Nous avons de nombreuses preuves que les fossiles ont été transportés. Le plus souvent, ils ne sont pas fossilisés sur place. Ainsi en est-il à coup sûr pour les Ammonites du Secondaire, les Dinosaures accumulés en grand nombre à la même place, les amas végétaux ayant donné lieu à la formation de la houille, les innombrables fossiles d’eau douce trouvés dans des dépôts marins etc. On en convient en général. Nous avons vu d’autre part que la fossilisation exige une sédimentation rapide. Dès lors, tous les éléments nous semblent réunis pour indiquer un catastrophisme progressif et de grande ampleur. Essayons de l’imaginer. Dans les mers antédiluviennes, peut-être moins étendues que les nôtres et probablement moins profondes, grouillaient d’innombrables espèces marines et sous-marines. Elles se répartissaient verticalement comme aujourd’hui – peut-être plus nettement encore – selon leurs zones préférées d’habitat. Certaines espèces vivaient exclusivement en eaux profondes, d’autres en eaux moyennes, d’autres en surface. Certaines espèces pouvaient vivre, comme c’est le cas aujourd’hui, dans plusieurs zones sans être incommodées. Celles-là ont fourni, pensons-nous, les fossiles non caractéristiques. Les autres, les « bons fossiles », caractéristiques d’une couche géologique donnée, devaient être les espèces vivant exclusivement dans une aire géographique délimitée, toujours la même.
Lorsque les sédiments, arrachés aux continents d’alors, ont commencé à se déposer dans les fosses, apportés par les courants, ils ont « asphyxié » et enseveli d’abord les espèces vivant dans les grands fonds. C’est la raison pour laquelle les couches cambriennes sont si riches en formes exclusivement marines, voire de grands fonds, et si pauvres en autres formes. C’est pour cette raison également que les « fossiles » vivants retrouvés de nos jours, fossiles « cambriens » par leurs formes sont, pour la plupart des espèces des profondeurs.
Puis, peu à peu, la densité des sédiments augmentant, des habitants des eaux peu profondes furent à leur tour sédimentés après avoir succombé en masse. L’aspect des poissons fossiles, et en général de toutes les espèces fossiles, révèle clairement une mort violente, probablement par asphyxie.
C’est alors que, progressivement, les eaux du déluge montèrent et les agents d’érosion qui sont les vagues, les courants etc. gagnèrent les zones terrestres. Les zones basses et marécageuses d’abord, d’où furent arrachés les débris des immenses forêts qui allaient donner les gisements houillers du Carbonifère. Puis les zones les plus élevées de la terre, où s’étaient réfugiés les espèces les plus aptes à s’enfuir, à se défendre ou à supporter l’altitude.
Ce schéma d’ensemble, bien entendu, n’est qu’une esquisse rudimentaire illustrant le principe que nous défendons. Il ne saurait être accepté sans retouches et sans nuances, locales en particulier. Du moins a-t-il le mérite d’être simple, cohérent et de rendre assez bien compte des faits.
Dans ces conditions, les fossiles que l’on trouve maintenant de bas en haut dans les couches sont dans cet ordre pour deux raisons. D’une part, à cause de l’origine chronologique de leur dépôt, et d’autre part, à cause de l’origine géographique des sédiments ou de l’origine écologique des espèces qu’ils représentent. Ce principe, beaucoup plus conforme à la logique, conduit à ôter toute signification évolutive aux séries artificiellement réunies comme si seul l’élément temps avait varié. Il rend mieux compte aussi des « fossés » qui séparent les différents types de fossiles.
On peut alors tenter de donner un schéma des zones écologiques qui ont pu exister avant le déluge (voir figure en illustration de l’article). C’est l’érosion causée par le déluge qui aurait successivement déposé et sédimenté les animaux des grands fonds marins, puis ceux des eaux moyennes et de surface. Enfin, les unes après les autres, les différentes formes de vie ont été entraînées. D’abord celles des zones basses et marécageuses, puis celles des plaines, des moyennes altitudes, des plateaux etc. On retrouve leurs fossiles dans cet ordre, de bas en haut, dans les couches géologiques actuelles. Le facteur principal de leur disposition dans les couches, on le voit, n’a donc pas été le temps, mais leur origine écologique, ou géographique. Il est possible que d’autres facteurs soient aussi intervenus. Par exemple il est probable qu’il y eut pendant le déluge des orogénies locales qui pourraient bien expliquer la présence de fossiles marins dans quelques couches secondaires ou tertiaires. Il est clair, quoi qu’il en soit, que le nombre de fossiles marins diminue très notablement au fur et à mesure que l’on se rapproche du sommet de la colonne géologique. Ils sont presque seuls dans les couches du fond (cambriennes et ordoviciennes), très abondants dans les couches secondaires, et proportionnellement de plus en plus rares dans les couches tertiaires. Ce nombre décroissant des fossiles marins s’accorde bien mieux avec la notion de l’origine écologique des fossiles qu’avec aucun autre concept actualiste. Ce qu’il importe de souligner, c’est que les fossiles ne sont pas dans leur milieu de vue et que la durée n’est pas la principale responsable de leur position dans les couches.
Selon ce point de vue, les archives fossiles révèlent bien un ordre : mais ce n’est pas celui de la succession chronologique des formes de vie comme le pense la théorie évolutionniste. C’est celui des milieux écologiques d’avant le déluge. Tout comme dans la nature actuelle d’ailleurs, où l’on rencontre bien une telle répartition, en pays de montagne, par exemple, ou selon la latitude dans tous les autres cas. Les espèces, dans ce cas, « se succèdent » les unes aux autres, sans filiation.
Jean Flori et Henri Rasolofomaoandro, « Les fossiles, témoins des zones écologiques antédiluviennes » dans Evolution ou Création, 1974, éditions SDT.