Ces deux dernières semaines, j’ai lu l’histoire de l’Eglise au Nigéria, ceci en préparation pour les ordinations qui eurent lieu ce mercredi dernier, ordinations de leurs premiers vrais prêtres depuis 45 ans. Ces 35 dernières années, vous et moi-même avons été à l’ouvrage, dans les champs des missions, non pas celles du fleuve Niger, mais celles de l’Ohio, puisque nous avons commencé la mission de Saint Gertrude the Great, comme ils disent, de l’autre côté du fleuve en 1977, et nous nous sommes finalement installés ici. Certaines choses que j’ai pu lire m’ont remémoré nos propres débuts…les missions nigérianes elles-mêmes, débutèrent en 1885 à l’aide d’héroïques prêtres français qui moururent rapidement et de façon héroïque l’un après l’autre en raison du manque de soins médicaux ou des conditions de vie dangereuses. Plus tard arrivèrent les prêtres irlandais, à l’esprit plus pratique et jovial qui, avec un système d’écoles et de professeurs laïcs, parvinrent en l’espace de 20 ou 25 ans, à convertir toute la nation des Ibos, qui est la tribu du père N’Kamuke. En continuant ma lecture, on découvre le périple du préfet de la mission, un certain père Joseph Shanahan. Le récit de ce périple a retenu mon attention et m’a beaucoup fait réfléchir. Pendant la 1ere guerre mondiale, les britanniques conquirent la colonie voisine du Nigéria, c’est-à-dire le Cameroun, qui était alors une colonie allemande où œuvraient des prêtres allemands. Les missionnaires allemands furent emprisonnés par les britanniques dans un camp d’internement, et leurs missions et leurs fidèles furent abandonnés. Pendant la guerre, le Vatican assigna cet irlandais, Shanahan, ce père spiritain, la tâche de se rendre au Cameroun et de produire un rapport sur les conditions locales. Il arriva à la veille de Noel, après un périple de 800 miles (1300 km), qu’il fit principalement à pied, aidé seulement d’un mulet par ailleurs peu coopératif. Les catholiques qu’il y rencontra étaient extrêmement peu parmi les païens majoritaires qui les persécutaient. Les bâtiments des missions avaient été détruits, mêmes les cloches furent subtilisées et les païens allaient même jusqu’à voler les vêtements des filles catholiques, si bien que le père remarqua que seulement deux fillettes étaient en mesure de se rendre à sa messe, car les autres n’avaient plus d’habits pour aller à l’église. Néanmoins, pour ces gens qui entendaient leur première messe en quatre ans, la joie fut immense. Ils donnèrent au prêtre un accueil royal en cette veillée de Noel et très vite, les collines résonnèrent au son des tambours qui accompagnaient le « Adeste Fideles » pour appeler tous les catholiques à venir, et ils virent en effet ! Un autel en argile fut improvisé sous une petite hutte couverte de fleurs champêtres.
Toute la congrégation tomba à genoux et depuis le moment de l’élévation jusqu’à après la Sainte Communion, ils embrassaient le sol, car telle était leur coutume pour accueillir la venue d’un Roi. Aussi, savaient-ils que l’enfant-roi venait de naitre là dans la Bethlehem de leur petite chapelle. Et ils chantaient ! Le père Shanahan nota qu’ils ne connaissaient que le Adeste Fideles, mais ils chantaient, écrivait le père Shanahan au pape, avec une foi qui aurait pu amener là Joseph et Marie, dans cette deuxième Bethlehem. Pendant le sermon, le missionnaire expliqua à ces gens tout ce que vous savez concernant Notre Seigneur et le Tabernacle, et comment il était le devoir des fidèles que d’accueillir le Roi des rois plus royalement qu’ils ne l’avaient accueilli lui-même en tant que son messager. Ils ne devaient pas laisser seul leur Roi pendant cette visite royale, et sur ce, leurs yeux s’écarquillèrent tandis qu’ils réalisaient la réalité de la présence de Dieu. Aussi, ils ne tolérèrent point qu’on laissa seul leur Roi, dans ce Tabernacle de bois, et ils se tinrent avec Lui jour et nuit, priant à genoux, en particulier pour qu’un prêtre leur soit envoyé. Lorsque le père Shanahan dut reprendre sa route, il fut suivi par quelques-uns de ces catholiques pendant des jours entiers, car ils souhaitaient encore assister à la messe et recevoir les sacrements. Dans un autre village, pour l’Epiphanie, les tambours des locaux résonnaient dans les montagnes jusqu’à une distance de près de 100 miles [160 km] à la ronde pour appeler à venir entendre la Sainte Messe. Là, le père conduisit une nouvelle dévotion pendant deux semaines et 40 heures, et lorsqu’il dut consommer le Saint Sacrement et repartir, tout le peuple l’escorta jusqu’au fleuve en chantant : « Restez avec nous, père, restez avec nous, vous nous avez apporté Notre Seigneur, comment pouvez-vous nous le reprendre ? » Et ces derniers adieux, tandis que le canot du père Shanahan s’éloignait sur le fleuve, m’ont fait penser aux pleurs des irlandais à Saint Patrick : « Revenez nous voir, amenez-nous Notre Seigneur ! »
