[Modestie] L’essence de la modestie chrétienne traditionnelle

Depuis 2016, Fide Catholica s’est fait connaitre en partie pour nos études sur les questions relatives à la mode vestimentaire chrétienne, en particulier sur les questions concernant le voile chrétien porté par des femmes laïques en société. Ces articles ont largement contribué à nous faire connaitre, suscitant inévitablement les critiques des uns, mais aussi les éloges des autres, femmes et hommes. Nous affirmons en effet sans aucun complexe militer pour le port du voile par les femmes chrétiennes qui le désirent, et nous avons les plus augustes pères et docteurs de l’Eglise pour nous appuyer, sans compter bien sur la première épitre aux Corinthiens, qui est l’une des sources majeures en ce qui concerne la pratique de la modestie vestimentaire et comportementale chrétienne. Si nos articles ont été parfois incompris par nos contemporains, c’est que beaucoup d’européens ont subi un choc anthropologique inouï au cours des trois derniers siècles, un choc qui est devenu décisif tout particulièrement au cours du 20e siècle. Cette révolution anthropologique fut rendue possible par plusieurs étapes : révolution politique, révolution sociale, révolution morale et enfin, révolution spirituelle. On nous a parfois qualifiés de « talibans », d’intégristes semblables aux mahométans, on nous a parfois affirmé gravement que jamais le voile n’avait fait partie de la culture vestimentaire européenne. Le fait que ces affirmations soient celles de « patriotes » et de prétendus « identitaires », fait froid dans le dos. La chose devient encore plus pénible lorsque les critiques émanent même de catholiques pourtant réputés traditionalistes.

Cruelle rétribution de nos travaux, puisqu’en réalité, leur nature était triple : spirituelle, morale et identitaire. L’amnésie et l’inversion identitaire est telle, dans la masse de la population contemporaine, que la notion même d’identité est diluée dans le fracas de la compétition individualiste et dans le brouillard infernal du relativisme généralisé. Nous avons donc prouvé qu’en réalité, le voile chrétien était un attribut identitaire et culturel typiquement européen et pluriséculaire. Plurimillénaire même, s’il faut inclure nos ancêtres en religion de l’Ancien Israël.

Nos travaux sur l’histoire et sur l’esthétique de la modestie chrétienne se veulent résolument rétifs à toute forme d’essentialisme, de romantisme ou de nostalgisme. C’est bien dans le présent, dans l’action militante immédiate, que nous nous situons. Ce qui nous intéresse, c’est d’aller à l’essence des choses en la matière, et donc d’éviter tout essentialisme, ou pire, tout fétichisme. Or, l’essentialisme, le fétichisme, au final, l’obsession, sont précisément les maladies qui frappent les esprits manquant de mesure et de discernement.

C’est pourquoi, si, à la suite des pères et des théologiens, nous fondons nos études sur les enseignements du bienheureux apôtre Paul dans la lettre aux Corinthiens, nous devons également toujours méditer sur cet enseignement de l’épitre à Tite :

Tout est pur pour ceux qui sont purs; mais pour ceux qui sont souillés et incrédules rien n’est pur; au contraire, leur esprit est souillé, ainsi que leur conscience. Ils font profession de connaitre Dieu, et ils le renient par leurs actes, abominables qu’ils sont, rebelles et incapables de toute bonne œuvre. – Tite 1 ; 15-16

La modestie extérieure est une chose importante, mais elle ne vaut pas grand’chose si elle en correspond pas à la modestie intérieure, à laquelle elle doit être ordonnée.


