Les libéraux de tous bords, de gauche comme de droite, parlent de l’islam comme si cette hérésie pouvait être un monolithe doctrinal cohérent. De la même manière, beaucoup d’entre eux n’ont pas de perception juste du phénomène religieux qu’on appelle judaïsme, et qui recoupe en fait une grande quantité de sectes de sensibilités très diverses, contradictoires et parfois même violemment opposées entre elles. Toutefois, même parmi les forces du mal, lesquelles sont divisées entre elles comme nous l’enseigne le Divin Messie, il peut se trouver une certaine concorde, laquelle est presque toujours motivée, ou bien par l’orgueil, ou bien par l’intérêt, ce qui explique d’ailleurs pour l’on dit vulgairement que « le diable se mord la queue ». Mais on dit aussi proverbialement dans nos contrées germanophones, que « Das Teufel liegt im Detail » (le diable se cache dans les détails). Dans cette vidéo (ci-dessous), vous pouvez observer une rencontre entre le « rebbe lubavitcher » Menahem Mendel Schneerson (1902-1994) et le rav Mordekhaï Tzemah Eliyahou (1928-2010), alors grand-rabbin sépharade de l’entité sioniste. Ces deux hommes sont des figures majeures du judaïsme contemporain. Le premier, le rebbe loubavitch, fut considéré comme un saint de son vivant, et certains de ses milliers de disciples Habad l’ont même considéré comme le messie. Quant à Mordekhaï Eliyahou, il est l’un des successeurs d’Ovadia Yosef, qui fut le tonitruant et très influent grand-rabbin sépharade de l’état sioniste de 1973 à 1983, fameux pour ses déclarations ultra-orthodoxes, d’un point du vue talmudique. Il avait affirmé ainsi en octobre 2010 :
« Les goyims n’ont de place dans le monde que pour servir le peuple d’Israël[1] ».
Il est une chose frappante, pour qui observe attentivement les nombreuses sectes juives : ces communautés ont conservé un prodigieux sens de la lettre et de la mémoire. Il y a quelque chose d’étonnant lorsqu’on considère ces jeunes étudiants, capables de citer de tête des milliers de références talmudiques ou kabbalistiques sans aucune valeur. Aussi, ces communautés juives ont-elles souvent une approche extrêmement naturaliste de la foi et de l’autorité, justifiant cette dernière par l’intelligence apparente, et non l’intelligence selon Dieu. Au lieu de cela, le judaïsme apostat, c’est-à-dire le judaïsme talmudique et kabbalistique qui a renié le Christ, Moïse et tous les saints prophètes, s’est enlisé dans « les profondeurs de Satan » (Apocalypse 2 ;24). Or, entre le Sefer Yetsirah composé aux 3e-5e siècles et sa diffusion moderne selon l’enseignement de Gaon de Vilna (1720-1797, lequel était pourtant le tenant d’un certain judaïsme académique et traditionnel, ayant condamné plusieurs fois les « novateurs » hassidiques), ce judaïsme apostat n’a guère évolué, sinon dans l’indécence et l’obstination, réactivant ses spéculations impies après les avoir désactivées tout aussi arbitrairement deux millénaires plus tôt.
La « foi judaïque », vénérée, adorée par les gouvernements néo-païens, les vedettes mécréantes et les faux chrétiens d’aujourd’hui, n’est véritablement rien d’autre qu’un vaste ramassis de spéculations sans fin, sans certitudes autres que la fausse légitimité construite autour de l’obstination de ces juifs, qui persistent, au moyen de mille spéculations mécréantes, à se croire encore comptés parmi les élus, alors qu’ils demeurent peut être dans le vestige de paganisme le plus frappant dans l’ère chrétienne, par sa persistance et son renouvellement. Cette rencontre avec le rebbe loubavitch et le rav Eliyahou a quelque chose de remarquable. Sous leur apparence d’augustes docteurs (et en effet, le rebbe lubavitch Schneerson a fondé une quantité impressionnante de communautés à travers le monde), leurs bavardages sont vains, stupides, sans aucune intelligence et l’odeur du trafic se ressent à chaque phrase. On oppose parfois un monde de rabbins orthodoxes, sérieux, académiques, concentrés sur les considérations talmudiques et halakhiques pures, à un monde de spéculateurs mystiques et originaux, chefs de communautés isolées. Il est vrai, comme l’explique fort bien l’universitaire très réputé Gershom Sholem, qu’il a existé de multiples oppositions, notamment pendant l’ère moderne, entre les tenants d’un judaïsme résolument orienté sur le Talmud, et les tenants d’un judaïsme considérant les sciences de la Kabbale comme absolument nécessaires à la « foi » juive. En réalité, talmudisme et kabbalisme ont depuis longtemps opéré une fusion fondamentale, si bien que les docteurs talmudiques réputés savants dans la littérature kabbalistique, sont observés avec le plus grand respect par leur communauté et au-delà. De là, c’est l’impression produite par l’érudition et par quelques qualités naturelles qualifiant au rabbinat (connaissance extensive et répétitive des sources jugées orthodoxes par telle ou telle communauté ou courant, modération apparente, piété apparente, élocution, énergie, force de travail, entregent, etc.), et non pas la véracité, ou même la rationalité objective des doctrines, ou même la pertinence des méthodologies qu’ils soutiennent, qui fonde réellement leur autorité sur les communautés qu’ils forment, influencent et dirigent. Il faut bien comprendre que l’autorité, dans les sectes juives, est liée à quelques paramètres purement naturels, comme la capacité mémorielle, ou encore le simple charisme personnel.
