Aurelius Prudentius Clemens, gloire de l’antiquité chrétienne

Aurelius Prudentius Clemens, plus connu sous le nom de Prudence, était un célèbre poète chrétien de la Rome antique. Il peut être considéré comme un pont entre l’antiquité romaine et les temps médiévaux.

Né en 348 dans la province d’Hispanie Tarraconaise (nord de l’Espagne actuelle) et mort vers 413, Prudence était un juriste. Il fut même gouverneur provincial à deux reprises avant que l’empereur Théodose Ier ne fasse appel à ses services à la cour impériale.

La poésie de Prudence est influencée par des auteurs chrétiens antiques tels que Tertullien et Saint Ambroise. Ses œuvres sont un mélange d’influences bibliques, de martyrologe et de style littéraire typiquement latin. Il est également l’auteur d’hymnes tels que « Corde natus ex parentis » qui sont toujours en usage aujourd’hui dans la liturgie catholique.

L’une de ses oeuvres les plus célèbres est la Psychomachie (ou Le combat de l’âme), dans laquelle il décrit un conflit à mort entre le vice et la vertu dans un style proche de celui de l’Enéide de Virgile. Ici, la foi chrétienne est attaquée et finit par vaincre l’idolâtrie païenne sous les acclamations d’un millier de martys chrétiens.

Le triomphe du Christianisme sur le paganisme, Tommaso Laureti, 1585

Le poème met en scène les personnifications des vertus de la foi (Fides), de la chasteté (Pudicita), de la patience (Patientia), de l’humilité (Mens Humilis), de la sobriété (Sobrietas), des bonnes œuvres (Operatio) et de la concorde. Ces vertus personnifiées sont parfois associées à des figures bibliques, comme Job, symbole de la patience. Les vertus terrassent un à un les vices contraires que sont l’idolâtrie (Veterum Cultura Deorum), la luxure (Sodomita Libido), la colère (Ira), l’orgueil (Superbia), l’avarice (Avaritia) ou encore la discorde (Discordia).

On remarque ici que les vertus mises en scène par Prudence sont en quelque sorte un mélange des vertus du Mos Maiorum et des vertus théologales et cardinales, ce qui accentue encore la qualité particulière de l’oeuvre de Prudence.

L’œuvre de Prudence aura une influence déterminante dans le développement de la littérature médiévale chrétienne ainsi que de l’art chrétien d’une manière générale. Preuve en est que ses poèmes ont survécu dans de très nombreux manuscrits médiévaux remontant au 9e siècle. Par exemple, la Burgerbibliothek de Berne possède un magnifique manuscrit illuminé de l’époque carolingienne réalisé dans les années 990 pour le diocèse de Strasbourg.

Dans son excellent livre « The Making of Europe », l’historien catholique Christopher Dawson nous rapporte un extrait saisissant d’un écrit de Prudence[1] :

Qu’est ce que le secret de la destinée de Rome ? C’est que Dieu désire l’unité du genre humain, puisque la religion du Christ exige la fondation sociale de la paix et de l’amitié internationale. Jusqu’à présent, la terre entière, de l’est à l’ouest, était déchirée par des luttes incessantes. Pour mettre fin à cette folie, Dieu a enseigné aux nations d’obéir aux mêmes lois et de tous devenir Romains. Aujourd’hui, nous voyons l’humanité vivre entre citoyens d’une même cité et comme membres d’une même maison. Les hommes viennent de contrées lointaines à travers les mers pour rejoindre un même forum, et les peuples s’unissent par le commerce, la culture et le mariage. Par ce mélange de populations, une nouvelle race est née. Telle est la signification de toutes les victoires et de tous les triomphes de l’Empire romain : la paix romaine a préparé la voie pour l’avènement du Christ. Car en effet, quelle place y avait-il pour Dieu ou pour la Vérité dans un monde sauvage dans lequel l’esprit de l’homme était en conflit perpétuel et dans lequel il n’y avait aucune base légale commune ?

Vers la fin de sa vie, Prudence se retira dans une vie d’ascèse stricte. C’est dans cette période qu’il consacra l’essentiel de son temps à écrire des poèmes, des hymnes et des traités de défense de la foi chrétienne.


[1] Il s’agit de son Contra Symmachum, II, 578-636

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