Les vies de ces convertis dans les colonies allemandes m’ont quelque peu fait penser aux débuts de la Foi et de la ferveur de nos tous premiers fidèles ici-même, à Cincinnati, il y a bien longtemps. Certains d’entre eux ne sont déjà plus de ce monde, d’autres sont encore avec nous, d’autres dans les nombreuses chapelles et églises–j’en compte neuf ou dix- dans la zone métropolitaine, dans lesquelles nous sommes unis, mais aussi parfois, divisés. Le père Shanahan écrivit ceci dans son rapport au Vatican : « La Foi de ces chrétiens est au-delà de toute louange : peu nombreux, éparpillés dans de vastes régions, donnant à leurs prêtres toutes sortes de secours, méprisés par leurs chefs, leurs églises et leurs écoles fermées ou en ruines, ils sont demeurés fidèles à Dieu au milieu de cette accumulation de désastres. Ces pauvres Noirs ont prouvé leur affinité spirituelle avec les chrétiens de tous les âges. Le saint feu de la foi, de l’espérance et de la charité ne cesse jamais de bruler avec ardeur dans leurs âmes. Avec quelle joie m’ont-ils reçu ! Avec quelle attention se préparèrent-ils aux sacrements ! Ces pauvres âmes si aimés et protégées par Dieu. Dans la petite hutte où la messe du matin était célébrée, d’authentiques saints priaient là. Je ne peux m’empêcher de penser alors aux catacombes. »
Le père Shanahan indiqua aux fidèles, avant de partir : rassemblez-vous, priez le Rosaire le dimanche jusqu’à ce qu’un prêtre revienne. C’est exactement ce que nous demandons aujourd’hui aux fidèles de nos missions, que ce soit en Afrique ou en Amérique. Voyez-vous, dans un certain sens, il est plus simple de garder la foi dans les missions. Mais ici, vous avez aisément accès à messe après messe, avec un large choix, et tout le reste avec cela. Ici, nous avons tant que nous finissons à ressembler quelque peu à des enfants gâtés, qui gâchent la nourriture et la jettent. Telles sont les mauvaises herbes qui ont poussé parmi les blés au cours des années. Cela sera toujours ainsi, bien sûr. Mais tout de même, ces derniers temps, à ma grande peine, j’ai remarqué combien de catholiques, notamment de jeunes familles, ne viennent plus à la messe tous les dimanches comme nous y obligent le Premier Commandement de Dieu et le Premier précepte de l’Eglise. Ils se satisfont bien d’une messe toutes les deux semaines, plutôt que tous les huit jours, et toutes les activités de la fin de semaine prennent le dessus sur le Calvaire. Or, les enfants partagent les fruits de ce comportement, et on les trouve froids, distraits, à la communion, et plus rarement encore, au confessionnel. Et certaines jeunes filles et jeunes dames mériteraient bien de voir leurs vêtements confisqués : ils sont trop courts. Et jour après jour, par une seule âme pour prier pour les plus démunis, mais c’est pourtant ce qui pourrait les aider, non seulement eux, mais vous aussi. Le missionnaire disait : toute petite prière et tout sacrifice de temps ou de loisirs. Pourriez-vous être des missionnaires ? J’en suis certain, oui ! Les champs sont prêts pour la moisson et pas seulement en Afrique ! Sainte Thérèse, o Sainte Thérèse, est la patronne de nos missions. Elle n’a jamais quitté son cloitre, mais elle utilisa ses outils, ses armes à elle, la prière et le sacrifice, tous les jours, de même que vous, pourriez être un missionnaire ici même, à Cincinnati. Ecoutez encore ce qu’écrivait le père Shanahan : la présence à la messe quotidienne en vue d’aider les missionnaires amène un nombre inouï d’âmes à l’Eglise. Alors ! Y en a-t-il un seul parmi vous qui n’ait pas quelqu’un dans sa famille ayant besoin d’être ramené à l’Eglise ? Mais alors, pourquoi est-ce que je ne vois personne utiliser les moyens que Dieu nous donne afin de convertir votre prochain, tandis que je me tiens seul à l’Autel ? La ferveur et la loyauté qui caractérise notre petit groupe de laïcs, ici à Cincinnati, voici qui m’a toujours fait revenir ici il y a des années, alors que je m’occupais de bien d’autres missions. Ce qui m’a vraiment conduit à me fixer ici, c’est ce blé, c’est ce zèle incroyable et authentique, comme celui que nous avons lu dans l’histoire du père Shanahan et des camerounais. Non pas un zèle exagéré, qui se consume rapidement, qui loue un jour, et l’autre, n’est que condamnation et froideur. Non pas un zèle amer, qui éloigne l’autre et se retourne toujours contre nous-mêmes avec le temps. Je parle d’un zèle constant, illuminant tel la lampe du sanctuaire, avec sa lumière douce qui, jour et nuit, indique la présence réelle de Dieu parmi nous. Excusez-moi ces vœux d’anniversaires et ces pensées, mais voyez-vous, ce vendredi, cela fera 10 jours que nous nous trouvons dans cette magnifique et toute nouvelle église. La semaine prochaine, nous serons occupés autour du Saint Sacrement, autour de votre nouveau prêtre et ce sera au tour des jeunes pères de prêcher. Je prie pour que vous soyez présents, ce jour-là, tous, anciens et jeunes, afin que le Roi ne soit pas laissé seul sur Son trône. Prenez un peu de temps aujourd’hui pour ensemencer vos âmes avant l’hiver, voulez-vous bien ? Savez-vous, on réservait traditionnellement les bonnes semences pour être semées sur ces rives de l’Ohio. Certes, il n’y avait pas que des blés, c’est la nature des choses. Mais Lui, Notre Roi, ne nous as jamais laissés depuis lors, il n’a jamais cessé de nous nourrir du blé le plus raffiné. Que Dieu vous bénisse, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
Monseigneur Daniel Lytle Dolan, Sermon traduit de l’anglais, « Early Missionaries in Nigeria », le 10 Novembre 2013, Saint Gertrude the Great, http://www.sgg.org/2013/11/10/early-missionaries-in-nigeria/