Les choses vont si mal dans l’Occident postmoderne que même Richard Dawkins, biologiste et figure majeure du mouvement du « nouvel athéisme », a récemment du admettre que le rétablissement d’un état chrétien serait le seul moyen de contrer la montée de l’islamisme et de renverser la domination de l’idéologie woke.
Bien sûr, Dawkins, qui est un opposant acharné à toutes les religions, ne dit pas cela par respect envers le christianisme, mais simplement parce qu’il estime que le christianisme représente une alternative moins pire que l’islam et parce qu’il semble comprendre malgré tout que la domination des idéologies woke ne s’explique que par la disparition des valeurs chrétiennes dans la société occidentale.
Cet aveu prouve ce que nous disons depuis bientôt 6 ans sur le Fide Post : à savoir que le retour à la société chrétienne est inévitable. L’Occident n’a tout simplement pas le choix : ce sera le retour à la religion ou la mort.
Dans une récente vidéo, j’ai montré que notre société moderne, bien qu’elle se prétende laïque, n’avait pas du tout abandonné la religiosité. Notre société a rejeté les croyances et les valeurs morales du christianisme pour les remplacer par de nouvelles religions civiles ou personnelles. Ceci explique par exemple le succès grandissant de l’ésotérisme, du spiritisme, de la sorcellerie ou encore du néo-paganisme dans notre société soi-disant laïque et rationaliste.
Mais ces religions personnelles sont finalement le produit d’un cadre théologique supérieur. En effet, notre société moderne est avant tout structurée par les grandes théologies politiques séculières et par les valeurs de la démocratie libérale.
Il n’a échappé à personne que depuis de nombreuses années, l’Occident traverse une crise civilisationnelle, identitaire et spirituelle. Tout le monde s’aperçoit que cette crise semble être causée par les valeurs démocratiques, universalistes et libérales qui conditionnent désormais la civilisation occidentale.
Ceci explique en grande partie l’émergence de nouvelles formes de radicalismes politiques nés en réaction aux différents aspects de cette crise de civilisation ainsi qu’à la perte générale de confiance envers les élites dominantes actuelles.
Ces nouvelles formes radicales sont généralement désignées sous le terme générique de « populismes », que l’on peut retrouver aussi bien à droite qu’à gauche de l’échiquier politique. Alternativement, on parlera aussi de « nouvelles opinions publiques » ou encore de « mouvement dextrogyre ».
Ces nouvelles radicalités peuvent prendre des formes très diverses tels que des mouvements populaires,, intellectuels, politiques, métapolitiques ou culturels, etc.
Selon moi, on peut distinguer à droite, trois tendances majeures, représentatives de ces nouvelles radicalités poltiiques :
- Le courant postlibéral ou postrépublicain
- Le courant identitaire
- Le courant souverainiste
Les postlibéraux
Depuis le milieu des années 1990, nous avons vu émerger une génération d’intellectuels libéraux qui ont entrepris de faire une critique du libéralisme politique et philosophique et de ses effets dans la société occidentale. Ce courant est parfois rangé dans la catégorie très large des postlibéraux. Il se confond aussi parfois avec le courant néoconservateur.
Si certains de ces intellectuels, comme Curtis Yarvin, ont abandonné leur libertarisme originel pour adopter des docrines plus realistes et verticales, d’autres n’ont pas vraiment renoncé à leurs principes originels.
La France connait un mouvement postliberal que j’appelle le mouvement postrepublicain. Il s’agit d’intellectuels et de personnalités issus de la gauche laicarde ou féministe des années 70-80, ou de simples libéraux classiques, qui se sont ‘droitisés’ par la force des choses à partir du moment où ils se sont mis à critiquer la montée de l’islamisme, à dénoncer l’immigration ou à pointer du doigt les échecs du modèle assimilationiste français.
