Avez-vous remarqué ?
Depuis plusieurs semaines, le gouvernement est démissionnaire et il n’y a pas d’activité parlementaire. Or, le climat social est apaisé et le pays tourne à l’ordinaire.
Certes, il y a l’effet des Jeux Olympiques, qui ont permis une trève politicienne. Et puis, c’est l’été et comme tous les ans à cette période, l’activité politique est un peu plus calme.
Il n’empêche que pendant ce temps, le pays travaille, l’administration fonctionne, les salaires sont versés, policiers, pompiers et personnel médical font leur job, les entreprises tournent et les commerces sont ouverts.
Ce qu’on entend plus, en revanche, c’est le vacarme infernal des polémiques médiatico-politiques, notamment celles qui émanent du Palais Bourbon ou de l’Elysée.
Dans ce cas, pourquoi nous embarrasser de cette source de discorde permanente qu’on appelle « démocratie parlementaire » ?
Démocratie et liberté ne sont pas des valeurs absolues
Si l’expérience nous prouve une chose en politique, c’est que la destinée d’un pays, l’élaboration des lois et la sauvegarde du bien commun ne peuvent être abandonnées au hasard des coalitions partisanes, à l’opportunisme des démagogues et aux passions des foules manipulées.
Contrairement à ce que réclament les naïfs et les démagogues, nous n’avons pas besoin de « plus de démocratie ».
Nous avons besoin d’institutions démocratiques soumises à de bons principes et ouvertes exclusivement à une représentation légitime et concrète.
La démocratie n’est pas une valeur en tant que telle, de même que la liberté n’est pas une valeur morale absolue. La liberté ne peut exister, ni être légitime si elle n’est pas fonction d’une vérité objective.
Comme on le lit dans les Évangiles, c’est la vérité qui rend libre (Jean 8 ; 32), et non pas la liberté de dire n’importe quoi qui rend vrai quelque chose.
Il en va de même pour la démocratie : celle-ci n’est pas un principe moral ultime qui suffirait à produire automatiquement un ordre social juste, rationnel et équilibré, comme le démontre le pape Saint Pie X dans Notre charge apostolique.
Or, les idéologies qui dominent en Occident depuis le siècle des Lumières ont répandu dans l’esprit du peuple cette grave erreur que de considérer la liberté et la démocratie comme des principes moraux absolus.
Or, si la liberté et la démocratie sont des principes absolus, les notions de bien et de mal, de vrai et de faux, de légitime et d’illégitime, deviennent des notions secondaires, subjectives, soumises aux jugements nécessairement aléatoires de la démocratie parlementaire, lesquels changent d’une législature à l’autre, sans aucun souci de continuité ou de cohérence.
Un tel système politique est profondément inefficace, puisque les rivalités partisanes qui découlent du jeu démocratique, rendent impossible de développer sereinement un projet de société sur le long terme.
Selon cette logique, si Macron a été élu démocratiquement, alors tout ce qu’il fait est légitime. Si telle législature a été élue démocratiquement, alors toutes les lois qu’elle vote sont bonnes et véridiques.
En réalité, c’est à peu près tout le contraire qui se passe. Quelques récentes décisions parlementaires ou présidentielles nous le prouvent (traité de Lisbonne, loi sur l’immigration, introduction de l’IVG dans la constitution, loi sur les retraites, etc).
Même les notions de patriotisme sont ainsi subverties. On va jusqu’à imposer, au nom des intérêts de la Nation, la soumission de la France à la superstructure européiste, à l’immigration de masse ou à la pseudo-écologie. Et tout ceci doit être vrai et bon, puisque ces politiques découlent du processus démocratique.
C’est ainsi que le « peuple souverain » participe, activement ou tacitement, à sa propre destruction.
La démocratie parlementaire, dans nos démocraties libérales, n’est malheureusement rien d’autre qu’une grande machine à diviser les Français entre eux. C’est ce que le général De Gaulle appelait « la démocrassouille ».
Si on y pense bien, la démocratie parlementaire de type libérale, c’est la réduction du politique à un pur économisme. C’est réduire des décisions qui engagent la nation entière, à de minables tractations obtenues dans le désordre par des idéologues et des opportunistes qui ne représentent que les intérêts de leur parti ou ceux de leurs commanditaires.
Nous venons d’ailleurs d’atteindre un extrême en la matière, comme nous l’avons vu lors des dernières élections législatives.
La démocratie n’a pas été inventée en 1789
Cependant, la démocratie, ou plus exactement la représentation parlementaire, n’est pas une mauvaise chose en elle-même (Léon XIII, Libertas).
D’ailleurs, contrairement aux mythes entretenus dans l’esprit des Français depuis deux siècles, nos anciens royaumes chrétiens n’étaient pas des sociétés purement et simplement régies par l’arbitraire du roi ou des seigneurs.
