« Allez à la ville chez untel et dites-lui : le Maître a dit : Mon temps est proche, je fais ma pâque chez vous avec mes disciples (Matt. 26) ». Jésus-Christ prend un repas pour la dernière fois avec ses disciples et met fin à l’ancienne pâque ; nous examinerons les préparatifs de la pâque nouvelle, son agneau, ses cérémonies.
1er Point – Celui qui répand ses richesses sur tous les hommes n’avait pas un lieu pour y célébrer la pâque. Sa pauvreté volontaire condamne notre abondance, le soin que nous avons de nos propres commodités et le désir des richesses qui nous tourmente. Il a voulu être pauvre, vous voulez être riche ; est-ce ainsi que vous suivez Jésus-Christ ? Ou vous êtes dans l’erreur, ou Il se trompe. Il n’ignorait pas qu’on Lui préparait une croix à Jérusalem, Il se hâte néanmoins d’y aller pour accomplir la Loi : Allez à la ville ; ni la mort qui Le menace, ni les larmes et la douleur immense de Sa Sainte Mère, ne sont capables de Le retarder lorsqu’elle Lui fait ses derniers adieux. Quel glaive perça alors l’âme du Fils et celle de la Mère ! Quoi ! Mon Fils, vous fuyez votre Mère, et vous vous jetez au milieu de Vos ennemis ? Je ne vous reverrai plus que suspendu à la croix et mourant au milieu des plus cruels supplices ? Mon Fils, qui me donnera de mourir pour vous ? Lui s’arrache aux embrassements de cette tendre Mère pour accomplir la volonté de Son Père. C’est ainsi qu’aucune violence n’est capable d’ébranler une âme forte et constante ; mais nous, le moindre prétexte nous détourne de l’observance de la Loi et de l’accomplissement de notre devoir, le moindre souffle nous effraie et nous arrête. « Celui qui dit à son père et à sa mère : Je ne vous connais pas, et à ses frères : Je ne sais pas qui vous êtes ; et ceux qui ignorent leurs enfants, gardent votre parole, Seigneur, et observent votre loi. » (Deut. 33)
Les disciples aussi s’empressent d’accomplir ce qu’exige la loi et cherchent les moyens de s’en acquitter : où voulez-Vous que nous Vous préparions la pâque ? (Matt. 26) A l’ instant ils accomplissent l’ordre : Le Seigneur envoya Pierre et Jean (Luc 22). L’un est le symbole de la Foi, l’autre de la charité ; la charité exécute avec constance et promptement par la foi ce qu’ordonne la loi. Celui qui croit et qui aime ne trouve rien de pénible, rien de difficile, rien d’impossible ; de là cette parole de Saint Augustin : Aimez et faites ce que vous voulez. Les commandements de Dieu ne sont pas pénibles ; s’ils vous paraissent durs et difficiles, c’est que vous ne croyez pas fermement, ou que vous n’aimez pas ardemment.
« Ils allèrent et trouvèrent ce qu’on leur avait dit : c’était un homme qui portait une cruche d’eau. L’ayant suivi, ce père de famille leur montra un cénacle vaste et tout préparé, et c’est là qu’ils disposèrent tout pour la pâque. » Cet homme ne fit point de difficulté ; il obéit à l’instant et reçut avec charité le Seigneur et ses disciples, quoique dans le fond il eut tout à craindre de la part des princes des prêtres. On ne saurait douter qu’il n’ait recu une récompense digne de son action. C’est ainsi que vous devez obéir aux saintes inspirations et aux ordres de vos supérieurs, sans jamais résister, ni réclamer. Combien de fois le Seigneur a voulu loger chez vous, et vous envoyant un messager, il vous a dit : Où est le lieu de mon repos ? Où est mon logement ? Dites-lui : « Fasse le Ciel que Vous veniez maintenant, Seigneur, et que Vous réjouissiez votre serviteur par votre visite céleste ! Je me lèverai, et j’ouvrirai à mon Bien-Aimé ; voilà que mon cœur est prêt : là vous vous nourrirez, là vous vou reposerez ; venez avec vos disciples, car il ne vous aime pas celui qui n’est pas disposé à recevoir son prochain (Marc 44 et Cant. 3) ».
