fait réels de la révolution moderniste (folie, désarroi, doute profond, tentations de la chair, allant jusqu’au saphisme) il faut dire que ce film offre un résumé plus que remarquable de la folie et de la confusion qui s’empara de tant d’âmes dans ces années-là. Le film s’achève avec un bandeau indiquant : « Dans les années qui suivirent Vatican 2, l’Eglise connut un départ massif de religieuses, à une échelle qui n’avait jamais été observée. 90000 nonnes renoncèrent à leur vocation et quittèrent leurs couvents». Le plus surprenant dans cette réalisation est le scénario, également écrit par Maggie Betts. Il y a maints passages qui laissent présumer de sa part, une connaissance profonde de ces évènements, comme si cette réalisatrice s’était inspirée d’anecdotes réelles, qu’elle n’aurait pas pu inventer seule par ailleurs.
Car, il ne faut pas se leurrer. Comme nous l’avons dit, Maggie Betts n’est pas catholique et les photos du tournage du film laissent voir l’ambiance franchement dégénérée et l’attitude moqueuse, voire blasphématrice des actrices. Sans surprise, plusieurs sites ou médias homosexualistes, plus exactement lesbianistes commentèrent le film, de critiquant de façon surprenante, d’une part la dichotomie caricaturale des « vieilles nonnes sévères » et des « jeunes postulantes frivoles et de libre-esprit », d’autre part, pointant avec une certaine pertinence, l’hypocrisie des modernistes de Vatican 2, s’ouvrant complaisamment à la prostitution avec les cultes des nations (nous savons qu’une quasi-majorité du faux clergé moderniste est inverti et/ou pédophile), mais persécutant et réduisant au silence les sœurs catholiques fidèles. Notons aussi la très mauvaise revue du moderniste-conservateur Taylor Marshall, qui n’a rien trouvé de mieux que de conclure que, selon lui, il était une mauvaise idée que des soeurs religieuses prodiguent l’enseignement public dans leurs écoles et collèges, comme si le problème de la révolution Vatican 2 venait de là…