Un homme de la secte des Macédoniens, raconte Sozomène, ayant entendu un jour un sermon de Jean [Chrysostome] où il avait expliqué ce qu’on est obligé de croire touchant la nature divine, embrassa son sentiment et exhorta sa femme à suivre son exemple. Cette femme était retenue captive dans sa religion par la force de la coutume et par les discours des autres femmes de sa connaissance ; de sorte que son mari, ne pouvant rien gagner de son esprit, lui dit un jour que, si elle ne voulait être de sa communion, elle n’aurait plus d’autre communication avec lui.
Elle lui promit de faire ce qu’il lui plairait, et ayant découvert son secret à une servante qu’elle tenait fort fidèle, elle se servit d’elle pour tromper son mari. Lorsque l’heure de participer aux sacrés mystères fut arrivée (les fidèles entendent assez ce que je veux dire), cette femme garda ce qu’on lui avait donné, et baissa la tête comme pour faire sa prière. La servante, qui était derrière elle, lui donna en cachette un morceau de pain qu’elle avait apporté… et la maîtresse l’ayant mis dans sa bouche, il devint dur comme une pierre.
Étonnée d’un miracle si peu attendu et appréhendant qu’il ne lui arrivât quelque chose de plus fâcheux, elle courut vers l’évêque [St Jean Chrysostome] toute trempée de ses larmes, lui montra la pierre qui était d’une couleur extraordinaire et qui avait retenu la marque de l’impression des dents, confessa sa faute, demanda pardon et demeura le reste de sa vie dans la religion de son mari.
Que si cette histoire paraît incroyable à quelques-uns, ils peuvent s’assurer de la vérité par l’inspection de la pierre qu’on garde encore aujourd’hui dans le trésor de l’église de Constantinople.
Père E. Martin, Saint Jean Chrysostome, ses œuvres et son siècle, tome 2, Paris, Lethielleux, 1860, p. 232