En fait, les rois médiévaux avaient relativement moins de pouvoir que les présidents de la 5e République, ce qui était d’ailleurs un problème. Et même la monarchie absolue du Grand Siècle (qui est le vrai modèle étatique de la France moderne, aujourd’hui encore), n’était pas si absolue que cela. Il y avait le parlement de Paris, il y avait les parlements des provinces (Bordeaux, Tours, Toulouse, conseil d’Alsace, etc), il y avait les états généraux, il y avait les corporations et bien sûr, il y avait l’Eglise, qui était le principal contre-pouvoir.
En bref, les systèmes de représentation ne sont pas apparus comme par magie avec la Révolution, de même que le principe de séparation/distinction des pouvoirs n’a pas été inventé par Montesquieu.
La philosophie d’Aristote (Politiques, IV, 14), puis celle de Saint Thomas d’Aquin, connaissaient déjà toutes ces choses. Cette distinction des trois pouvoirs (exécutif, juridique et législatif) se retrouve également dans la Sainte Bible, puisqu’on lit dans Isaïe 33 ; 22 : « Le Seigneur est notre juge, le Seigneur est notre législateur, le Seigneur est notre Roi ; c’est Lui qui nous sauvera« .
Le régime idéal, ce n’est pas la démocratie pure et simple, comme on veut le croire aujourd’hui, comme si elle était une valeur suprême et non pas un simple système politique.
D’ailleurs, dans les faits, les idéaux de démocratie et de liberté se heurtent sans cesse aux limitations de leur nature. Au final, il y a toujours un souverain identifié, une personne capable de prendre et d’imposer une décision. De même, comme on le voit en ce moment en Grande Bretagne, la liberté s’arrête là où commencent les intérêts politiques ou idéologiques du pays ou de la classe dirigeante. On peut observer ces mécanismes hiérarchiques dans toutes les strates de la société, à commencer par les partis politiques eux-mêmes, qui ne pourraient survivre autrement.
Faut-il pour autant renoncer totalement à la démocratie ou à la représentation électorale ? Pas du tout. Le problème institutionnel que nous avons en France, c’est nous avons absolutisé la démocratie et la liberté comme valeurs suprêmes alors qu’elles ne sont que des concepts secondaires, devant être guidés par des principes supérieurs et objectifs.
Saint Thomas d’Aquin enseigne que le régime idéal est un « mélange de monarchie, d’aristocratie et de démocratie » (Somme Théologique, Q. 105, Art. 1).
En des termes modernes, on pourrait dire que le régime idéal est un mélange de pouvoir exécutif fort incarné en un seul chef, de méritocratie fondée aussi bien sur les aptitudes intellectuelles que sur la probité morale et de représentation citoyenne permettant la participation de toutes les composantes de la société.
Un tel régime se rapproche bien davantage de notre ancienne monarchie chrétienne, que de nos républiques modernes.
Le point faible de la 5e République est le principe de sa constitution
La 5e République du Général de Gaulle conservait d’une certaine manière les principes thomistes de l’équilibre des pouvoirs : elle a été conçue pour être une monarchie présidentielle, administrée par de grands commis de l’Etat et tempérée par une politique de représentation à la fois plébiscitaire et décentralisée.
Dans ce cas, comment expliquer que cette République gaullienne ait si rapidement dégénéré pour devenir un régime de trahison permanente ? Comment expliquer que nous soyons passés du Grand Charles aux nabots de la Macronie, sans parler des autres ?
Nos amis souverainistes ne semblent pas capables d’apporter une réponse convenable à cette question.
Le défaut majeur de la 5e République (et des quatre autres) tient dans les principes constitutionnels qui sont les siens et qui sont ceux de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en particulier les articles 3, 4 et 6.
Or, cette constitution contient toutes les erreurs que nous avons dénoncé plus haut, à savoir faire du principe démocratique un principe absolu, plus important que toute vérité objective, que toute métaphysique, que toute loi éternelle et même, finalement, plus important que tout tout principe de souveraineté, puisque c’est précisément au moyen de cette démocratie qu’on a sabordé la souveraineté nationale.
Les mauvais principes de notre constitution
Le vrai problème de la France est un problème d’ordre métaphysique. Le vrai problème de la France actuelle, ce sont les faux principes qui la constituent.
Tant qu’on ne renoncera pas à ces principes, la condition de ce pays continuera à empirer, peu importe le régime politique, peu importe même, si d’aventure, un président à peu près soucieux d’ordre et de souveraineté venait à être élu, comme le fut jadis le Général de Gaulle.
S’il ne renonce pas à ces faux principes, rien ne garantit qu’il ne sera pas renversé demain par la concurrence démocratique et remplacé par un agent mondialiste, qui reprendra l’oeuvre de destruction du pays, sous couvert de progrès et d’ouverture, ou sous prétexte de restauration de l’ordre républicain.
Quand on y pense, ce système est profondément absurde. Toute personne équilibrée serait aujourd’hui scandalisée qu’on autorise, par exemple, un parti nazi à se présenter aux élections, et plus encore à siéger à l’Assemblée.
Pourtant, on trouve tout à fait normal que le jeu démocratique soit ouvert à des partis dont le programme vise explicitement au démantèlement de notre souveraineté, défend l’ouverture totale des frontières, réclame la régularisation de tous les clandestins, promeut le « droit » à assassiner la vie dans le ventre des mères, attaque les libertés économiques et détruit tous les principes de la justice sociale ?
