Objection n°13 : Quand bien même on admet que les papes de Vatican 2 ont enseigné l’hérésie lors du concile et dans leurs actes magistériels, on peut légitimement leur résister et refuser d’obéir à leurs enseignements tout en reconnaissant ces individus comme vrais papes, car les papes en question sont des « mauvais pères » et qu’il y a déjà eu par le passé des papes à la moralité douteuse, tels que Jean XII ou Alexandre VI. Pour agir de la sorte, nous nous basons sur cet enseignement de Léon XIII dans Libertas Praestantissumum : « Mais, dès que le droit de commander fait défaut, ou que le commandement est contraire à la raison, à la loi éternelle, à l’autorité de Dieu, alors il est légitime de désobéir, nous voulons dire aux hommes, afin d’obéir à Dieu » et sur l’enseignement de Saint Robert Bellarmin : « De même qu’il est licite de résister à un pontife qui attaque le corps, il est aussi licite de résister à celui qui attaque les âmes, ou détruit l’ordre civil, ou encore, tente de détruire l’Eglise. Je dis qu’il est licite de lui résister en ne faisant point ce qu’il ordonne et en empêchant l’exécution de ses ordres ».
Réponse à l’objection : Cet argument semble découler d’un raisonnement défaillant. Les « papes » de Vatican 2 ne sont pas des « mauvais papes ». Ce sont des hérétiques publics et manifestes. C’est ce qui permet de conclure qu’ils ne peuvent être de vrais papes. Il y a certes eu quelques rares cas de papes à la moralité personnelle douteuse par le passé. Mais il est important de comprendre que la personne du pape est garantie du charisme de l’infaillibilité, non pas de l’impeccabilité. Or, il est prouvé que les rares papes personnellement immoraux des temps passés n’ont jamais enseigné l’hérésie, bien au contraire. Quant à la lettre Libertas Praestantissumum que certains croient pouvoir utiliser pour refuser d’obéir au magistère des papes de Vatican 2, nous allons voir que Léon XIII réfute totalement leur approche. Il en va de même pour la citation de Saint Robert Bellarmin qu’ils utilisent abusivement.
Preuve n°1 : Pie XII réfute l’argument du « mauvais pape » de la plus simple des manières. Les péchés de mœurs, même très graves, ne constituent en rien un empêchement à l’appartenance à l’Eglise. Seule l’hérésie publique et manifeste, ainsi que le schisme, séparent de l’Eglise, par la nature même de ces péchés suprêmes.
Ce n’est pas tout péché, si grave soit-il, qui, comme de sa propre nature, amène un homme à rompre du corps de l’Eglise, comme le fait le schisme, l’hérésie ou l’apostasie. – Pape Pie XII, Mystici Corporis Christi
Preuve n°2 : Même les papes les plus immoraux du passé ne furent jamais des hérétiques.
[A propos du pape Jean XII (955-964)] La Divine providence, supervisant l’Eglise, a miraculeusement préservé le dépôt de la Foi dont ce jeune libertin avait la garde. La vie de ce pape fut un scandale monstrueux, mais toutefois, son bullarium est vide de toute erreur. Nous pouvons à peine considérer l’ampleur de ce prodige. Il n’existe pas un seul hérétique, pas un seul schismatique qui n’ait cherché par tous les moyens à légitimer sa conduite d’un point de vue doctrinal : Photius chercha à justifier son orgueil, Luther chercha à justifier ses passions sensuelles, Calvin chercha à justifier sa froide cruauté. Ni Serge III, ni Jean XII, ni Benoit IX, ni Alexandre VI, en tant que pontifes suprêmes, définissant la foi, entendus et obéis par tout l’Eglise depuis la hauteur de leur chaire apostolique, n’ont cherché à ne prononcer ne serait-ce qu’un seul mot qui put justifier leurs désordres. Il arriva même qu’un Jean XII se fit le défenseur de l’ordre social, s’opposa aux offenses contre le droit canon et contre les dangers menaçant la vie religieuse. – Révérend Père Fernand Mourret, A History of the Catholic Church, volume 3, pp. 510-511
Or si Jésus-Christ a garanti à Pierre l’infaillibilité dans la foi. Il ne lui a point promis l’impeccabilité dans la conduite et dans la parole. Placés dans des circonstances analogues, d’autres Papes pourront aussi faiblir ; mais pas un ne faillira dans sa foi et dans son enseignement pontifical. – Révérend Père Marin de Boylesve, Réponses aux principales objections contre la puissance et contre l’infaillibilité du Pape, 1877
Preuve n°3 : Le Magistère enseigne que même les papes les plus moralement faibles, en leur for interne, ne mettent en aucune façon l’infaillibilité de leur enseignement en danger en leur for externe, par grâce de la Divine Providence. L’Eglise est une institution divine, parfaite et indéfectible et aucune faiblesse humaine ne peut l’atteindre dans sa pureté.
L’Eglise a reçu des cieux une promesse qui la protège de toute faiblesse humaine. Qu’est-ce que cela peut faire, si le casque de la barque symbolique a été confiée à des mains faibles, si le Divin Amiral se tient sur le pont, là où, bien qu’invisible, Il observe et dirige ? Bénie soit la puissance de Son bras et l’ampleur de Sa miséricorde ! – Pape Léon XIII, Allocution aux Cardinaux, 20 Mars 1900
Le pape a les promesses divines; même dans sa faiblesse humaine, il est invincible et inébranlable; annonceur de la vérité et de la justice, principe de l’unité de l’Église, sa voix dénonce les erreurs, les idolâtries, les superstitions, condamne les iniquités, fait aimer la charité et les vertus. – Pape Pie XII, Ancora una volta
Preuve n°4 : Le passage de l’encyclique Libertas Praestantissimum du pape Léon XIII que certains utilisent abusivement ne parle en aucune manière de résister et de refuser d’obéir à l’enseignement du magistère des pontifes romains, mais parle du devoir de désobéissance à l’endroit de supérieurs ou de gouvernements temporels impies ou iniques.
