Aux Archevêques et Évêques d’Italie.
Vénérables Frères, salut et Bénédiction Apostolique. Vous savez et vous voyez comme Nous, Vénérables Frères, par quelle perversité ont prévalu en ces derniers temps certains hommes perdus, ennemis de toute vérité, de toute justice, de toute honnêteté, qui, soit par fraude et par des artifices de toute espèce, soit ouvertement, et jetant, comme une mer en furie son écume, la lie de leurs confusions, s’efforcent de répandre de toutes parts, parmi les peuples fidèles de l’Italie, la licence effrénée de la pensée, de la parole, de tout acte audacieux et impie, pour ruiner dans l’Italie même la religion catholique, et, si cela pouvait jamais être, pour la renverser jusque dans ses fondements. Tout le plan de leur dessein diabolique s’est révélé en divers lieux, mais surtout dans la Ville bien-aimée, siège de notre Pontificat suprême, où, après Nous avoir contraint de la quitter, ils ont pu se livrer plus librement pendant quelques mois à toutes leurs fureurs. Là, dans un affreux et sacrilège mélange des choses divines et des choses humaines, leur rage monta à ce point que, méprisant l’autorité de l’illustre clergé de Rome et des prélats qui, par notre ordre, demeuraient intrépides à sa tête, ils ne les laissèrent pas même continuer en paix l’œuvre sacrée du saint ministère, et que, sans pitié pour de pauvres malades en proie aux angoisses de la mort, ils éloignaient d’eux tous les secours de la religion et les contraignaient de rendre le dernier soupir entre les bras des prostituées.
Bien que depuis lors la ville de Rome et les autres provinces du domaine pontifical aient été, grâce à la miséricorde de Dieu, rendues, par les armes des nations catholiques, à notre gouvernement temporel ; bien que les guerres et les désordres qui en sont la suite aient également cessé dans les autres contrées de l’Italie, ces ennemis infâmes de Dieu et des hommes n’ont pas cessé et ne cessent pas leur travail de destruction ; ils ne peuvent plus employer la force ouverte, mais ils ont recours à d’autres moyens, les uns cachés sous des apparences frauduleuses, les autres visibles à tous les yeux. Au milieu de si grandes difficultés, portant la charge suprême de tout le troupeau du Seigneur, et rempli de la plus vive affliction à la vue des périls auxquels sont particulièrement exposées les Églises de l’Italie, c’est pour notre infirmité, au sein des douleurs, une grande consolation, Vénérables Frères, que le zèle pastoral dont, au plus fort même de la tempête qui vient de passer, vous Nous avez donné tant de preuves, et qui se manifeste chaque jour encore par des témoignages de plus en plus éclatants. Cependant la gravité des circonstances Nous presse d’exciter plus vivement encore, de notre parole et de nos exhortations, selon le devoir de notre charge apostolique, Votre Fraternité, appelée au partage de nos sollicitudes, à combattre avec Nous et dans l’unité les combats du Seigneur, à préparer et à prendre d’un seul cœur toutes les mesures par lesquelles, avec la bénédiction de Dieu, sera réparé le mal déjà fait en Italie à notre religion très sainte, et seront prévenus et repoussés les périls dont un avenir prochain la menace. Entre les fraudes sans nombre que les susdits ennemis de l’Église ont coutume de mettre en œuvre pour rendre odieuse aux Italiens la foi catholique, l’une des plus perfides est cette opinion, qu’ils ne rougissent pas d’affirmer et de répandre partout à grand bruit, que la religion catholique est un obstacle à la gloire, à la grandeur, à la prospérité de la nation italienne, et que, par conséquent, pour rendre à l’Italie la splendeur des anciens temps, c’est-à-dire des temps païens, il faut mettre à la place de la religion catholique, insinuer, propager, constituer les enseignements des protestants, et leurs conventicules. On ne sait ce qui en de telles affirmations est le plus détestable, la perfidie de l’impiété furieuse ou l’impudence du mensonge éhonté. Le bien spirituel par lequel, soustraits à la puissance des ténèbres, nous sommes transportés dans la lumière de Dieu, par lequel la grâce nous justifiant, nous sommes faits les héritiers du Christ dans l’espérance de la vie éternelle, ce bien des âmes, émanant de la sainteté de la religion catholique, est certes d’un tel prix qu’auprès de ce bien toute gloire et tout bonheur de ce monde doivent être regardés comme un pur néant : « Que sert à un homme de gagner l’univers entier, s’il vient à perdre son âme ? Et qu’est-ce que l’homme donnera en échange de son âme ? » Mais bien loin que la profession de la vraie foi ait causé à la race italienne, les dommages temporels dont on parle, c’est à la religion catholique qu’elle doit de n’être pas tombée, à la chute de l’empire romain, dans la même ruine que les peuples de l’Assyrie, de la Chaldée, de la Médie, de la Perse, de la Macédoine. Aucun homme instruit n’ignore en effet que non seulement la très sainte religion du Christ a arraché l’Italie des ténèbres de tant et de si grandes erreurs qui la couvraient tout entière, mais encore qu’au milieu des ruines de l’antique empire et des invasions des Barbares ravageant toute l’Europe, elle l’a élevée dans la gloire et la grandeur au-dessus de toutes les nations du monde, de sorte que, par un bienfait singulier de Dieu, possédant dans son sein la Chaire sacrée de Pierre, l’Italie a eu par la religion divine un empire plus solide et plus étendu que son antique domination terrestre.
