Ce que le mariage est et doit être d’après son institution primitive, Dieu nous le montre dans le premier. Il crée pour Adam une seule femme : elle est tirée d’un côté de l’homme, pour marquer que les deux ne seront qu’une même chair ; Dieu lui-même présente cette unique épouse à son unique époux, et consacre leur union par sa présence, afin que tout le monde puisse conclure avec le Christ : « Ce que Dieu a conjoint, l’homme ne doit pas le séparer. » Noé et ses trois fils n’ont également qu’une femme chacun. La pluralité des femmes et le divorce sont donc contraires à l’institution primitive du créateur.
Au huitième siècle de l’ère chrétienne, un Musulman demanda à un évêque catholique, Théodore : Pourquoi croyez-vous plus permis d’avoir une femme que d’en avoir plusieurs ? Montrez-en la raison par des conséquences nécessaires de principes accordés. L’évêque répondit : On se marie, ou pour le plaisir, ou pour avoir des enfants. Depuis Adam jusqu’à ce jour, connaissez-vous quelqu’un à qui Dieu ait donné plus de plaisir qu’à ce premier homme ? Non. Et combien forma-t-il pour lui de femmes ? Une seule. Donc le plaisir que donne une femme est plus parfait que celui que donnent plusieurs. – La conséquence est bonne, dit le Mahométan ; mais il semble qu’on doit avoir plus d’enfants de plusieurs femmes. Théodore répliqua : Y a-t-il eu un temps où la multitude des enfants fût plus nécessaire qu’en celui-là ? Non. C’est donc contre l’ordre de Dieu, et par l’amour de la chair, que l’on a permis la polygamie après la multiplication du genre humain, puisque, dans les temps où les hommes étaient si rares, le Créateur a ordonné de se contenter d’une femme (Biblioth. PP., t. I, graec.-latin.).
Ce raisonnement auquel le Mahométan ne trouva rien à redire, ne s’applique pas moins au divorce, qui n’est qu’une polygamie par échange, où l’homme renvoie une femme pour en prendre une autre. Dieu n’accorda pas plus au premier homme d’avoir plusieurs femmes de suite que d’en avoir plusieurs à la fois. Ce que le raisonnement conclut de l’exemple du premier mariage, l’expérience des siècles vient le confirmer. Où règnent la polygamie et le divorce comme chez les anciens Grecs et les Romains, et comme, de nos jours, chez les Mahométans, là, bien loin de trouver la perfection du plaisir dans la possession de plusieurs femmes, l’homme s’en dégoûte pour des plaisirs dont la brute même a horreur ; là règnent publiquement la sodomie et autres crimes contre nature. […] La passion librement assouvie convoite bientôt, comme sa gloire, ce qu’il y a de plus infâme. Où règnent la polygamie et le divorce, la population diminue plutôt que d’augmenter : témoin les pays mahométans, qui ont une population proportionnellement beaucoup moindre que les pays chrétiens, dans lesquels la religion commande, ou bien la continence parfaite, ou bien le mariage d’un seul avec une seule. Plus la polygamie et le divorce règnent quelque part, plus le sexe faible y est dégradé et asservi. Chez les peuples païens, la femme n’était pas une personne, mais une chose servant au plaisir du maître, une chose qui s’achète et se vend. Ainsi en est-il encore dans le mahométisme. Les femmes y sont des esclaves femelles qu’on achète sur le marché, qu’on enferme comme un troupeau dans un parc, et pour la garde desquelles on mutile des hommes ou esclaves mâles. Plus la polygamie et le divorce règnent dans un pays, plus les mœurs y deviennent barbares, plus ce qu’il y a d’innocent devient la victime de ce qu’il y a de coupable, plus les petits enfants y sont étouffés, exposés, abandonnés ou élevés pour des usages abominables. Le père et la mère auront moins de pitié que les brutes n’en ont de leurs petits. Parmi les animaux, au moins parmi ceux qui ont quelque chose de moins grossier, comme les oiseaux, le mâle et la femelle ne se séparent que quand leurs petits sont assez grands pour se passer d’eux. Parmi les hommes, le père et la mère qui maintenant divorcent, se séparent précisément alors que leur jeune famille aurait le plus besoin du concours de leur zèle et de leur bon exemple pour croître dans la vertu et éviter le plus grand des malheurs ; il faudra, pour assouvir la passion adultère d’un père et d’une mère dénaturés, que des enfants pleins de candeur et d’innocence se séparent eux-mêmes les uns des autres, qu’ils renoncent à la douce amitié de frère et sœur, qu’ils façonnent leurs cœurs à la haine et à la discorde, qu’ils apprennent du père à détester la mère, de la mère à détester le père ; il faudra qu’ils apprennent à ne rougir pas plus qu’eux du crime et du scandale. Certes, l’histoire et l’expérience parlent encore plus haut que l’évêque Théodore.
La loi de Moïse de rétablit pas encore la perfection primitive, mais elle la rappelle. […] Cette législation diverse sur l’union conjugale recouvre un grand mystère. Nous en voyons la figure dans Abraham. Ce futur père d’une multitude de peuples avait dès le commencement une seule épouse, Sara, la princesse par excellence. Cette épouse-princesse ayant été longtemps stérile, et paraissant devoir l’être toujours, il prit, de sa main, et pour lui engendrer par une autre, sa servante Agar. Pour Sara, il ne se parle jamais de répudiation ; mais bien pour celle qui doit lui enfanter quelque temps. En effet, après que la princesse est devenue féconde, la servante est renvoyée de la maison avec son fils.
Ce sont les deux alliances, dit saint Paul. La principale fut contractée par le Verbe de Dieu avec l’humanité entière, dans Adam. Cette alliance universelle ayant été longtemps stérile et paraissant devoir l’être toujours, une alliance particulière est contractée avec la postérité de Jacob, par le ministère de Moïse. Cette seconde devait servir et enfanter la première. De là il se parle en elle et pour elle de répudiation ; jamais dans l’autre ni pour l’autre. Enfin, l’alliance éternelle, l’Eglise catholique, étant devenue miraculeusement féconde, et enfantant à Dieu des peuples entiers, l’alliance temporaire, la Synagogue est répudiée. Voilà pourquoi l’épouse, une, sainte et perpétuelle, l’Eglise catholique, maintient fidèlement l’unité, la sainteté, l’indissolubilité du lien conjugal : elle en porte le mystère en elle. Les sectes adultères permettent aux hommes le divorce ; c’est qu’elles l’ont fait avec Dieu.
Abbé Rohrbacher, Histoire de l’Eglise catholique, tome 1, Librairie ecclésiastique de Briday, Lyon, 1872, pp 164-165.
Merci à notre ami Absalon pour avoir retranscrit cet extrait
Le premier à avoir démontré que le divorce = l’organisation légale de la polygamie, c’est Bonald.
Et Bonald a aussi démontré que la première victime en serait la femme.
En 1801.
La Vérité est catholique.
Et la bêtise et la lâcheté sont à gauche.