Oleg Tronko est né à Kiev le 20 juin 1918 dans une famille orthodoxe. Toutefois, la foi catholique de sa mère, tardivement connue de lui, va profondément l’influencer dans sa conversion et lui sauver la vie à trois reprises. Son père Vladimir combattit comme officier dans l’armée des volontaires, c’est-à-dire l’armée contre-révolutionnaire qui s’opposa à la révolution bolchévique. Toutefois, à l’approche de l’armée rouge, Oleg et sa famille doivent quitter l’Ukraine en décembre 1919, d’abord pour la Crimée, puis pour Constantinople. Pendant cet exil, la famille vit dans des conditions extrêmement difficiles qui ont durablement atteint la santé du petit Oleg, encore bébé à ce moment-là. La famille Tronko s’installe ensuite en Bulgarie, à Turnovo. Le père d’Oleg devient alors régent de la cathédrale orthodoxe, tandis que son fils est placé à l’école russe. Enfant, Oleg doit souvent aider sa mère, aveugle. Lui-même a une santé très fragile. Après avoir contracté une violente pneumonie et alors que les médecins le donnent pour mort, il est miraculeusement guéri. Sa mère, qui avait une profonde dévotion pour Sainte Thérèse de Lisieux, pria l’intercession de la sainte pour la guérison de son fils.
Vers 1934, Oleg est envoyé en études à Sofia, où il entre en crise spirituelle et morale. Il mène une vie estudiantine fort dissolue, buvant, fumant, dépensant son argent sans compter et se passionnant de vanités intellectuelles. Souvent révolté, mal dans sa peau, il se déconcentre de ses études et se passionne de politique. Le sort de son pays d’origine (la Russie aussi bien que l’Ukraine), qu’il n’a jamais pu vraiment connaitre, le marquent aussi profondément. Pendant cette période difficile et bien que par esprit de révolte, il refuse de se rendre à l’église ou de fréquenter le clergé quand on le lui propose, Oleg prie toutefois régulièrement dans le secret de sa chambre.
C’est à cette époque que sa santé, déjà fragile, se dégrade sérieusement par suite de ces excès de vie : il devient quasiment aveugle et l’une de ses mains manque d’être amputée à la suite d’une blessure grave. Sa mère, qui possédait une icône reliquaire du monastère de Lisieux, a alors à nouveau imploré l’intercession de son fils auprès de Sainte Thérèse et obtenu une nouvelle fois une guérison miraculeuse : alors que son fils était alité et aveugle, elle avait fait placer sur le cœur de son fils, en pendentif, l’icône reliquaire de la sainte. On ignore si la mère d’Oleg était elle-même originaire d’une famille catholique, ou si elle se convertit plus tard dans sa vie. Quoiqu’il en soit, on sait que la sœur d’Oleg fut envoyée en études à l’école catholique Saint-Joseph à Sofia. Oleg, qui fut dans un premier temps contrarié d’apprendre la foi catholique de sa mère et de sa sœur, conservait de ses guérisons miraculeuses, un attachement grandissant à sainte Thérèse de Lisieux. Au début de l’année 1938, Il découvre chez son professeur de français un livre sur la vénérable sainte française. Pendant une semaine, il ne reparait plus à son cours. Surpris, le professeur se rend au domicile de la famille pour obtenir des explications. Il trouve Oleg occupé à peindre une icône de la petite Thérèse. Le lendemain, il retourne auprès de son professeur et lui confie :
Je ne sais pas ce qui m’arrive, mais je veux devenir comme Sainte Thérèse.
On peut dire que ce fut la troisième guérison qu’opéra Sainte Thérèse sur Oleg. Cette fois ci, elle n’avait pas obtenu la guérison de son corps, mais beaucoup plus : la guérison de son cœur. Ce miracle sera celui dont Oleg sera sans doute le plus redevable à Dieu et à sa servante, car, même s’il ne le sait pas encore, il vit déjà la dernière année de sa vie terrestre. Mais il va bientôt renaître en rentrant en communion avec la Sainte Religion. En effet, il se rapproche de l’évêque catholique Cyril Kurtev auprès de qui il se confesse et peu de temps après, il décide de rejoindre la communion avec l’Eglise catholique le 12 février 1938 dans la chapelle du prélat. Cette conversion frappa d’étonnement beaucoup de ses proches. Mais depuis ce jour, le jeune Oleg quitta ses mauvaises habitudes et tous les matins avant de se rendre au cours, il se rendait à la communion au monastère carmélite, où il assistait aussi parfois le service liturgique.