2e Point – Le soir étant venu, Il s’asseyait avec ses disciples (Marc 14). Qui comprendra le sentiment avec lequel le Seigneur mange l’Agneau pascal, qui était une figure de Lui-même, puisque l’Ecriture l’appelle souvent du nom d’Agneau ? Dieu le Père choisit cette figure afin de nous donner dans la victime pascale un léger trait de l’innocence, de la douceur et de la puissance de Son Fils. Dieu le Père déclare en ces termes l’innocence de Son Fils et la pureté de Sa vie : « On prendra un agneau par famille ; mais l’Agneau sera sans tâche, il sera mâle, âgé d’un an, et la multitude l’immolera (Exode 12). » Jésus-Christ, se considérant Lui-même dans l’Agneau pascal comme devant être immolé, s’offre à Dieu son Père et emploi ces paroles : « Vous n’avez voulu ni hostie, ni sacrifice, mais Vous m’avez donné un corps : je viens, ô Mon Dieu, pour faire Votre volonté (Hébr. 10). » Il s’est offert parce qu’Il l’a voulu. Mais si le Fils innocent a courbé Sa tête sous le poids de la vengeance divine pour expier les péchés des hommes, l’esclave pécheur doit-il s’y soustraire ? Et le peut-il ? Je suis prêt à subir vos coups, Seigneur ; brulez et coupez ici-bas, pourvu que Vous m’épargniez pendant l’Eternité.
Qu’il y a-t-il de plus doux qu’un Agneau ? Quoi de plus innocent ? On le tond, il ne se fâche point ; on le blesse, il ne se venge point. Isaïe a prédit cette ressemblance de Jésus-Christ à un Agneau, et l’apôtre Saint Pierre en a tiré un bon parti en disant : Vous avez été racheté par le précieux Sang, comme de l’Agneau sans tache. « Lorsqu’on le maudissait, il ne maudissait point ; lorsqu’Il souffrait, Il ne menaçait pas (I Pierre 1 et 2) Il n’a même pas ouvert la bouche, semblable à une brebis qu’on mène au sacrifice, et comme un agneau en présence de celui qui le tond, il a gardé le silence (Isaïe 53) ». C’est cette douleur que le Seigneur nous propose surtout d’imiter : Apprenez de Moi que Je suis doux. Qu’il s’en faut que nous l’imitions, nous qui prenons feu pour la moindre injure ! Il est beau à nos yeux de repousser la force par la force, de nous emporter contre nos adversaires ; nous regardons comme une chose honteuse de céder à qui que ce soit et de souffrir quoi que ce soit. Mais la victime pascale était aussi une figure de L’Agneau qui domine sur toute la terre (Isaïe 16), c’est-à-dire de la vertu et de la puissance de Jésus-Christ, dont le sang a délivré de la mort éternelle, de la captivité de Satan, et nous a retirés de la puissance des ténèbres pour nous rendre à la lumière et à la liberté des enfants de Dieu ; Il nous a introduits de cette vallée de larmes à la céleste patrie : voilà ce qu’il vaut, voilà ce que vous Lui devez. Mais que vous servira le Sang de Jésus-Christ, s’Il n’arrose point votre cœur, y étant appliqué par l’union d’une douleur et d’une sincère contrition ?
3e Point – J’ai désiré avec beaucoup d’ardeur de manger cette pâque avec vous (Luc 22). Jésus désirait de répandre Son Sang ; c’est pour cela qu’Il désirait de célébrer cette dernière pâque avec Ses disciples, soit parce qu’elle précédait de près sa mort, soit parce que le cérémonial présageait Sa passion qui était très prochaine ; car ce cérémonial avait été préordonné et institué en vue de deux sacrifices, l’un sanglant et l’autre non sanglant. Il désire souffrir tous ces tourments pour vous, et vous, vous refusez de rien souffrir pour Lui. L’autre partie des cérémonies a rapport au sacrifice non sanglant, et contient la préparation nécessaire pour manger l’Agneau Pascal : Nous devons le manger non avec le pain de la malice, mais avec les azymes de la sincérité et de la vérité (I Cor. 5), c’est-à-dire sans être corrompus par le levain de nos vices, mais purs, innocents et soutenus par une vie nouvelle. Nous avons les reins ceints lorsque nous réprimons le vice de la chair par la continence, dit Saint Grégoire ; enfin nos pieds sont chaussés pour la préparation de l’Evangile lorsque, prompts et dégagés de tout, nous sommes prêts à suivre et à professer la doctrine de l’Evangile. Ainsi, la victime pascale des chrétien existe qu’ils soient purs, chastes dans leurs corps et fervents par l’esprit.
Père Johann Michael Kroust (1694-1772), Méditations sur les vérités de la Foi et de la Morale, tome 2, Editeur Girard et Josserand, Lyon, 1857.