Eugène, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu. A nos vénérables frères, paix et bénédiction apostoliques.
1. Il y a peu de temps, nous avons appris par Ferdinand notre frère, évêque à Rubicon et représentant les fidèles qui résident dans les îles Canaries, et par des messagers qui furent envoyés par eux auprès du Siège Apostolique, et encore par d’autres informateurs fiables, les faits suivants : dans lesdites îles, dont l’une est nommée Lanzarote, et en d’autres îles voisines, les locaux, suivant la seule loi naturelle, et n’ayant jamais connu aucune secte d’apostats ou d’hérétiques, n’ont été que depuis peu de temps conduits vers l’orthodoxie de la foi catholique, avec l’aide de la Divine Miséricorde. Néanmoins, avec le temps, il est advenu que dans certaines de ces iles, à cause de l’absence de gouverneurs et de protecteurs dignes, propres à diriger ceux qui vivent là selon la juste observance de la Foi dans les matières spirituelles et temporelles tout en protégeant fermement leurs propriétés et biens, certains chrétiens (et nous évoquons ces choses avec peine), au moyen d’arguments fallacieux, se sont approchés de ces îles par navire et à la force des armes, ont pris des captifs et ont emporté avec eux un grand nombre de personnes des deux sexes en profitant de leur naïveté.
2. Certaines de ces personnes faites captives étaient déjà des baptisés. D’autres parmi eux furent parfois trompés et piégés par une promesse de baptême, ayant reçu une promesse de protection qui ne fut pas tenue. Ils [les corsaires, ndt] ont privé les autochtones de leurs propriétés, se les ont appropriés et ont soumis certains des habitants de ces îles à un esclavage perpétuel, les ont vendus à d’autres, et ont commis contre eux de nombreux actes abominables et illicites, à cause desquels beaucoup de ceux qui restaient encore dans ces îles et qui condamnaient un tel esclavage, sont demeurés dans leurs anciennes erreurs, ayant rétracté leur intention de recevoir le Baptême, [ces corsaires, ndt] ont donc offensé la Majesté de Dieu, placé leurs âmes en danger et causé grand tort à la religion chrétienne.
3. En conséquence de quoi, Nous, à qui il appartient, spécialement dans le cadre de ladite affaire, de reprendre chaque pécheur contre son péché, et ne souhaitant pas taire ces faits, et désirant -comme il est attendu de l’office pastoral que Nous tenons- autant qu’il est possible, avec une sainte et paternelle affection, subvenir de façon salutaire aux souffrances des habitants, implorons le Seigneur et par le jaillissement du Sang de Jésus-Christ répandu pour nos péchés, exhortons comme un seul homme, les princes temporels, seigneurs, capitaines, hommes d’armes, barons, soldats, nobles, communautés et tout autre personne parmi les Chrétiens de quelque état, grade ou condition, de s’éloigner des méfaits susmentionnés, de faire en sorte que ceux qui se trouvent sous leur responsabilité s’en éloignent, et qu’ils les prohibent rigoureusement.
4. En outre, nous ordonnons et commandons à tous et à chacun des croyants de chaque sexe, dans un délai de quinze jours depuis la publication de ces lettres en le lieu où elles vivent, de rendre la liberté à toutes les personnes de chaque sexe, qui étaient auparavant habitantes desdites îles Canaries et faites captives depuis le temps de leur enlèvement, et qui furent réduites en esclavage. Que ces gens soient totalement et perpétuellement libérés et qu’on les laisse partir sans aucune exaction, ni rançon d’argent. Si cela n’est pas fait après que ces quinze jours soient passés, ils [les contrevenants, ndt] encourent la peine d’excommunication par le fait même (ipso facto), de laquelle ils ne pourront être absous, sinon au jour de leur mort, même par le Saint Siège Lui-même, ou par quelque évêque espagnol, ou par le susmentionné Ferdinand, à moins qu’ils aient auparavant rendu la liberté à ces personnes captives et leur auront rendu leurs biens. Nous souhaitons que cette sentence d’excommunication menace tous ceux qui chercheront à capturer, vendre ou réduire en esclavage les résidents de l’île Canaries, ou ceux qui cherchent librement le Baptême…sentence dont l’excommunication ne peut être pardonnée, sauf dans les conditions citées plus haut.
5. Ceux qui obéiront à Nos exhortations et à Nos commandements avec humilité et zèle, mériteront, en plus de Nos faveurs et celles du Siège Apostolique et des bénédictions qui en émanent, de posséder l’éternelle félicité et d’être placés à la droit de Dieu, etc.
Donné à Florence, le 23 Janvier de l’année de Notre Seigneur, 1435.
Pape Eugène IV, Exhortation Sicut Dudum, 23 Janvier 1435. Cité dans Baronius, Annales Ecclesiastici, ed. O Raynaldus, Luca, 1752, volume 28, pp. 226-227, cité dans Joel S. Panzer, The Popes and Slavery, « Society of Saint Paul », 1996, P.75.
[…] sa position temporelle, à s’élever contre les princes qui autorisèrent ces trafics qualifiés d’abominables et surtout à souligner les principes érronés qui conduisaient à ce type d’agissements. […]
[…] si les Papes, à l’instar du pape Eugène IV le 13 janvier 1435 dans l’encyclique Sicut Dudum, n’avaient pas condamné formellement l’esclavage. Certes, d’autres textes, dans […]