Né en 1867 dans l’illustre famille d’aristocrates de Saint-Petersbourg des Tolstoï, le jeune Nicholas est orienté vers une carrière diplomatique ou militaire. Diplômé du corps des Pages impériaux, il sert ensuite dans le régiment de Sofia, en Bulgarie. Mais surtout passionné par la religion, il étudie finalement à l’Académie Théologique de Moscou, où il étudie tout particulièrement, en latin et en russe, les enseignements des Pères de l’Eglise, ainsi que la somme théologique de Saint Thomas d’Aquin. A cette époque, il est frappé par la pénétration des idées et de l’esprit protestant dans l’enseignement théologique de l’orthodoxie russe. Dans ces années-là, il fait aussi la rencontre décisive avec le grand poète et philosophe russe Vladimir Soloviev, grand promoteur de l’union à Rome (et aussi l’oncle du père Sergei Soloviev) et de la jeune princesse convertie au catholicisme, Elizabeth Volkonskaya, qui sera elle aussi une haute figure du mouvement catholique russe.
En 1890, à l’âge de 27 ans, il est ordonné prêtre dans l’église russe, puis part pendant un an dans les communautés chrétiennes (schismatiques) du Moyen-Orient. A son retour, toutefois, il rencontre à Moscou l’abbé Vivien, de l’église Saint-Louis des français, lequel l’introduit à l’évêque et futur cardinal Vincenzo Vannutelli. A cette époque, Nicholas, qui est toujours étudiant à l’Académie théologique, tient une ecclésiologie résolument catholique, bien qu’il semble encore hésiter à quitter l’église schismatique de Russie. Lors d’un nouveau voyage à Vienne, il se rend à l’église catholique ukrainienne (de rite byzantin) où il rencontre le Métropolitain et cardinal Sylvester Sembratovich. De retour à Moscou, Nicholas termine sa thèse sur l’Eucharistie et obtient son doctorat avec félicitations en 1893. Or, dès le mois de Novembre 1894, Nicholas prend la décision définitive de revenir dans l’Union avec le siège apostolique.
Assez rapidement, son adhésion au catholicisme est connue par ses supérieurs et jusqu’au métropolite schismatique Sergius. Son cas est même traité en haut lieu, mais, peut-être en raison de ses origines familiales, aucune décision officielle n’est prise dans un premier. Néanmoins, à la suite des funérailles de l’empereur Alexandre III, le 18 novembre 1894, il fut accusé publiquement lorsqu’on découvrit sa correspondance avec le cardinal Vanutelli. Il fut alors menacé d’être défroqué et de voir toutes ses propriétés confisquées, s’il n’abjurait pas son adhésion au catholicisme. Sa famille le supplia en vain d’accepter.
L’abbé Vivien lui offrit de fuir à Rome et de rejoindre la petite communauté de catholiques russes qui y vivaient réfugiés depuis longtemps, notamment des familles aristocrates, réunies autour du prince et prêtre (de rite romain) Ivan Gagarin. Arrivé au Vatican pendant le mois de l’Avent, le père Tolstoï y rencontre le pape Léon XIII en personne. Ce dernier, fervent défenseur du catholicisme russe (tout comme le pape Saint Pie X) rejette d’ailleurs la demande de l’ambassadeur russe Alexander Isvolsky, qui exigeait la remise et l’extradition de Nicholas vers Saint-Petersbourg.
Toutefois, le père Tolstoï parvient à retourner en Russie le 22 avril 1895, cette fois-ci en passant par Moscou. Il officie dans une petite maison, où il offre le rite byzantin. Toutefois, il ne tarde pas à refaire parler de lui, lorsqu’il retrouve donne fait officiellement entrer son vieil ami, le philosophe Soloviev qui retrouve enfin l’Union avec Rome le 18 février 1896, avant de mourir quatre ans plus tard, en juillet 1900. Il aurait par la suite voyagé en Europe, semble-t-il à cause de nouvelles pressions de l’administration tsariste, à Copenhague, puis à Rome. On connait mal le parcours du père Tolstoï dans les années 1900, son histoire étant presqu’inconnue des catholiques aujourd’hui, ce qui est un comble :
Le père Tolstoï est à proprement parler, le premier prêtre russe à être ouvertement et officiellement revenu de l’église russe, vers l’Union avec Rome, depuis plusieurs décennies, voire plusieurs siècles. Bien d’autres russes avaient franchi le pas, depuis l’Acte d’Union et depuis l’Acte de Brest, mais Nicholas fut le premier prêtre russe orthodoxe à s’être ouvertement et activement réintégré à l’Eglise universelle. Il est également le véritable fondateur de la nouvelle communauté catholique russe de rite grec à Moscou, une communauté qui, sous la direction de figures saintes comme l’évêque Neveu, l’exarque Feodorov ou le père Sergei Soloviev, fera d’étonnantes conversions dans les décennies suivantes, tout en subissant durement la persécution du régime bolchevique, puis stalinien.
En effet, après la révolution de 1917, le père Tolstoï s’installe auprès des catholiques de Kiev, puis, en 1928, il se retire à Odessa après avoir appris que l’un de ses fils collaborait avec la police secrète. Le choc de cette nouvelle ébranlera considérablement sa santé mentale. Le 12 décembre 1937, il est arrêté à Kiev. Un mois plus tard, en Janvier 1938, il est déclaré coupable d’activités contre-révolutionnaires et de haute trahison par un tribunal spécial du NKVD, précisément pour « participation à l’organisation contre-révolutionnaire fasciste du clergé catholique et uniate d’Ukraine occidentale« . Il est abattu le 4 février 1938.