Ce discours postrépublicain a eu beaucoup de succès puisque les éléments de langage de ses auteurs étaient et restent facilement compréhensibles pour une bonne partie de la population française qui a été élevée dans l’idéologie libérale et laicarde.
Ce discours a eu tellement de succès que la droite nationale officielle a largement intégré ces éléments de langage.
Malgré tout, la pensée de ce courant postrépublicain est très insatisfaisante.
Le problème du discours postrépublicain est que ses auteurs restent fondamentalement convaincus que leur modèle idéologique laïciste et libéral reste la solution pour régler des problèmes tels que la montée de l’islam politique, la politique d’intégration ou la domination de l’idéologie woke.
Selon eux, l’échec de ce modèle s’explique uniquement par l’abandon des « vraies valeurs libérales » ou des « vraies valeurs républicaines » par les démocraties occidentales.
Mais ce que les post-républicains refusent d’admettre, c’est que leur modèle est à l’origine des effets dont ils se plaignent constamment aujourd’hui.
Les identitaires
Le discours identitaire adopté par une autre partie de la droite durant les années 2010, a contribué de façon positive a réveiller l’organicité nationale. Ce discours a lui aussi obtenu beaucoup de succès, probablement parce qu’il se fonde sur des réalités ethnoculturelles facilement perceptibles et qu’il a beaucoup contribué à exposer les nombreux problèmes posés par l’idéologie immigrationiste.
Ceci explique largement pourquoi les grands thèmes identitaires ont été intégrés dans le discours politique, ainsi que dans une grande partie de l’opinion publique, y compris du public de gauche et du public jusque là dépolitisé.
Pour ces raisons, ce discours fait parfois jonction avec celui des postlibéraux et postrépublicains.
Malheureusement, le discours strictement identitaire n’apporte guère de réponse sérieuse et équilibrée aux problèmes actuels, dès lors qu’il se focalise principalement sur des questions matérielles, en délaissant, voire en méprisant totalement la dimension spirituelle et morale de la situation, ainsi que les questions socio-économiques.
Ce mépris explique l’influence du nietzschéisme, voire du néo-paganisme dans ses courants. Ce mépris se fonde également dans une mauvaise compréhension de la foi et de la philosophie chrétienne, et surtout d’une confusion entre l’universalisme chrétien et l’universalisme des philosophies modernes.
Les souverainistes
Parmi ces nouveaux mouvements radicaux, il faut aussi compter l’école souverainiste, dont la production, abondante et technique, continue d’avoir un impact positif majeur au sein de la nouvelle opinion publique.
A bien des égards, elle constitue même la force motrice des nouvelles radicalités populistes, que ce soit en France, en Allemagne ou ailleurs en Occident.
Son apport a été décisif sur la plupart des grandes questions d’économie et de souveraineté soulevées par la soumission graduelle de l’Etat français aux appareils de domination atlantistes et européistes.
Cependant, le courant souverainiste partage largement les défauts des autres courants que nous avons décrits.
L’importance de la question morale
Même si nous sommes évidemment proches des courants identitaires et souverainistes, et même si nous reconnaissons évidement les apports substantiels qu’ils offrent à l’action politique, le problème est que tous ces courants n’offrent pas de réponse totale, solide et durable face aux aspects essentiels de la crise de civilisation en Occident.
Car aucune réponse durable et efficace ne peut être donnée au rouleau compresseur progressiste et libéral tant qu’on a pas compris que ce système n’est pas un simple état de fait politique, mais qu’il est avant tout une théologie politique, reposant sur une structure idéologique et surtout sur un système moral extrêmement puissant.
En clair, on n’a rien compris à la nature des grands enjeux politiques actuels si l’on écarte cette dimension métaphysique, certes difficile à appréhender et à communiquer, mais qui reste néanmoins absolument primordiale.