Nostalgisme et romantisme dans les milieux tradis

Lorsque nous avons commencé à écrire sur les questions de mode et de modestie, nous nous sommes aperçus qu’il existait très peu de contenus sérieux et exhaustifs sur le sujet, en particulier dans le domaine de l’application pratique. Certes, régulièrement, les clercs catholiques de la tradition ne manquent jamais de prodiguer des rappels cruciaux sur ces matières. Il existait également quelques sites internet traditionalistes qui partageaient nos vues : nous pensons en particulier au site La Question, lequel avait également écrit en faveur du voile et en faveur d’une plus grande exigence en matière de choix vestimentaires au sein des communautés traditionalistes. Il existait également dès 2014 un autre site internet, nommé « La femme catholique », lequel cherchait, avec d’excellentes intentions, d’aller sur le terrain pratique, lequel faisait cruellement défaut dans l’espace francophone jusqu’à il y a peu. Chose surprenante, lorsque l’on compare l’activité autrement plus importante de nos frères américains sur ces questions.

Si La Question, La Femme Catholique ou encore le défunt blog « Bibliothèque de combat » militaient ardemment pour la modestie chrétienne traditionnelle, il restait un vide. Si les conseils spirituels basiques étaient pléthores, le manque de conseils pratiques dans le milieu perpétuaient un problème de taille ; à savoir que les exemples de tenues proposées, notamment aux femmes, consistaient essentiellement dans des accoutrements mondains et assez caricaturaux, typiques de la fin du 19e siècle ou des années 1950. Le problème, c’est que nous ne sommes pas dans « La petite maison dans la prairie », ni dans un roman d’Arsène Lupin.

Sur Fide Catholica, un certain nombre de jeunes femmes avaient positivement apprécié nos divers articles sur la mode chrétienne et notamment sur le voile. Beaucoup d’entre elles se mirent à nous envoyer des messages pour nous demander des conseils : où trouver tel ou tel vêtement, dans quelle boutique aller, connaissez-vous une marque pas trop cher, etc ? Nous étions bien en peine de répondre à ces questions pour une raison toute simple : en tant qu’hommes, nous n’imaginions pas être en mesure de prodiguer ce genre de conseils pratiques à des femmes.

Fort heureusement, depuis, un média catholique féminin et traditionaliste est apparu et a enfin rempli un vide devenu incongru et intolérable en France. Il s’agit de l’excellent site Femme à Part.

Il était temps, car le « ghetto tradi » n’est pas exempt de petits défauts. L’un de ses défauts, à notre avis, et qui se retrouve ici et là, est une forme de nostalgisme ou de romantisme qui s’ignore. Ce problème ne se pose pas spécifiquement dans le milieu catholique traditionaliste, mais plus généralement dans la droite royaliste ou nationaliste. Nous avions depuis longtemps observé une propension, chez certains, à vouloir imiter des modèles vestimentaires d’époques idéalisées, en particulier la fin du 19e siècle, jusqu’aux années 1950. Dans les chapelles et dans les communautés, cela se traduit chez les femmes, par des tenues du genre « chapeau cocktail à fleurs », et chez les hommes, par un dandysme parfois franchement exacerbé, qui confine jusqu’au maniérisme. Il ne s’agit pas de juger des intentions des uns et des autres. Nous sommes certains que dans l’immense majorité des cas, ces personnes n’ont que des bonnes intentions. Pour une raison ou une autres, elles se figurent simplement que la modestie chrétienne traditionnelle consiste en l’imitation brute de modèles esthétiques figés dans les décennies ayant précédé la révolution de Vatican 2.

Notre but n’est surement pas de critiquer ces personnes ou de leur faire changer leurs goûts ou leurs habitudes. Notre but ici sera, pour une fois, de nous essayer à quelques conseils pratiques pour les hommes et les femmes catholiques de notre génération, en particulier ceux qui souhaitent pouvoir atteindre l’essence simple de la modestie chrétienne telle que définie par le pape Pie XII et quantités d’autres théologiens.

Modestie, discrétion, praticité et élégance, tels sont à notre avis, les conditions essentielles de la sainte décence catholique traditionnelle, si chère au Pie XII.