Ce privilège singulier de posséder le Siège Apostolique, et de voir par cela même la religion catholique jeter dans les peuples de l’Italie de plus fortes racines, a été pour elle la source d’autres bienfaits insignes et sans nombre ; car la très sainte religion du Christ, maîtresse de la véritable sagesse, protectrice vengeresse de l’humanité, mère féconde de toutes les vertus, détourna l’âme des Italiens de cette soif funeste de gloire qui avait entraîné leurs ancêtres à faire perpétuellement la guerre, à tenir les peuples étrangers dans l’oppression, à réduire, selon le droit de la guerre alors en vigueur, une immense quantité d’hommes à la plus dure servitude ; et en même temps illuminant les Italiens des clartés de la vérité catholique, elle les porta par une impulsion puissante à la pratique de la justice, de la miséricorde, aux œuvres les plus éclatantes de piété envers Dieu et de bienfaisance envers les hommes. De là, dans les principales villes de l’Italie, tant de saintes basiliques et autres monuments des âges chrétiens, lesquels n’ont pas été l’œuvre douloureuse d’une multitude réduite en esclavage, mais qui ont été librement élevés par le zèle d’une charité vivifiante ; à quoi il faut ajouter les pieuses institutions de tout genre consacrées, soit aux exercices de la vie religieuse, soit à l’éducation de la jeunesse, aux lettres, aux arts, à la sainte culture des sciences, soit enfin au soulagement des malades et des indigents. Telle est donc cette religion divine, qui embrasse sous tant de titres divers le salut, la gloire et le bonheur de l’Italie, cette religion que l’on voudrait faire rejeter par les peuples de l’Italie. Nous ne pouvons retenir nos larmes, Vénérables Frères, en voyant qu’il se trouve, à cette heure, quelques Italiens assez pervers, assez livrés à de misérables illusions pour ne pas craindre d’applaudir aux doctrines dépravées des impies, et de conspirer avec eux la perte de l’Italie. Mais vous n’ignorez pas, Vénérables Frères, que les principaux auteurs de cette détestable machination ont pour but de pousser les peuples, agités par tout vent de perverses doctrines, au bouleversement de tout ordre dans les choses humaines, et de les livrer aux criminels systèmes du nouveau Socialisme et du Communisme. Or, ces hommes savent et voient, par la longue expérience de beaucoup de siècles, qu’ils ne doivent espérer aucun assentiment de l’Église catholique, qui, dans la garde du dépôt de la Révélation divine, ne souffre jamais qu’il soit rien retranché aux vérités proposées de la foi ni qu’il y soit rien ajouté. Aussi ont-ils formé le dessein d’attirer les peuples italiens aux opinions et aux conventicules des protestants, dans lesquels, répètent-ils sans cesse afin de les séduire, on ne doit voir autre chose qu’une forme différente de la même vraie religion chrétienne, où l’on peut plaire à Dieu aussi bien que dans l’Église catholique. En attendant, ils savent très bien que rien ne peut être plus utile à leur cause impie que le premier principe des opinions protestantes, le principe de la libre interprétation des saintes Écritures par le jugement particulier de chacun. Ils ont la confiance qu’il leur deviendra plus facile, après avoir abusé d’abord de l’interprétation en mauvais sens des Lettres sacrées pour répandre leurs erreurs, comme au nom de Dieu, de pousser ensuite les hommes, enflés de l’orgueilleuse licence de juger des choses divines, à révoquer eu doute même les principes communs du juste et de l’injuste.
Puisse l’Italie, Vénérables Frères, puisse l’Italie, où les autres nations ont coutume de puiser les eaux pures de la saine doctrine, parce que le Siège apostolique a été établi à Rome, ne pas devenir pour elles désormais une pierre d’achoppement et de scandale ! Puisse cette portion chérie de la vigne du Seigneur ne pas être livrée en proie aux bêtes ! Puissent les peuples italiens, ayant bu la démence à la coupe empoisonnée de Babylone, ne jamais prendre des armes parricides contre l’Église Mère ! Quant à Nous et quant à vous, que Dieu dans son jugement secret a réservés pour ces temps de si grand danger, gardons-nous de craindre les ruses et les attaques de ces hommes qui conspirent contre la foi de l’Italie, comme si nous avions à les vaincre par nos propres forces, lorsque le Christ est notre conseil et notre force, le Christ, sans qui nous ne pouvons rien, mais par qui nous pouvons tout (Ex. S. Leone Magno, Epist. ad Rusticum Narbonensem). Agissez donc, Vénérables Frères, veillez avec plus d’attention encore sur le troupeau qui vous est confié, et faites tous vos efforts pour le défendre des embûches et des attaques des loups ravisseurs. Communiquez-vous mutuellement vos desseins, continuez, comme vous avez déjà commencé, d’avoir des réunions entre vous, afin qu’après avoir découvert, par une commune investigation, l’origine de nos maux, et, selon la diversité des lieux, les sources principales des dangers, vous puissiez y trouver, sous l’autorité et la conduite du Saint-Siège, les remèdes les plus prompts, et qu’ainsi, d’un accord unanime avec Nous, vous appliquiez, avec l’aide de Dieu et avec toute la vigueur du zèle pastoral, vos soins et vos travaux à rendre vains tous les efforts, tous les artifices, toutes les embûches et toutes les machinations des ennemis de l’Église. Pour y parvenir, il faut prendre une peine continuelle, de peur que le peuple, trop peu instruit de la doctrine chrétienne et de la loi du Seigneur, hébété par la longue licence des vices, ne distingue qu’à peine les embûches qu’on lui tend et la méchanceté des erreurs qu’on lui propose. Nous demandons avec instance de votre sollicitude pastorale, Vénérables Frères, de ne jamais cesser d’appliquer tous vos soins à ce que les fidèles qui vous sont confiés soient instruits, suivant l’intelligence de chacun, des très saints dogmes et des préceptes de notre religion, et qu’ils soient en même temps avertis et excités par tous les moyens à y conformer leur vie et leurs mœurs. Enflammez pour cette fin le zèle des ecclésiastiques, surtout de ceux qui ont charge d’âmes, afin que, méditant profondément sur le ministère qu’ils ont reçu dans le Seigneur et ayant devant les yeux les prescriptions du Concile de Trente (Sess. V, cap. 2 Sess. XXIV, cap. 4 et 7 de Ref.), ils se livrent avec la plus grande activité, selon que l’exige la nécessité des temps, à l’instruction du peuple, et s’appliquent à graver dans tous les cœurs les paroles sacrées, les avis de salut, leur faisant connaître dans des discours brefs et simples, les vices qu’ils doivent fuir pour éviter la peine éternelle, les vertus qu’ils doivent rechercher pour obtenir la gloire céleste.
