Soucieux du salut des brebis du Seigneur confiées à Notre garde par un dessein de la Providence, et poussé par les obligations de Notre charge pastorale, Nous déployons de constants efforts pour préserver tous les fidèles de ce troupeau des maux imminents qui menacent les corps aussi bien que les âmes.
- Assurément, la coutume détestable du duel introduite par le démon, en vue d’entraîner en même temps que la mort sanglante des corps la perte des âmes, a été condamnée en vertu d’un décret du Concile de Trente ; cependant, en de nombreuses villes et autres lieux, on ne cesse d’organiser des spectacles privés ou publics consistant en des courses de taureaux ou d’autres animaux sauvages destinées à faire exhibition de force et d’audace, courses qui occasionnent fréquemment des accidents mortels ou des mutilations, et sont un danger pour les âmes.
- Pour Nous donc, considérant que ces spectacles où taureaux et bêtes sauvages sont poursuivis dans l’arène ou sur la place publique sont contraires à la piété et à la charité chrétiennes, et désireux d’abolir ces sanglants et honteux spectacles dignes des démons et non des hommes et d’assurer avec l’aide divine, dans la mesure du possible, le salut des âmes: à tous et à chacun de princes chrétiens, revêtus de n’importe quelle dignité aussi bien ecclésiastique que profane, même impériale ou royale, quels que soient leurs titres ou quelles que soient la communauté ou république auxquelles ils appartiennent, Nous défendons et interdisons, en vertu de la présente constitution à jamais valable, sous peine d’excommunication ou d’anathème encourus ipso facto, de permettre qu’aient lieu dans leurs provinces, cités, terres, châteaux forts et localités, des spectacles de ce genre où l’on donne la chassa à des taureaux et à d’autres bêtes sauvages. Nous interdisons également aux soldats et aux autres personnes de se mesurer, à pied ou à cheval, dans ce genre de spectacle, avec les taureaux et les bêtes sauvages.
- Et si quelqu’un vient à y trouver la mort, que la sépulture ecclésiastique lui soit refusée.
- Nous interdisons également sous peine d’excommunication aux clercs, aussi bien réguliers que séculiers, pourvus de bénéfices ecclésiastiques ou engagés dans les Ordres sacrés, d’assister auxdits spectacles.
- Quant aux obligations, serments et vœux, sans exception, faits jusqu’à présent ou promis pour l’avenir par n’importe quelles personnes, par l’Université ou le collège, concernant ces sortes de chasses de taureaux, même lorsqu’elles ont lieu, par suite d’une fausse piété, en l’honneur des saints ou à l’occasion d’une solennité ou fête ecclésiastique quelconques – qu’il faut au contraire honorer et célébrer par des louanges, des réjouissances spirituelles et des œuvres pies et non par ce genre de spectacle – Nous les interdisons absolument, les cassons et les annulons et, suivant les cas, jugeons et proclamons à jamais qu’on doit les considérer comme nuls et non avenus.
- Nous ordonnons à tous les princes, comtes et barons feudataires de la sainte Église romaine, sous peine de privation de leurs fiefs qu’ils ont reçus de la sainte Église elle-même, et Nous exhortons dans le Seigneur les autres princes et seigneurs chrétiens et leur ordonnons en vertu de la sainte obéissance, par respect et pour l’honneur du saint Nom de Dieu, d’observer strictement toutes les choses prescrites ci-dessus, en leur promettant une magnifique récompense de Dieu en retour d’une si bonne œuvre.
- Nous ordonnons en outre à tous nos vénérables frères, patriarches, primats, archevêques et évêques, et aux autres Ordinaires des lieux, en vertu de la sainte obéissance, sous peine de jugement divin et de condamnation à l’éternelle malédiction, de publier suffisamment dans leurs villes et diocèses respectifs la présente lettre et de faire observer lesdites prescriptions également sous les peines et censures ecclésiastiques.
Pape Saint Pie V, De Salute Gregis, Bulle contre contre les corridas et courses de taureaux, 1er Novembre 1567
Source et commentaire : La Documentation catholique n° 753 (1933), col.1467-1468. Tiré du Bullarium privilegiorum ac diplomatum Romanorum Pontificum amplissima collectio, tome iv, partie 2, pp.1556-1557. Les dispositions canoniques énoncées par saint Pie V ne sont pas reprises par le Code de Droit canonique; elles sont donc abrogées. Mais les doctrines et les jugements moraux contenus dans cette bulle ont une valeur permanente.