Il écrivit plus tard à l’abbesse du Carmel de Lisieux : « Je n’étais pas loin de la ruine. J’étais égoïste et je faisais tout ce qui me venait à l’esprit. J’ai mené une vie pleine de divertissements, j’ai bu dans les tavernes et j’ai péché. Il y avait tant de mal en moi ! Mais Sainte Thérèse, avec une bonté immense, a jeté une rose de miséricorde dans mon cœur. J’ai décidé de faire une copie de son icone. J’ai décidé de devenir catholique et de rejoindre l’ordre du Carmel. Je n’ai pas d’autre désir que d’aimer le Seigneur et la Mère de Dieu. Je remercie Sainte Thérèse pour tout ce qu’elle fit pour moi. Mère supérieure, priez Dieu pour que je devienne carmélite, priez pour moi. »
Cette conversion heureuse ne va pas sans douleur, ni sans expiations. Pendant quelques temps, Oleg reste discret à propos de sa foi catholique à l’école. Mais peu avant Pâques de 1938, alors que tout son lycée se prépare à la communion, il doit admettre au professeur de religion qu’il est catholique. Il est alors immédiatement expulsé de l’établissement. Bien que cette expulsion le place dans une situation sociale critique, loin de se décourager, il trouve auprès de Sainte Thérèse une amie pour se rapproche toujours davantage de Dieu. A cette époque, il écrit dans son journal et dans ses lettres aux religieuses carmélites, d’émouvantes suppliques et prières :
« Jésus, mon amour ! Laissez-moi Vous servir, laissez-moi Vous donner toute ma vie. Jésus, je suis à Vous, faites de moi ce que Vous voulez. Jésus, ma joie, je veux mourir par amour pour Vous. »
Déterminé à atteindre la perfection spirituelle de sa sainte patronne et à intégrer le monastère carmélite comme novice, il demande conseil à Mgr. Kurtev, lequel lui préconise d’étudier d’abord au Russicum et de se faire ordonner prêtre, avant de penser à la vie monastique. Ainsi, avec beaucoup de joie et d’obéissance pour son évêque, Oleg Tronko se rend à Rome en Octobre 1938. Dès son arrivée, il ne pense qu’à une chose : visiter le monastère local des carmélites.
Les débuts ne sont pas simples pour lui, qui doit apprendre l’italien sur le tas, mais dès le mois de janvier, il trouve heureusement un professeur de latin qui puisse lui enseigner en russe. Mais la santé du brave Oleg reste très fragile, surtout après cette jeunesse d’excès. Pour autant, et malgré les difficultés d’intégration qu’il put avoir, Oleg est connu de ses supérieurs et de ses nouveaux frères, comme étant toujours souriant, volontaire, énergique. Il est aussi de plus en plus mature spirituellement. Loin des vaines passions politiques de sa jeunesse, il médite désormais sur la foi et réalise le drame du schisme russe. Il s’inquiète de plus en plus pour l’âme de ses proches et parents en Russie. Dans la soirée du 27 février 1939, il se confia longuement sur ce sujet auprès de son directeur spirituel.
Le matin du 28 février 1939, au séminaire, Oleg n’est présent, ni à la liturgie, ni au petit-déjeuner. Autour de neuf heures, inquiets, les frères séminaristes viennent toquer à sa porte. Ils y trouvent la chambre parfaitement rangée. Oleg se tenait allongé sur son lit, un rosaire à la main, une icône de Sainte Thérèse au-dessus de lui. Il avait rendu l’âme pendant son sommeil. Une autopsie révélera plus tard que la mort d’Oleg fut causée par une maladie cardiaque infantile incurable. Ses funérailles furent tenues selon le rite oriental, le 3 mars 1939.
Autres sources utiles :
Eugène Gerf, Oleg Tronko, revue La Vérité, Paris, 1940
Truth and Life Magazine, n°5, 1993