Il faut veiller spécialement à ce que les fidèles eux-mêmes aient profondément gravé dans l’esprit le dogme de notre très sainte religion sur la nécessité de la foi catholique pour obtenir le salut (Hoc dogma a Christo acceptum, et inculcatum a Patribus atque a Conciliis, habetur etiam in formulis Professionis Fidei, tum in ea scilicet quæ apud Latinos, tum in ea quæ apud Græcos, tum in alia quæ apud ceteros Orientales catholicos in usu est). Pour cette fin, il sera souverainement utile que, dans les prières publiques, les fidèles, unis au clergé, rendent de temps en temps de particulières actions de grâces à Dieu pour l’inestimable bienfait de la religion catholique, qu’ils tiennent tous de sa bonté infinie, et qu’ils demandent humblement au Père des miséricordes, de daigner protéger et conserver intacte dans nos contrées la profession de cette même religion. Cependant vous aurez spécialement soin d’administrer à tous les fidèles, dans le temps convenable, le sacrement de Confirmation, qui, par un souverain bienfait de Dieu, donne la force d’une grâce particulière pour confesser avec constance la foi catholique, même dans les plus graves périls. Vous n’ignorez pas non plus qu’il est utile, pour la même fin, que les fidèles, purifiés des souillures de leurs péchés expiés par une sincère détestation et par le sacrement de Pénitence, reçoivent fréquemment avec dévotion la très sainte Eucharistie, qui est la nourriture spirituelle des âmes, l’antidote qui nous délivre des fautes quotidiennes et nous préserve des péchés mortels, le symbole de ce seul corps dont le Christ est la tête, et auquel il a voulu que nous fussions attachés par le lien si fort de la foi, de l’espérance et de la charité, afin que nous soyons tous ce seul corps, et qu’il n’y ait pas de schismes parmi nous (Ex Trid. Sess. XIII. Dec de SS. Euchar. Sacramento, cap. 2). Nous ne doutons pas que les curés, leurs vicaires et les autres prêtres qui dans certains jours, et surtout au temps du jeûne, se livrent au ministère de la prédication, ne s’empressent de vous prêter leur concours en toutes ces choses. Cependant, il faut de temps en temps appuyer leurs soins par les secours extraordinaires des exercices spirituels et des saintes missions, qui, lorsqu’elles sont confiées à des hommes capables, sont, avec la bénédiction de Dieu, très utiles pour réchauffer la piété des bons, exciter à une salutaire pénitence les pécheurs et les hommes dépravés par une longue habitude des vices, faire croître le peuple fidèle dans la science de Dieu, lui faire produire toute sorte de biens, et, le munissant des secours abondants de la grâce céleste, lui inspirer une invincible horreur pour les doctrines perverses des ennemis de l’Église.
Du reste, en toutes ces choses, vos soins et ceux des prêtres vos coopérateurs tendront particulièrement à faire concevoir aux fidèles la plus grande horreur pour ces crimes qui se commettent au grand scandale du prochain. Car vous savez combien, en divers lieux, a grandi le nombre de ceux qui osent publiquement blasphémer les saints du ciel et même le très saint nom de Dieu, ou qui sont connus comme vivant dans le concubinage et y joignant parfois l’inceste, ou qui, les jours fériés, se livrent à des œuvres serviles, leurs boutiques ouvertes, ou qui, en présence de plusieurs, méprisent les préceptes du jeûne et de l’abstinence, ou qui ne rougissent pas de commettre de la même manière d’autres crimes divers. Qu’à la voix de votre zèle le peuple fidèle se représente et considère sérieusement l’énorme gravité des péchés de cette espèce, et les peines très-sévères dont seront punis leurs auteurs, tant pour la criminalité propre de chaque faute que pour le danger spirituel qu’ils ont fait courir à leurs frères par la contagion de leur mauvais exemple. Car il est écrit : Malheur au monde à cause de ses scandales… Malheur à celui par qui le scandale arrive !(Matthæi, XVIII, 7) Parmi les divers genres de pièges par lesquels les plus subtils ennemis de l’Église et de la société humaine s’efforcent de prendre les peuples, un des principaux est assurément celui qu’ils avaient préparé déjà depuis longtemps dans leurs criminels desseins, et qu’ils ont trouvé dans l’usage dépravé du nouvel art de la librairie. Ils s’y donnent tout entiers, de sorte qu’ils ne passent pas un jour sans multiplier, sans jeter dans les populations des libelles impies, des journaux, des feuilles détachées, pleins de mensonges, de calomnies, de séductions. Bien plus, usant du secours des Sociétés Bibliques, qui, depuis longtemps déjà, ont été condamnées par le Saint-Siège (Extant ea super re, præter alia præcedentia decreta, Encyclicæ litteræ Gregorii XVI, datæ postridie Nonas maii MDCCCXLIV, quæ incipiunt : Inter præcipuas machinationes, cujus sanctiones Nos quoque inculcavimus in Encyc. Ep. data 9 novemb. 1846.), ils ne rougissent pas de répandre de saintes Bibles, traduites sans qu’on ait pris soin de se conformer aux règles de l’Église (Vid. Reg. 4 ex iis quæ a Patribus in Conc. Trid. delectis conscriptæ et a Pio IV approbatæ fuerunt in Const. Dominici gregis, 24 mart. 1564, et additionem eidem factam a Congr. Indicis, auctoritate Ben. XIV, 17 jun. 1757 (quæ omnia præmitti solent Indici libr. prohib.)), en langue vulgaire, profondément altérées et rendues en un mauvais sens avec une audace inouïe, et, sous un faux prétexte de religion, d’en recommander la lecture au peuple fidèle. Vous comprenez parfaitement dans votre sagesse, Vénérables Frères, avec quelle vigilance et quelle sollicitude vous devez travailler pour que les fidèles fuient avec horreur cette lecture empoisonnée et se souviennent, pour ce qui est nommément des divines Écritures, qu’aucun homme, appuyé sur sa propre prudence, ne peut s’arroger le droit et avoir la présomption de les interpréter autrement que ne les a interprétées et que ne les interprète la sainte Église notre Mère à qui seule Notre-Seigneur le Christ a confié le dépôt de la Foi, le jugement sur le vrai sens et l’interprétation des Livres divins (Vid. Tridentini sess. IV in Decret. de Editione et usu sacrorum Librorum).
