Mais pour venir à Saint Martinien et Saint Saturien, que l’Eglise révère aujourd’hui, voici ce que le célèbre Victor, évêque d’Utique (actuelle Tunisie), en rapporte d’original dans son histoire des Vandales. Un seigneur vandale, dit-il, avait pour esclaves Martinien, Saturien et deux de leurs frères, (ce fut en Afrique du nord que cela arriva.) Une servante de Jésus-Christ nommée Maxime, dont l’âme n’était pas moins belle que le corps, était esclave avec eux. Comme leur maître était très satisfait de Martinien, qui était armurier de métier, et qu’il était aussi très content de Maxime, laquelle était en charge de l’entretien de toute sa maison, il résolut de les marier ensemble, afin de les rendre là encore plus fidèles à son service. Martinien, qui était encore jeune et qui avait toujours eu le projet de se marier, en fut content. Mais la sainte et vierge Maxime qui avait consacré sa virginité à Dieu, ne put y donner son consentement. Après avoir été mariés, Martinien qui ne savait pas ce que Dieu avait décidé pour lui, voulait vivre avec Maxime comme avec sa femme. Mais cette sainte fille lui dit d’une voix forte et assurée : « sachez, mon frère, que j’ai consacré mon corps à Jésus-Christ et qu’ayant Dieu pour époux, je ne puis devenir la femme d’un homme mortel. Si donc vous voulez suivre mon conseil, vous vous donnerez entièrement à celui auquel je me suis donnée et vous vous tiendrez heureux d’employer toute votre vie à Son service. »
En même temps que Maxime parlait de la sorte, Dieu touchait le cœur de Martinien. Il suivit l’avis de cette bienheureuse vierge. Il persuada ses frères de l’imiter et tous les quatre ensemble, accompagnés de Maxime, se sauvèrent la nuit et s’en allèrent, lui dans un monastère d’hommes, et elle dans un monastère de filles. Le maître vandale les fît chercher de tous les côtés et enfin on découvrit où ils était. Lorsqu’on lui ramena ces esclaves, il les fit enchaîner et tourmenter par divers supplices, les voulant contraindre à se faire rebaptiser comme ariens.
Le roi Genséric ayant entendu parler de cette affaire, commanda qu’on les punit encore, jusqu’à ce qu’ils obéissent à leur maître. On prit pour cela de gros bâtons taillés de façon contondante. On leur en frappa le dos avec une telle violence, que les pointes en restaient enfoncées, brisant leurs os. Mais bien qu’ils perdaient leur sang de toutes leurs plaies et que leur chair fut déchirée de telle sorte qu’on voyait leurs entrailles à découvert, ils se trouvaient guéris le jour suivant ,sans qu’il restât aucune marque de leurs blessures, ce qui arriva pendant plusieurs jours. On mit ensuite Maxime dans une sombre cellule. On lui aposa aux pieds des entraves de bois extrêmement lourdes, mais ces chaines furent brisées par une force invisible en présence de plusieurs serviteurs de Dieu qui étaient venus la visiter. Ce miracle fut si public que personne n’en put douter. Le géolier lui même attestait de ce miracle. Ces merveilles ne touchèrent point le vandale et Dieu, pour le punir de sa dureté, lui fit sentir à lui et à toute sa maison les effets de Sa colère : il mourrut avec ses enfants et les meilleurs de son bétail.
La veuve du maître vandale se trouva alors sans mari et sans enfants. Elle donna alors ses esclaves chrétiens à Céphaon, qui était un parent du roi. Or, de même, les enfants et les domestiques de Céphaon furent alors tourmentés de milles manières par des forces invisibles, ceci à tel point qu’il exila les quatre esclaves chrétiens dans les territoires des berbères et ils les envoya à un de leurs rois nommés Capfur, et laissa aller Maxime où bon lui semblerait, tant il était confus de ce que Dieu avait fait pour elle. Elle devint alors mère supérieure de plusieurs vierges et Victor d’Utique, qui écrit tout ceci, la connaissait. Les autres frères chrétiens étant parmi les Berbères, ils travaillèrent à donner aux idolâtres la connaissance du Vrai Dieu. Ils firent un grand nombre de conversions et ils écrivirent à Rome pour y demander un prêtre et d’autres ministres pour assister les gens qu’ils avaient converti. Ainsi, l’Eglise se multipliant, Capfur, prince de ces lieux, en informa Genséric, qui de rage, les condamna à l’écartèlement par quatre chevaux indomptés.
Etant ainsi emportés à la vue des berbères catholiques qui fondaient en larmes, ils se dirent Adieu à tous les quatre en ces termes : « Mon frère, priez pour moi. Dieu a accompli notre souhait et c’est ainsi que l’on arrive au Royaume du Ciel. » Puis, en priant et en chantant des Cantiques, ils rendirent leur âmes au Créateur.
Source : Vie des saints pour tous les jours de l’année, tome 4, volume 2, 1684.