N’est-il pas ahurissant qu’on autorise l’existence, et pire encore, l’exercice du pouvoir, à des partis dont l’idéologie vise objectivement à la destruction de toute cohésion sociale et de toute paix civile ? Dans un pays normal, des partis comme Renaissance, LFI ou EELV devraient tout simplement être dissous, ou du moins, devraient avoir interdiction de siéger dans la moindre de nos institutions.
Le problème n’est donc pas la démocratie elle-même, mais :
1. Les principes qui régissent cette démocratie
2. La qualité et la légitimité de la représentation démocratique
3. La place qu’occupe la démocratie au sein du régime politique
Il semble évident qu’une représentation démocratique qui n’est que le fruit d’affrontements entre des partis de notables, d’opportunistes et d’idéologues, n’est pas la plus légitime et la plus pertinente. Représente-t-elle vraiment les intérêts vitaux de la nation, ou représente-t-elle les intérêts politiques de leurs chefs, les intérêts économiques de leurs financiers et les intérêts idéologiques de leur clientèle ?
Pour qu’elle soit légitime, la démocratie doit être remise à sa place, c’est à dire dire considérée comme un organe représentatif, et non comme un principe suprême.
Pour qu’elle soit qualitative et opérante, c’est-à-dire vraiment représentative, cette démocratie, du moins à l’échelon national, doit représenter, non pas de médiocres intérêts politiciens, mais des intérêts concrets.
Quid de la représentation des mères de familles, des agriculteurs, des dirigeants de PME, des syndicalistes, des confessions religieuses, des étudiants, des artisans, des fonctionnaires, des start-ups innovantes, des salariés et des industriels ?
Il ne s’agit pas de créer des partis pour chaque branche de métiers ou chaque classe sociale. Il ne s’agit pas de dire que les corps intermédiaires ne sont pas intégrés dans le processus démocratique actuel, au moins à titre consultatif. Ils le sont, par exemple via les auditions en commission parlementaire.
Notons d’ailleurs que cette pratique, assez récente dans nos Républiques (à cause de la longue influence de la loi Le Chapelier), était chose naturelle dans l’ancien régime. Leur réintroduction dans la vie politique est en outre largement due à l’activisme des penseurs néo-thomistes du 20e siècle, notamment ceux réunis au sein du mouvement « La Fédération ».
Il s’agit simplement de dire que nos démocraties libérales modernes sont des régimes soumis au règne des partis. De tels régimes ont pour effet :
– d’exacerber la division entre les groupes de citoyens
– de rendre très improbable le vote de lois justes, en raison d’un consensus « démocratique » qui ne s’obtient que par la force, la ruse ou les calculs politiques
– de rendre l’Etat esclave d’une faction idéologiquement hostile aux intérêts de la nation, tout particulièrement lorsque cette faction dispose du soutien de puissances médiatiques ou économiques tirant profit de la division sociale et de la mise en esclavage de l’Etat
De tels risques peuvent être évités si la France se refonde sur la base d’une constitution qui respectera les vrais principes concernant l’origine et la nature du pouvoir public.
Pour une constitution chrétienne de l’ordre social
Comme dit l’adage classique, « une société est la fin qu’elle poursuit« . Quel est donc la fin (le but) que notre société souhaite atteindre ? Est-ce simplement « la démocratie et la liberté », définies comme principes absolus ?
Si tel est notre seul idéal, nous l’avons déjà atteint et nous voyons à quel point il ne procure pas les biens promis.
Laissées nues, comme valeurs absolues, sans principe de subsidiarité, sans protections morales supérieures, démocratie et liberté ne sont que les prostituées de l’oligarchie et les esclaves de l’erreur.
La fin de la société n’est donc pas la démocratie ou la liberté selon la définition moderne, mais le bien commun. Ce bien commun n’est pas un simple bien utilitaire, mais un bien spirituel, partagé par tous sans qu’il puisse être diminué en nature par ce partage.
L’homme, dans son état naturel, ne peut parfaitement comprendre sa fin ultime, ni ne peut obtenir et conserver entières les vertus qu’il connait par la raison, sans l’aide de la Révélation.
Il en va de même pour les sociétés humaines. Notre société va dans le mur, parce qu’elle en sait plus où elle va.
La priorité absolue dans l’ordre politique en France, est donc d’établir une nouvelle constitution, fondée sur des principes immortels, objectivement vrais et inaltérables.
De tels principes ne peuvent se trouver ailleurs que dans la loi divine et naturelle. Incidemment, ce sont précisément ces principes qui sont absents de notre constitution actuelle.
Restaurer ces principes chrétiens permettra mécaniquement d’assainir nos institutions, en rendant constitutionnellement impossible, ou du moins extrêmement difficile, l’accès au pouvoir à tout individu dont les propositions ou les décisions vont manifestement à l’encontre du bien commun.
Guillaume Von Hazel