Il sera très utile, Vénérables Frères, pour arrêter la contagion des mauvais livres, que des livres de même grosseur, écrits par des hommes de science distinguée et saine, et préalablement approuvés par vous, soient publiés pour l’édification de la Foi et la salutaire éducation du peuple. Vous aurez soin que ces mêmes livres, et d’autres livres de doctrine également pure, composés par d’autres hommes, selon que le demanderont les lieux et les personnes, soient répandus parmi les fidèles. Tous ceux qui coopèrent avec vous dans la défense de la Foi auront spécialement en vue de faire pénétrer, d’affermir, de graver profondément dans l’esprit de vos fidèles la piété, la vénération et le respect envers ce Siège suprême de Pierre, sentiments par lesquels vous vous distinguez éminemment, Vénérables Frères. Que les peuples fidèles se souviennent qu’ici vit et préside, en la personne de ses successeurs, Pierre, le Prince des apôtres (Ex actis Ephesini Concilii, Act. III, et S. Petri Chrysologi Epist. ad Eutychen.), dont la dignité n’est pas séparée de son héritier indigne (Leo M. Serm. in anniv. Assumpt. suæ). Qu’ils se souviennent que Jésus-Christ Notre-Seigneur a placé sur cette Chaire de Pierre l’inexpugnable fondement de son Église (Matth. XVI, 18), et qu’à Pierre il a donné les clefs du royaume des Cieux (Ibid. v. 19), et que pour cela il a prié, afin que la foi de Pierre ne faillît jamais, et ordonné à Pierre de confirmer ses frères dans cette foi (Lucæ, XXVII, 31, 32) ; de sorte que le successeur de Pierre, le Pontife Romain, tenant la Primauté dans tout l’univers, est le vrai Vicaire de Jésus-Christ, le Chef de toute l’Église, le Père et le Docteur de tous les chrétiens (Ex Concilio œcumenico Florentino in Def. Seu Decr. Unionis). C’est dans le maintien de cette union commune des peuples, dans l’obéissance au Pontife Romain, que se trouve le moyen le plus court et le plus direct pour les conserver dans la profession de la vérité catholique. En effet, on ne peut se révolter contre la foi catholique sans rejeter en même temps l’autorité de l’Église romaine, en qui réside le magistère irréformable de la Foi, fondé par le divin Rédempteur, et en qui conséquemment a toujours été conservée la tradition qui vient des Apôtres. De là vient que les hérétiques anciens et les protestants modernes, si divisés dans le reste de leurs opinions, se sont toujours entendus pour attaquer l’autorité du Siège Apostolique, qu’ils n’ont pu, en aucun temps, par aucun artifice, par aucune machination, amener à tolérer même une seule de leurs erreurs. Aussi, les ennemis actuels de Dieu et de la société humaine n’omettent rien pour arracher les peuples italiens à notre obéissance et à l’obéissance du Saint-Siège persuadés qu’alors il leur sera possible de parvenir à souiller l’Italie de l’impiété de leur doctrine et de la peste de leurs nouveaux systèmes.