L’essence de la mode chrétienne

Il y a-t-il une mode chrétienne ? La réponse est simple, mais la question est traitresse. La question devrait plutôt être, il y a-t-il une modestie chrétienne ? Oui, il y en a une. Le tout est d’en saisir l’essence, l’origine, la pratique et le but. Si nous critiquons certains réflexes nostalgistes ou romantiques, comme vu plus haut, c’est qu’il est aisé d’y voir parfois un risque d’essentialisation des pratiques vestimentaires : on se figure alors que s’habiller décemment, en tant que chrétien, ce serait forcément s’accoutrer comme un dandy de la belle époque ou comme une rombière des années 1950. Grave erreur.

Or, comme l’a enseigné le pape Pie XII, la modestie précède la mode La mode doit être fonction de la modestie, et non l’inverse. La modestie est l’essence de la pratique, la mode constitue la modalité de celle-ci. Mais la mode, au sens généralement accepté de nos jours, change en permanence, d’une décennie ou d’une saison à l’autre. Il y a donc un risque de faire l’erreur d’essentialiser les us d’une époque donné, au lieu de rechercher l’essence de la pratique. Ce risque est particulièrement délétère lorsqu’il s’agit d’imiter les modes du 19e et du 20e siècle. Ce n’est pas pour rien que l’Eglise s’est insurgée précisément à partir des années 1910 contre les « modes païennes » qui commençaient à devenir la norme sociétale en Occident. En termes d’histoire et de sociologie, on peut dire que l’Eglise s’était insurgée contre la seconde révolution sexuelle de l’ère contemporaine. Ce fut l’origine de la toute dernière croisade officiellement proclamée par le Saint Siège, la croisade de la pureté. Nous avons consacré un certain temps à en compiler les textes majeurs sur Fide Catholica. Dès le pontificat de Benoit XV, l’Eglise avait compris qu’un siècle après le temps de la révolution française, la société européenne était désormais soumise à de nouvelles étapes révolutionnaires, peut-être plus pernicieuses et plus difficiles à contrecarrer.

L’essor du cinéma, les chocs anthropologiques causés par la 1ere guerre mondiale, l’explosion de débauche qui suivit typiquement ce désastre continental au cours des « années folles », tout ceci poussa les papes, aidés d’une cohorte de cardinaux et d’évêques de fer, à lancer une offensive radicale contre le « nouveau paganisme » dans la société. Les problèmes politiques avec les états anticléricaux étaient une chose, mais l’influence délétère de la licence, du consumérisme et du divertissement vain, en était une autre. C’est ainsi que l’Eglise développa des actions catholiques et des ligues spécifiquement attachées à la lutte contre ce péril. Les ligues de la décence furent ainsi créées en France, en Allemagne et aux USA, afin de protéger les populations des productions cinématographiques impures. De même, de nombreuses associations professionnelles et/ou laïques furent constituées afin de faire de chaque catholique un soldat du Christ dans la société. Au milieu de ces sollicitudes, les questions vestimentaires préoccupaient l’Eglise au premier plan, tant l’esprit de licence était en train de conduire les peuples européens d’une révolution sexuelle à une autre, pire encore.

Au final, il n’est pas anodin que le grand châtiment que fut la révolution de Vatican 2, se produisit au moment même de la terrible révolution des mœurs de mai 68. Le monde ingrat tournait le dos à l’Eglise au moment où il en aurait eu le plus besoin. De leur côté, des clercs félons et apostats trahirent l’Eglise pour s’abandonner aux « rudiments du monde », au moment où l’Eglise avait le plus besoin d’eux. Depuis lors, les ultimes bastions de la chrétienté politique en Europe, principalement l’Espagne du général Franco, furent contraints de s’effacer devant la folie de l’époque. Légalisation de l’avortement, culture matérialiste, culte du « sexe libre », féminisme, banalisation de l’impureté pornographique, éducation sexuelle dans les écoles, « mariage » homosexuelle, droit à l’adoption pour les paires d’invertis, théorie du genre, business et propagande transgenre, etc. Ces abominations n’auraient jamais été possibles sans la grande apostasie du 20e siècle.