C’est, en outre, un devoir très réel de respecter le pouvoir et de se soumettre aux lois justes : d’où vient que l’autorité vigilante des lois préserve les citoyens des entreprises criminelles des méchants. Le pouvoir légitime vient de Dieu, et celui qui résiste au pouvoir, résiste à l’ordre établi de Dieu; c’est ainsi que l’obéissance acquiert une merveilleuse noblesse, puisqu’elle ne s’incline que devant la plus juste et la plus haute des autorités. Mais, dès que le droit de commander fait défaut, ou que le commandement est contraire à la raison, à la loi éternelle, à l’autorité de Dieu, alors il est légitime de désobéir, nous voulons dire aux hommes, afin d’obéir à Dieu. Ainsi, les voies à la tyrannie se trouvant fermées, le pouvoir ne rapportera pas tout à soi ; ainsi sont sauvegardés les droits de chaque citoyen, ceux de la société domestique, ceux de tous les membres de la nation ; et tous enfin participent à la vraie liberté, celle qui consiste, comme nous l’avons démontré, en ce que chacun puisse vivre selon les lois et selon la droite raison. – Léon XIII, Libertas Praestantissimum
Preuve n°5 : De plus, l’utilisation de ce passage est d’autant plus illogique que Léon XIII réfute les conclusions des tenants de l’objection dans la même encyclique. En utilisant cette citation pour s’opposer aux « papes » de Vatican 2, les partisans de l’objection affirment au moins implicitement qu’ils considèrent l’Eglise comme une simple institution humaine et pensent que le Magistère de l’Eglise peut enseigner l’erreur.
Mais, pour la foi et la règle des mœurs, Dieu a fait participer l’Eglise à son divin magistère et lui a accordé le divin privilège de ne point connaître l’erreur. C’est pourquoi elle est la grande, la sûre maîtresse des hommes et porte en elle un inviolable droit à la liberté d’enseigner. – Léon XIII, Libertas Praestantissimum
Preuve n°6 : Certains prétendent pouvoir utiliser une citation du chapitre 29 du Livre 2 du De Romano Pontifice de Saint Robert Bellarmin, dans lequel le docteur de l’Eglise semble, selon eux, enseigner qu’il est licite de résister à l’enseignement magistériel d’un pape. Il s’agit là d’un abus, puisque Saint Robert Bellarmin réfute leur position dans le même livre.
De même qu’il est licite de résister au pontife qui attaque le corps, il est également licite de résister à celui qui attaque les âmes, ou qui détruit l’ordre civil ou surtout, qui tente de détruire l’Eglise. Je dis qu’il est licite de lui résister en ne faisant point ce qu’il ordonner et en empêchant l’exécution de ses ordres. Il n’est toutefois pas licite de le juger, de le punir, ni de le déposer, car ce sont là des actes qui appartiennent au supérieur. – Saint Robert Bellarmin, De Romano Pontifice, Livre 2, Chapitre 29
On nous a répété de nombreuses fois que ce passage soutient le concept selon lequel le mouvement traditionaliste peut « résister » aux fausses doctrines, aux lois iniques et aux cultes sacrilèges que Paul VI et ses successeurs ont promulgué, tout en « reconnaissant » ces individus comme de vrais Vicaires du Christ. Cette étrange idée est également prêtée à d’autres théologiens tels que Cajetan. On nous affirme que ce même passage de Bellarmin détruit le principe sur lequel repose le sédévacantisme (un pape hérétique perd automatiquement son office), parce que les sédévacantistes « jugeraient » et « déposeraient » le pape. Il s’avère que ces affirmations sont simplement une autre démonstration indiquant à quel point l’indigence intellectuelle dans les polémiques traditionnalistes, peut donner naissance à des mythes qui prennent rapidement l’aspect de vérités quasi-révélées. N’importe quelle personne consultant le livre de Saint Robert Bellarmin et ayant un minimum de discernement en matière de droit canon aboutira à une conclusion très différente, concernant la véritable signification de ce fameux passage légitimant la « résistance » : 1° Bellarmin ne parle ici que d’un pape moralement mauvais, c’est-à-dire d’un pape qui donnerait des ordres moralement litigieux, et non un pape qui, à l’instar des « papes » de Vatican 2, enseignerait des erreurs doctrinales ou imposerait des lois mauvaises ; 2° Le contexte de la citation en question, est celui d’un débat sur les erreurs du gallicanisme, et non sur le cas d’un pape hérétique ; 3° Bellarmin justifie ici la « résistance » des rois et des prélats, et non de simples catholiques ; 4° Bellarmin enseigne dans le chapitre suivant, le chapitre 30, qu’un pape hérétique perd automatique son autorité. En un mot, le passage en question ne peut aucunement être appliqué à la situation acutelle, ni être invoqué contre le sédévacantisme. – Révérend Anthony Cekada, The Bellarmine « Resistance » quote : another traditionalist myth, 2004
La cinquième opinion est donc la bonne. Un pape qui est manifestement hérétique cesse automatiquement (per se) d’être pape et tête, tout comme il cesse automatiquement d’être Chrétien et membre de l’Église. C’est pourquoi, il peut être jugé et puni par l’Église. C’est l’enseignement de tous les anciens Pères qui enseignent que les hérétiques manifestes perdent immédiatement toute juridiction. – Saint Robert Bellarmin, De Romano Pontifice, Livre 2, Chapitre 30
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