Quant à cette doctrine de dépravation et à ces systèmes, tout le monde sait déjà qu’ils ont pour but principal de répandre dans le peuple, en abusant des mots de liberté et d’égalité, les pernicieuses inventions du Communisme et du Socialisme. Il est constant que les chefs soit du Communisme, soit du Socialisme, bien qu’agissant par des méthodes et des moyens différents, ont pour but commun de tenir en agitation continuelle et d’habituer peu à peu à des actes plus criminels encore les ouvriers et les hommes de condition inférieure, trompés par leur langage artificieux et séduits par la promesse d’un éclat de vie plus heureuse. Ils comptent se servir ensuite de leur secours pour attaquer le pouvoir de toute autorité supérieure, pour piller, dilapider, envahir les propriétés de l’Église d’abord, et ensuite celles de tous les autres particuliers ; pour violer enfin tous les droits divins et humains, amener la destruction du culte de Dieu et le bouleversement de tout ordre dans les sociétés civiles. Dans un si grand danger pour l’Italie, il est de votre devoir, Vénérables Frères, de déployer toutes les forces du zèle pastoral pour faire comprendre au peuple fidèle que, s’il se laisse entraîner à ces opinions et à ces systèmes pervers, ils le conduiront à son malheur temporel et à sa perte éternelle. Que les fidèles confiés à vos soins soient donc avertis qu’il est essentiel à la nature même de la société humaine que tous obéissent à l’autorité légitimement constituée dans cette société ; et que rien ne peut être changé dans les préceptes du Seigneur, qui sont énoncés dans les Lettres sacrées sur ce sujet. Car il est écrit : « Soyez soumis pour l’amour de Dieu à toutes sortes de personnes, soit au roi comme au souverain, soit aux gouverneurs comme à des hommes envoyés par lui pour punir les méchants et récompenser les bons : car la volonté de Dieu est que par votre bonne vie vous fermiez la bouche aux hommes ignorants et insensés ; libres, non pour vous servir de votre liberté comme d’un voile de malice, mais pour agir en serviteurs de Dieu. » (S. Petri, Epist. I, c. II, 13, seq.) Et encore : « Que toute âme soit soumise aux puissances supérieures, car il n’y a point de puissance qui ne soit de Dieu, et toutes les puissances qui sont de Dieu sont dans l’ordre. Celui donc qui résiste aux puissances résiste à l’ordre de Dieu, et ceux qui résistent attirent sur eux la condamnation. » (S. Pauli Epist. ad Romanos, XIII, I, seq.)
Qu’ils sachent encore que dans la condition des choses humaines il est naturel et invariable que, même entre ceux qui ne sont point dans une autorité plus élevée, les uns l’emportent sur les autres, soit par diverses qualités de l’esprit ou du corps, soit par les richesses ou d’autres biens extérieurs de cette sorte : et que jamais, sous aucun prétexte de liberté et d’égalité, il ne peut être licite d’envahir les biens ou les droits d’autrui, ou de les violer d’une façon quelconque. A ce sujet, les commandements divins, qui sont gravés çà et là dans les Livres saints, sont fort clairs et nous défendent formellement non seulement de nous emparer du bien d’autrui, mais même de le désirer. (Exodii, XX, 15, 17. – Deuteronomii V, 19, 21.) Que les pauvres, que les malheureux se rappellent surtout combien ils doivent à la religion catholique, qui garde vivante et intacte et qui prêche hautement la doctrine de Jésus-Christ, lequel a déclaré qu’il regarderait comme fait à sa personne le bien fait aux pauvres et aux malheureux. (Matthæi, XVIII, 15 ; XXV, 40, 45) Et il a annoncé d’avance à tous le compte particulier qu’il demandera, au jour du jugement, sur les œuvres de miséricorde, soit pour récompenser de la vie éternelle les fidèles qui auront accompli ces œuvres, soit pour punir de la peine du feu éternel ceux qui les auront négligées. (Matthæi XXV, 34, seq.) De cet avertissement du Christ Notre-Seigneur et des avis très sévères qu’il a donnés touchant l’usage des richesses et leurs dangers (Matthæi XIX 23, seq. – Lucæ VI, 4 ; XVIII, 22, seq. – Epist. Jacobi V, 1, seq.), avis conservés inviolablement dans l’Église catholique, il est résulté que la condition des pauvres et des malheureux est de beaucoup plus douce chez les nations catholiques que chez toutes les autres. Et les pauvres obtiendraient dans nos contrées des secours encore plus abondants si, au milieu des récentes commotions des affaires publiques, de nombreux établissements fondés par la piété de nos ancêtres pour les soulager n’avaient été détruits ou pillés. Au reste, que nos pauvres se souviennent, d’après l’enseignement de Jésus-Christ lui-même, qu’ils ne doivent point s’attrister de leur condition ; puisqu’en effet, dans la pauvreté, le chemin du salut leur est préparé plus facile, pourvu toutefois qu’ils supportent patiemment leur indigence, et qu’ils soient pauvres non seulement matériellement, mais encore en esprit. Car il dit : « Bienheureux les pauvres d’esprit, car le royaume des cieux est à eux. » (Matthæi, V, 3)
Que le peuple fidèle tout entier sache que les anciens rois des nations païennes et les chefs de leurs républiques ont abusé de leur pouvoir beaucoup plus gravement et beaucoup plus souvent, et que par là il reconnaisse qu’il est redevable aux bienfaits de notre très sainte religion si les princes des temps chrétiens, redoutant, à la voix de cette religion, le « jugement très sévère qui sera rendu sur ceux qui commandent », et le supplice éternel destiné aux pécheurs, supplice dans lequel « les puissants seront puissamment torturés », (Sapientiæ, VI, 6, 7) ont usé à l’égard des peuples, leurs sujets, d’un commandement plus clément et plus juste. Enfin, que les fidèles confiés à vos soins et aux nôtres reconnaissent que la vraie et parfaite liberté et égalité des hommes ont été mises sous la garde de la loi chrétienne, puisque le Dieu tout-puissant, qui a fait le « petit et le grand, » et qui « a un soin égal de tous, » (Sapientiæ, VI, 8) ne soustraira au jugement la personne de qui que ce soit (Ibidem.), et n’aura égard à aucune grandeur : il a fixé le jour où » « il jugera l’univers dans sa justice » (Actorum, XVII, 31) en Jésus-Christ, son Fils unique, « qui doit venir dans la gloire de son Père avec ses anges, et qui rendra alors à chacun selon ses œuvres. » (Matthæi, XVI, 27) Si les fidèles, méprisant les avis paternels de leurs pasteurs et les préceptes de la loi chrétienne que Nous venons de rappeler, se laissent tromper par les promoteurs des machinations du jour, s’ils consentent à conspirer avec eux dans les systèmes pervers du « Socialisme » et du « Communisme, » qu’ils sachent, et qu’ils considèrent sérieusement qu’ils amassent pour eux-mêmes auprès du divin Juge des trésors de vengeance au jour de la colère, et qu’en attendant il ne sortira de cette conspiration aucun avantage temporel pour le peuple, mais bien plutôt un accroissement de misères et de calamités. Car il n’est pas donné aux hommes d’établir de nouvelles sociétés et des communautés opposées à la condition naturelle des choses humaines ; et c’est pourquoi le résultat de pareilles conspirations, si elles s’étendaient en Italie, serait celui-ci : l’état actuel des choses publiques serait ébranlé et renversé de fond en comble par les luttes de citoyens contre citoyens, par des usurpations, par des meurtres ; puis quelques hommes, enrichis des dépouilles du grand nombre, saisiraient le souverain pouvoir au milieu de la ruine commune.