Maintenant, pour revenir à la question des pratiques vestimentaires. Une démonstration suffira à distinguer le péril de l’essentialisme nostalgiste, de l’essence immuable de la décence chrétienne traditionnelle. Cette démonstration permettra également de prendre mieux la mesure de la révolution anthropologique qui a frappé nos contemporains, et qui nous as sans doute atteint nous aussi, catholiques.

L’erreur essentialiste consisterait à idéaliser une mode temporelle, fut elle en conformité avec la décence chrétienne minimale, et de vouloir la pérenniser ou la singer à tout prix. Pour montrer les limites de cet état d’esprit, il suffirait de prendre un couple d’individus en tenues fin 19e/1ere moitié du 20e siècle et de les transposer dans les temps médiévaux ou dans les temps de l’Eglise antique, ou même à la Renaissance. Il est évident que la femme des années 1950, avec son chapeau bobbé et sa jupe s’arrêtant à peine sous les genoux, serait objet de scandale. Peu de chrétiennes médiévales ou antiques, pourraient s’imaginer que cette femme soit sincèrement convaincue d’être dignement vêtue comme une chrétienne.

Peu probable que les modes de la première partie du 20e siècle eussent été positivement accueillies dans les temps évangéliques ou dans la Chrétienté médiévale. Par un curieux phénomène, ces modes sont toutefois considérées comme le comble de la modestie et du chic par certains « conservateurs » actuels.

A l’inverse, si l’on transposait quelque sainte femme des temps évangéliques, quelque chrétienne médiévale, ou même quelque chrétienne rurale du début du 20e siècle, dans notre époque actuelle, il faudrait craindre qu’elles soient à peine reconnues comme chrétiennes, voire comme européennes. Il est même probable, hélas, qu’elles soient prises pour des musulmanes, y compris par des catholiques. Le choc anthropologique est tel.

Maintenant, prenons une chrétienne rurale du début du 20e siècle, par exemple Jacintha, Lucie, la jeune Bernadette Soubirous ou encore l’une des fillettes présente lors de l’apparition de Pontmain, et transposons les au 15e siècle, ou au siècle de Saint Louis, ou même aux temps évangéliques, à Jérusalem même, auprès de la Sainte Vierge Marie. Nous pouvons être certains qu’hormis de très légers détails, leur accoutrement semblera tout à fait familier, sinon presque inaperçu, aux yeux des contemporains.

Il apparaît clairement qu’on retrouve exactement la même essence intemporelle entre la très sainte modestie de la Sainte Vierge, la tenue d’une chrétienne médiévale comme Sainte Elizabeth de Hongrie, les tenues de jeunes paysannes portugaises comme Lucie et Jacintha, ou encore ces femmes espagnoles des années 1930.

La raison en est simple : Ces saintes jeunes filles qui eurent le délice de s’entretenir avec la Sainte Mère de Dieu, observaient l’essence même de la décence chrétienne traditionnelle. Une longue jupe, une chemise, de beaux souliers simples, une mante, un petit chandail, un châle, un voile. Tout simplement.

La preuve est faite. Les modes passent, se règlent et de dérèglent, tandis que l’essence de la modestie chrétienne est intemporelle. La modestie chrétienne, évidemment, concerne aussi bien l’homme que la femme, de même que la modestie chrétienne se joue aussi bien au for interne qu’au for externe.

Nous traitons ici avant tout du for externe, puisque nous parlons de la modestie vestimentaire chrétienne. Et puisqu’il existe manifestement une tradition vestimentaire chrétienne essentielle, c’est bien celle-ci que nous devons suivre et adapter dans notre temps.

Passons à présent aux cas pratiques. Pour la première fois sur Fide Catholica, nous allons nous risquer à vous donner quelques conseils vestimentaires concrets.

Aussi bien pour les hommes, que pour les femmes.

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1 commentaire

  1. […] les milieux tradis/nations/royalistes, comme nous le disions dans un autre article, on trouve parfois encore une certaine tendance fâcheuse au dandysme, ou du moins, on se figure […]

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