De ce point de vue, nous pouvons dire que pour le moment, les nouvelles formes de radicalité politique en Occident n’apportent qu’une critique très incomplète contre les valeurs de la démocratie libérale. Ou bien ces nouvelles formes partagent les croyances philosophiques de la démocratie libérale, ou bien elles refusent de proposer une alternative spirituelle et morale forte et cohérente face à ce système de valeurs.
Ces mouvements et ceux qui les soutiennent affichent souvent un certain mépris pour les valeurs catholiques, dont ils ne perçoivent ni l’utilité spirituelle, ni l’utilité temporelle.
C’est évidemment une double erreur et en cela, ils sont beaucoup plus naïfs que les libéraux et les socialistes d’autrefois qui eux, avaient au moins conscience d’agir religieusement pour un idéal supérieur.
Comme l’enseignait le pape Pie XII, c’est une erreur fatale que de vouloir faire divorcer la loi divine et la loi des hommes. Le mépris de l’apport central de la foi dans l’action sociale et politique conduit à ne pas comprendre la nature transcendental du zèle religieux, ce zèle qui pousse au sacrifice, au martyr et à l’héroïsme, qualités viriles dont nous serons tous d’accord pour dire qu’elles font cruellement défaut dans notre société actuelle, expliquant largement cette crise anthropologique occidentale qui a rendu les peuples faibles et impassifs face à la destruction de leur espace vital.
L’inévitable solution : L’ordre social chrétien
Il y a encore quelques années, notre discours intégraliste et la critique que nous faisions de la société ouverte et libéral ne trouvait écho que chez les catholiques convaincus.
Mais depuis quelques mois, je constate que notre discours commence à recevoir l’adhésion de plus en plus de français qui jusqu’ici ne pratiquaient pas le catholicisme ou étaient même devenus étrangers au catholicisme.
Notre discours a également été positivement reçu chez beaucoup de musulmans qui admettent qu’ils préféreraient vivre dans notre modèle de société chrétienne.
Récemment, un jeune professeur d’université, M. Amine Elbahi, a largement repris nos éléments de langage en rappelant que le modèle social chrétien permet justement la mise en place d’un socle moral commun qui permet de faire société, là où le laïcisme conduit à la fragmentation sociale, à la polarisarisation et donc à la destruction de la civilisation toute entière.
Le catholicisme a ce pouvoir social unique, transcendantal et agglomérant, qui se manifeste au niveau individuel aussi bien que dans l’ordre social tout entier, et qui rend possible la formation de sociétés humaines à haut degré de confiance, où règnent l’ordre, la paix civile, les libertés économiques et la justice sociale.
Le modèle libéral a échoué parce que son universalisme, qui est une contrefaçon de l’universalisme chrétien, n’a aucune limite morale, ni ethnique, ni culturelle, ni spirituelle. Il a donc pour effet de conduire les sociétés vers leur auto-destruction en affaiblissant l’Etat aussi bien que le corps social tout entier, en favorisant la désagrégation de l’un et de l’autre.
Cette désagrégation est considérablement accélérée par d’autres facteurs disruptifs liés à la nature toujours plus complexe des Etats modernes et de leur tendance naturelle à l’expansion. On peut penser par exemple à des facteurs tels que l’immigration de masse ou le développement rapide des nouvelles technologies.
Pour avoir une chance de survivre, la société occidentale doit donc retrouver un socle de valeurs positives qui permettent de rassembler ses membres autour d’un projet et d’une culture commune. Et pour défendre et prolonger le projet civilisationnel, la société occidentale a terriblement besoin d’une structure morale qui lui permette de retrouver cette unité et de développer des mécanismes de défense contre les facteurs de destruction intérieurs ou exogènes.
Nous pouvons prouver de manière indiscutable que seul l’établissement des valeurs morales du christianisme dans l’ordre social et politique est capable de relancer le projet de civilisation en Occident.
Donc je pense que d’une manière ou une autre, tôt ou tard, le retour de l’ordre social chrétien est absolument inévitable.