Pour détourner le peuple fidèle des embûches des impies, pour le maintenir dans la profession de la religion catholique et l’exciter aux œuvres de la vraie vertu, l’exemple et la vie de ceux qui se sont voués au sacré ministère a, vous le savez, une grande puissance. Mais, oh douleur ! Il s’est trouvé en Italie des ecclésiastiques, en petit nombre il est vrai, qui ont passé dans les rangs des ennemis de l’Église et ne les ont pas peu aidés à tromper les fidèles. Pour vous, Vénérables Frères, la chute de ces hommes a été un nouvel aiguillon qui vous a excités à veiller, avec un zèle de plus en plus actif, à maintenir la discipline du clergé. Et ici, voulant, selon notre devoir, prendre des mesures préservatrices pour l’avenir, Nous ne pouvons Nous empêcher de vous recommander de nouveau un point sur lequel Nous avons déjà insisté dans Notre première Lettre Encyclique aux Évêques de tout l’univers (Novembris 1846), et Nous vous rappelons de n’imposer jamais légèrement les mains à personne (1 ad Timoth., V, 22.) et d’apporter le soin le plus attentif dans le choix de la milice ecclésiastique. Il faut une longue recherche, une minutieuse investigation au sujet surtout de ceux qui désirent entrer dans les ordres sacrés ; il faut vous assurer qu’ils se recommandent par la science, par la gravité des mœurs et par le zèle du culte divin, de façon à étonner l’espoir certain que, semblables à des lampes ardentes dans la Maison du Seigneur, ils pourront par leur conduite et par leurs œuvres procurer à votre troupeau l’édification et l’utilité spirituelles.
L’Église de Dieu retire des monastères, lorsqu’ils sont bien conduits, une immense utilité et une grande gloire, et le clergé régulier vous porte à vous-mêmes, dans votre travail pour le salut des âmes, un secours précieux ; c’est pourquoi Nous vous demandons, Vénérables Frères, d’abord d’assurer, de Notre part, aux familles religieuses de chacun de vos diocèses, qu’au milieu de tant de douleurs Nous avons particulièrement ressenti les maux que plusieurs d’entre elles ont eu à souffrir dans ces derniers temps, et que la courageuse patience, la constance dans l’amour de la vertu et de leur Religion dont un grand nombre de religieux ont donné l’exemple, a été pour Nous une source de consolations d’autant plus vives qu’on en a vu d’autres, oubliant la sainteté de leur profession, au grand scandale des gens de bien, et remplissant d’amertume Notre cœur et le cœur de leurs frères, prévariquer honteusement. En second lieu, vous aurez soin d’exhorter en Notre nom les chefs de ces familles religieuses et, quand cela sera nécessaire, les supérieurs qui en sont les modérateurs, à ne rien négliger des devoirs de leur charge pour rendre la discipline régulière, là où elle s’est maintenue, de plus en plus vigoureuse et florissante, et pour la rétablir dans toute son intégrité et toute sa force là où elle aurait reçu quelque atteinte. Ces supérieurs rappelleront sans cesse, et par les avertissements, et par les représentations, et par les reproches aux religieux de leurs maisons qu’ils doivent sérieusement considérer par quels vœux ils se sont liés envers Dieu, s’appliquer à tenir ce qu’ils lui ont promis, garder inviolablement les règles de leur institut, et, portant dans leur corps la mortification de Jésus, s’abstenir de tout ce qui est incompatible avec leur vocation, se donner tout entiers aux œuvres qui entretiennent la charité envers Dieu et le prochain, et l’amour de la vertu parfaite. Que sur toutes choses les modérateurs de ces Ordres veillent à ce que l’entrée n’en soit ouverte à aucune personne qu’après un examen approfondi et scrupuleux de sa vie, de ses mœurs et de son caractère, et que personne n’y puisse être admis à la profession religieuse qu’après avoir donné, dans un noviciat fait selon les règles, des preuves d’une véritable vocation, de telle sorte qu’on puisse à bon droit présumer que le novice n’embrasse la vie religieuse que pour vivre uniquement en Dieu et travailler, selon la règle de son institut, à son salut et au salut du prochain. Sur ce point, Nous voulons et entendons que l’on observe tout ce qui a été statué et prescrit, pour le bien des familles religieuses, dans les décrets publiés le 25 janvier de l’année dernière par Notre congrégation sur l’état de réguliers, décrets revêtus de la sanction de Notre autorité apostolique.
Après vous avoir ainsi parlé du Clergé régulier, Nous tenons à recommander à votre fraternité l’instruction et l’éducation des clercs mineurs ; car l’Église ne peut guère espérer trouver de dignes ministres que parmi ceux qui, dès leur jeunesse et leur premier âge, ont été, suivant les règles prescrites, formés à ce ministère sacré. Continuez donc, Vénérables Frères, à user de toutes vos ressources, à faire tous vos efforts pour que les recrues de la milice sacrée soient autant que possible reçues dans les séminaires ecclésiastiques dès leurs plus jeunes ans, et pour que, rangées autour du Tabernacle du Seigneur, elles grandissent et croissent comme une plantation nouvelle dans l’innocence de la vie, la religion, la modestie, l’esprit ecclésiastique, apprenant en même temps, de maîtres choisis, dont la doctrine soit pleinement exempte de tout péril d’erreur, les lettres, les sciences élémentaires et les hautes sciences, mais surtout les lettres et les sciences sacrées.
