Anathème, du grec, anathema, littéralement : mis en l’air, suspendu, mis de côté. Ce terme fait formellement référence aux offrandes faites à la divinité qui été suspendue au toit ou aux murs des temples afin d’être exposés à la vue de tout. Ainsi, anathema selon son étymologie, évoque une chose offerte à Dieu. Le terme est parfois usité dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Dans Judith 16-23, il est écrit que Judith ayant pris toutes les armes d’Holopherne que le peuple lui avait donné, ainsi que le rideau de son lit qu’elle avait elle-même apporté, les offrit à Dieu en guise d’anathème d’oubli. Dans II Macchabées, IX-16, Antioche promet d’orner avec de précieuses offrandes (anathema) le temple qu’il a pillé et dans Luc 21-5, il est fait mention du temple construit avec des pierres précieuses et ornée de riches offrandes (anathemata). Mais comme des objets impies étaient également exposés à la vue, comme par exemple la tête d’un criminel ou ses bras, etc., le mot anathema en vint à signifier une chose détestée, ou exécrable, vouée à l’abhorration ou la destruction publique. « Pour comprendre le mot anathème, nous dit Vigouroux, « nous devons en premier lieu regarder le sens véritable du mot herem qui est son synonyme. Herem vient du mot Haram, ce qui signifie couper, séparer, maudire et signifie que ce qui est maudit et condamné doit être coupé ou exterminé, objet ou personne, et par conséquent, signifie ce à quoi l’homme est défendu de faire usage. »

Voici le sens d’anathema dans le passage suivant de Deutéronome 7-26 : « Tu n’introduiras point une chose abominable dans ta maison, afin que tu ne sois pas, comme cette chose anathème ; tu l’auras en horreur, tu l’auras en abomination, car c’est une chose anathème. » Nations, individus, animaux et objets inanimés peuvent encourir l’anathème, c’est-à-dire être dévoués à l’interdit ou à la destruction. C’est ainsi que le peuple qui habitait la terre promise fut anathémisée par Moise dans Deutéronome 7 :1,2 : « Lorsque l’Eternel, ton Dieu, t’aura fait entrer dans le pays dont tu vas prendre possession, et qu’il chassera devant toi beaucoup de nations, les Héthiens, les Guirgasiens, les Amoréens, les Cananéens, les Phéréziens, les Héviens et les Jébusiens, sept nations plus nombreuses et plus puissantes que toi. Lorsque l’Eternel, ton Dieu, te les aura livrées et que tu les auras battues, tu les dévoueras par interdit, tu ne traiteras point d’alliance avec elles, et tu ne leur feras point grâce. »
Dans le Nouveau Testament, l’anathème n’implique plus nécessairement la mort, mais la perte des biens ou l’exclusion de la société des croyants. Saint Paul utilise fréquemment ce mot dans ce sens. Dans l’Epitre aux Romains, 9-3, il dit : « Car je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair. » Et une fois encore, usant du terme dans le même sens, dans Galates 1 :9 : « Nous l’avons dit précédemment, et je le répète à cette heure: si quelqu’un vous annonce un autre Evangile que celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème! »
Mais celui qui se sépare de Dieu est uni au diable, ce qui explique pourquoi Saint Paul, au lieu d’anathémiser, délivre parfois une personne d’une possession démoniqque (1 Timothée 1-20, 1 Corinthiens 5-5). Anathème signifie également être frappé de malédictions, comme dans 1 Corinthiens 16-22 : « Si quelqu’un n’aime pas le Seigneur, qu’il soit anathème! Maranatha. » Depuis la plus haute antiquité de l’Eglise, celle-ci a donc usé du mot anathema pour signifier l’exclusion d’un pêcheur de la société des croyants, mais cet anathème était prononcé de façon solennelle contre les hérétiques. Tous les conciles, depuis celui de Nicée à celui de Vatican I, ont ainsi exprimé leurs canons dogmatiques : « Si quelqu’un dit que…qu’il soit anathème ». Toutefois, bien que durant les premiers siècles, l’anathème ne semble pas différer de la sentence d’excommunication, on voit apparaitre au Vie siècle une distinction entre ces deux notions. […] Cette distinction fut introduite dans les canons de l’Eglise, en témoigne la lettre du pape Jean VIII (872-82) que l’on trouve dans le Décret de Gratien (c.III, q. V, c. XII) : « Saches que Engeltrude est non seulement passible d’excommunication, ce qui la sépare de la société de ses frères, mais aussi placée sous l’anathème, ce qui la sépare du corps du Christ, qui est l’Eglise. » Cette distinction se trouve dans les plus anciennes décrétales, au chapitre Cum non ab homine. Dans ce même chapitre, à la dixième Décrétales II, tit.I, le pape Celestin III (1191-98), évoquant les mesures nécessaires à prendre dans une procédure contre un clerc coupable de vol, meurtre, parjure ou autres crimes, écrit : « Si, après avoir été déposé de sa charge, celui-ci demeure incorrigible, il sera d’abord excommunié, mais s’il persévère dans sa rebellion, il sera frappé par l’épée de l’anathème ; mais si encore, plongeant dans les profondeurs de l’abysse, il viendrait jusqu’au point de mépriser ces condamnations, il sera alors livré à la justice civile ».
Extraits traduits de l’anglais depuis l’article : New Advent Catholic Encyclopedia, newadvent.org, Anathema.
http://www.newadvent.org/cathen/01455e.htm
Sources complémentaires : (1907). Anathema. In The Catholic Encyclopedia. New York: Robert Appleton Company. Nihil Obstat. March 1, 1907. Remy Lafort, S.T.D., Censor. Imprimatur. +John Cardinal Farley, Archbishop of New York.