Bien sûr, il est difficile de dire quand une telle chose sera possible et se réalisera.
Vers une radicalisation généralisée
Mais ce qui est certain c’est qu’on voit depuis de nombreuses années se poursuivre ce que le politologue Guillaume Bernard appelle le « mouvement dextrogyre ».
Même Jacques Attali l’a remarqué :
Le régime a donc bien conscience de la nécessité de maintenir l’illusion d’une forme de conservatisme social, appliqué bien sûr à son propre système de valeurs.
On le voit avec le projet visant à essayer de rétablir l’uniforme à l’école. On le voit avec les appels à l’autorité dans les discours récents de Macron. On le voit aussi dans les déclarations anti-immigrationistes d’Edouard Philippe, qui cherche clairement à se positionner pour les élections de 2027. Et on le voit dans d’autres pays occidentaux comme les USA et l’Allemagne.
Toutefois, ce mouvement dextrogyre ne va pas nécessairement nous mener immédiatement vers un retour à l’ordre chrétien. Il est très probable que l’on assiste avant cela à de nouvelles impostures à la Sarkozy, ou à de nouvelles déceptions à la Meloni, ou tout simplement à l’arrivée de gouvernements qui n’arriveront aux pouvoir que par l’exploitation des peurs identitaires et par la critique de l’immigration massive, mais sans jamais se donner les moyens de faire ce qui est vraiment nécessaire, c’est à dire régénérer totalement la société afin de la remettre sur la voie de la civilisation.
Conclusion
En conclusion, il est donc important de faire quelques rappels.
Nous n’avons aucun doute en affirmant que la doctrine politique de l’Eglise est la seule formule politique qui permettra de régénérer la société occidentale.
Mais nous avons aussi conscience des limites de nos capacités humaines à l’heure actuelle. Les bouleversement qu’à connu l’Eglise au cours de ces 60 dernières années explique pour beaucoup la diminution inédite de son influence politique et sociale par rapport à la situation qui était celle jusque dans les années 1950, à une époque où la production intellectuelle catholique sur pratiquement toutes les matières, était considérable, en particulier dans les domaines du droit, de la science politique, de la sociologie et de l’économie.
Aujourd’hui, les choses sont donc plus difficiles pour nous. Mais nous devons continuer le combat dans l’esprit de l’action catholique.
Nous avons beaucoup à apporter sur les questions politiques, socio-économiques et financières et ceux d’entre nous qui en ont les compétences devraient se mettre à produire des contenus, à apporter une critique positive du système actuel tout en proposant des modèles alternatifs basés sur la tradition et sur l’éthique chrétienne.
Ceci implique aussi de faire un effort sur nous pour se défaire de certaines tendances ou de certains comportements qui nous enferment dans l’irréalisme, dans l’extrémisme ou dans l’inertie et qui dans tous les cas, rendent la proposition catholique inintelligible aux âmes et aux cœurs.
La politique aujourd’hui est dominée par les extrêmes, ce qui est le signe que nous vivons dans une phase de transition historique durant laquelle les valeurs morales qui ont dominé en Occident depuis 1945 ont perdu de leur force. Nous entrons bientôt dans une phase révolutionnaire de l’histoire, dans laquelle la torche de la liberté va être remise en jeu.
Je crois que nous allons alors assister à une compétition politique entre ces nouvelles formes radicales, nées de la fragmentation et de l’effondrement de la société ouverte.
Comme par le passé, je crois que ces formes radicales, même si elles se concrétisent pendant un temps dans le champ politique, ne seront pas durables et qu’elles seront à nouveau vaincues parce qu’elles n’auront pas réussi à imposer de théologie politique cohérente face au libéralisme.
La voie la plus difficile est celle du juste milieu.
Nous devons donc nous rappeler que la victoire finale sera pour ceux qui auront été capable de se placer au centre du mouvement de l’histoire pour unir, rassembler et élever la société au-delà des passions partisanes.