Mais comme vous ne pourrez que difficilement compléter l’instruction de tous les clercs mineurs dans les séminaires ; comme d’ailleurs les jeunes gens de l’ordre laïque doivent assurément être aussi l’objet de votre sollicitude pastorale, veillez également, Vénérables Frères, sur toutes les autres écoles publiques et privées, et, autant qu’il est en vous, mettez vos soins, employez votre influence, faites vos efforts pour que dans ces écoles les études soient en tout conformes à la règle de la doctrine catholique, et pour que la jeunesse qui s’y trouve réunie, instruite dans les lettres, les arts et les sciences, n’ait que des maîtres irréprochables sous le rapport de la religion et des mœurs, qui, lui enseignant aussi la véritable vertu, la mettent en mesure de reconnaître les pièges tendus par les impies, d’éviter leurs funestes erreurs, et de servir utilement et avec éclat la société chrétienne et la société civile. C’est pourquoi vous revendiquerez la principale autorité, une autorité pleinement libre sur les professeurs des disciplines sacrées, et sur toutes les choses qui sont de la Religion ou qui y touchent de près. Veillez à ce qu’en rien ni pour rien, mais surtout en ce qui touche les choses de la Religion, on n’emploie dans les écoles que des livres exempts de tout soupçon d’erreur. Avertissez ceux qui ont charge d’âmes, d’être vos coopérateurs vigilants en tout ce qui concerne les écoles des enfants et du premier âge. Que les écoles ne soient confiées qu’à des maîtres et à des maîtresses d’une honnêteté éprouvée, et que pour enseigner les éléments de la foi chrétienne aux petits garçons et aux petites filles on ne se serve que de livres approuvés par le Saint-Siège. Sur ce point Nous ne pouvons douter que les Curés ne soient les premiers à donner l’exemple, et que, pressés par vos incessantes exhortations, ils ne s’appliquent chaque jour davantage à instruire les enfants des éléments de la doctrine chrétienne, se souvenant que c’est là un des devoirs les plus graves de la charge qui leur est confiée (Tridentinum, Sess. XXIV, c. 4. – Bened. XIV, Const. Etsi minime, 7 febr. 1742.). Vous devrez de même leur rappeler que dans leurs instructions soit aux enfants, soit au peuple, ils ne doivent jamais perdre de vue le Catéchisme romain publié, conformément au décret du Concile de Trente, par l’ordre de saint Pie V, notre prédécesseur d’immortelle mémoire, et recommandé à tous les pasteurs des âmes par d’autres Souverains Pontifes, notamment par Clément XIII, comme « un secours on ne peut plus propre à repousser les fraudes des opinions perverses, à propager et à établir d’une manière solide la véritable et saine doctrine. » (In Encyclica Litteris ea de re ad omnes Episcopos datis 14 junii 1761.)
Vous ne vous étonnerez pas, Vénérables frères, si nous vous parlons un peu longuement sur ce sujet. Votre prudence, assurément, a reconnu qu’en ces temps périlleux nous devons, vous et Nous, faire les plus grands efforts, employer tous les moyens, lutter avec une constance inébranlable, déployer une vigilance continuelle pour tout ce qui touche aux écoles à l’instruction et à l’éducation des enfants et des jeunes gens de l’un et de l’autre sexe. Vous savez que, de nos jours, les ennemis de la Religion et de la société humaine, poussés par un esprit vraiment diabolique, s’attachent à pervertir par tous les moyens le cœur et l’intelligence des jeunes gens dès le premier âge. C’est pourquoi il n’y a pas de moyen qu’ils ne mettent en œuvre, il n’y a pas d’entreprise audacieuse qu’ils ne tentent pour soustraire entièrement à l’autorité de l’Église et à la vigilance des sacrés Pasteurs les écoles et tout établissement destiné à l’éducation de la jeunesse. Nous avons donc la ferme espérance que nos très chers Fils en Jésus-Christ, tous les Princes de l’Italie, aideront votre fraternité de leur puissant patronage, afin que vous puissiez remplir avec plus de fruit les devoirs de votre charge que nous venons de rappeler. Nous ne doutons pas non plus qu’ils n’aient la volonté de protéger l’Église et tous ses droits, soit spirituels, soit temporels. Rien n’est plus conforme à la religion et à la piété qu’ils ont héritée de leurs ancêtres, et dont ils se montrent animés. Il ne peut pas échapper à leur sagesse que la cause première de tous les maux dont nous sommes accablés n’est autre que le mal fait à la Religion et à l’Église catholique dans les temps antérieurs, mais surtout à l’époque où parurent les Protestants. Ils voient, par exemple, que le mépris croissant de l’autorité des sacrés Pontifes, que les violations chaque jour plus multipliées et impunies des préceptes divins et ecclésiastiques, ont diminué dans une proportion analogue le respect du peuple pour la puissance civile, et ouvert aux ennemis actuels de la tranquillité publique une voie plus large aux révoltes et aux séditions. Ils voient de même que le spectacle souvent renouvelé des biens temporels de l’Église envahis, partagés, vendus publiquement, quoiqu’ils lui appartinssent en vertu d’un droit légitime de propriété, et que l’affaiblissement, au sein des peuples, du sentiment de respect pour les propriétés consacrées par une destination religieuse, ont eu pour effet de rendre un grand nombre d’hommes plus accessibles aux assertions audacieuses du nouveau Socialisme et du Communisme enseignant que l’on peut de même s’emparer des autres propriétés et les partager ou les transformer de toute autre manière pour l’usage de tous. Ils voient de plus retomber peu à peu sur la puissance civile toutes les entraves multipliées jadis, avec tant de persévérance, pour empêcher les Pasteurs de l’Église d’user librement de leur autorité sacrée. Ils voient enfin qu’au milieu des calamités qui nous pressent, il est impossible de trouver un remède d’un effet plus prompt et d’une plus grande efficacité que de faire refleurir la Religion dans toute l’Italie, et de rendre toute sa splendeur à l’Église Catholique qui possède, on n’en saurait douter, les moyens les plus propres à secourir les indigences diverses de l’homme dans toutes les conditions.
Et, en effet, pour employer ici les paroles de saint Augustin : » L’Église catholique embrasse non seulement Dieu lui-même, mais encore l’amour et la charité pour le prochain, de telle sorte qu’elle a des remèdes pour toutes les maladies qu’éprouvent les âmes à cause de leurs péchés. Elle exerce et enseigne les enfants d’une manière appropriée à leur âge, les jeunes gens avec force, les vieillards avec tranquillité, chacun, en un mot, selon que l’exige l’âge, non pas seulement de son corps, mais encore le développement de son âme. Elle soumet la femme à son mari par une chaste et fidèle obéissance, non pour assouvir le libertinage, mais pour propager la race humaine et conserver la société domestique. Elle met ainsi le mari au-dessus de la femme, non pour qu’il se joue de ce sexe plus faible, mais afin qu’ils obéissent tous deux aux lois d’un sincère amour. Elle assujettit les fils à leurs parents dans une sorte de servitude libre, et l’autorité qu’elle donne aux parents sur leurs enfants est une sorte de domination compatissante. Elle unit les frères aux frères par un lien de religion plus fort, plus étroit que le lien du sang, elle resserre tous les liens de parenté et d’alliance par une charité mutuelle qui respecte les nœuds de la nature et ceux qu’ont formés les volontés diverses. Elle apprend aux serviteurs à s’attacher à leurs maîtres, non pas tant à cause des nécessités de leur condition que par l’attrait du devoir ; elle rend les maîtres doux envers leurs serviteurs par la pensée du Maître commun, le Dieu suprême, et leur fait préférer les voies de la persuasion aux voies de la contrainte. Elle lie les citoyens aux citoyens, les nations aux nations, et tous les hommes entre eux, non seulement par le lien social, mais encore par une sorte de fraternité, fruit du souvenir de nos premiers parents. Elle enseigne aux rois à avoir toujours en vue le bien de leurs peuples ; elle avertit les peuples de se soumettre aux rois. Elle apprend à tous, avec une sollicitude que rien ne lasse, à qui est dû l’honneur, à qui l’affection, à qui le respect, à qui la crainte, à qui la consolation, à qui l’avertissement, à qui l’exhortation, à qui la discipline, à qui la réprimande, à qui le supplice, montrant comment toutes choses ne sont pas dues à tous, mais qu’à tous est due la charité et à personne l’injustice. » (S. Augustinus de Moribus Cathol. Ecclesiæ, lib. I.) C’est donc Notre devoir et le vôtre, Vénérables Frères, de ne reculer devant aucun labeur, d’affronter toutes les difficultés, d’employer toute la force de notre zèle pastoral pour protéger chez les peuples italiens le culte de la Religion catholique, non seulement en nous opposant énergiquement aux efforts des impies qui trament le complot d’arracher l’Italie elle-même du sein de l’Église, mais encore en travaillant puissamment à ramener dans la voie du salut ces fils dégénérés de l’Italie qui déjà ont eu la faiblesse de se laisser séduire.
Mais tout bien excellent et tout don parfait vient d’en haut : approchons donc avec confiance du trône de la grâce, Vénérables Frères ; ne cessons pas de prier avec supplication, de conjurer par des prières publiques et particulières le Père céleste des lumières et des miséricordes, afin que, par les mérites de son Fils unique Notre-Seigneur Jésus-Christ, détournant sa face de nos péchés, il éclaire, dans sa clémence, tous les esprits et tous les cœurs par la vertu de sa grâce ; que domptant les volontés rebelles il glorifie la sainte Église par de nouvelles victoires et de nouveaux triomphes, et que, dans toute l’Italie et par toute la terre, le peuple qui le sert croisse en nombre et en mérite. Invoquons aussi la très sainte Mère de Dieu, Marie la Vierge Immaculée, qui, par son tout-puissant patronage auprès de Dieu, obtenant tout ce qu’elle demande, ne peut pas demander en vain. Invoquons avec elle Pierre, le prince des Apôtres, Paul son frère dans l’apostolat, et tous les Saints du ciel, afin que le Dieu très clément, apaisé par leurs prières, détourne des peuples fidèles les fléaux de sa colère, et accorde dans sa bonté, à tous ceux qui portent le nom de Chrétiens, de pouvoir par sa grâce et rejeter tout ce qui est contraire à la sainteté de ce nom et pratiquer tout ce qui lui est conforme. Enfin, Vénérables Frères, recevez, en témoignage de Notre vive affection pour vous, la Bénédiction apostolique que, du fond de Notre cœur, Nous vous donnons avec amour, et à vous, et au Clergé, et aux fidèles laïques confiés à votre vigilance. Donné à Portici, près Naples, le 8 Décembre de l’an de grâce MDCCCXLIX, de notre Pontificat le IVe. PIE IX, PAPE.
Pape Pie IX, lettre encyclique Nostis et Nobiscum, 8 décembre 1849