Dans cet extrait, le rebbe loubavitch fait allusion au « jugement des sages », selon lequel lorsque « 10 juifs se réunissent, la présence divine se tient parmi eux. La seule condition est qu’il y ait 10 juifs ensemble, même s’ils n’étudient pas la Torah. » Plus loin, le rebbe continue : « La rédemption ne viendra pas ‘’peut-être’’, elle attend déjà au pied de la porte. Elle attend que chacun d’entre nous ouvre la porte et y fasse entrer la Rédemption. » Avec une finauderie typique, le rav Eliyahou, resté stoÎque juste là, répond seulement : « Nous laisserons la porte ouverte ! ».
Le propos du Rebbe exprime en fait un fondement essentiel du courant judaïque messianiste, lequel est typiquement issu des courants mysticistes anciens, mais surtout de la métaphysique émanentiste que véhicule la littérature kabbalistique la plus antique, mais également la littérature talmudique, comme l’a démontré tout au long de sa carrière le Gaon de Vilna. De cette métaphysique, découle de façon certaine l’élaboration des théories sionistes, lesquelles ont d’ailleurs originellement été portées par des rabbins ashkénaves orthodoxes, contrairement à ce que l’on dit souvent. L’un des précurseurs du sionisme moderne fut le rabbin Zvi Hirsch Kalischer (1795-1874), qui exposa ses plans dans son livre Derishat Zion. Kalischer estimait que le projet sioniste devenait à son époque manifestement et « théologiquement » réalisable grâce à l’émancipation post-révolutionnaire des sujets juifs dans les pays occidentaux, et à l’ascension sociale et politique fulgurante de personnalités telles que Edmond de Rothschild, Isaac Crémieux, Moses Montefiore, etc. qui étaient pourtant eux-mêmes des figures typiques du judaïsme libéral de la haskalah, de ceux que les rabbins hassidiques ou mitnagdim appellent les Am’haaretz ou maskilim, c’est-à-dire des juifs réputés athées ou sans éducation religieuse. Il faut comprendre ici l’essentialisme racial qui fait considérer le juif de sang comme un élu par nature. Notons à cet égard que les idées de Kalischer inspirèrent directement les premiers théoriciens du sionisme politique, en particulier Moses Hess, lequel, partant d’idéaux marxistes et assimilationnistes qu’il abandonna face à l’antisémitisme des nations postrévolutionnaires d’Europe, imagina l’une des premières formes de national-socialisme dans son livre Rome et Jérusalem en 1862.
Ce livre inspira par ailleurs directement le mieux connu Théodore Herzl, mais aussi le non moins célèbre Vladimir Yevgenyevich Zhabotinsky, fondateur du Beitar et de l’Irgun. La doctrine raciale du talmud, mais aussi de la Kabbale (notamment le Zohar) n’est pas seulement un trait d’orgueil, commun d’ailleurs à bien des nations païennes, mais aussi une conséquence logique de la philosophie émmanentiste et panthéistique de la Kabbale, laquelle n’est jamais rien d’autre qu’une interminable spéculation autour des contenus du Talmud lui-même, ainsi que mille autres emprunts aux gnoses des nations. Il serait long de dérouler ici l’infernal développement des spéculations talmudiques et kabbalistiques à ce sujet. D’autre part, ces spéculations continuelles, amplifiées de siècles en siècles par des dynasties entières de scribes, ne cessent naturellement de se contredire. Citons seulement ce passage de Yahuda Liebes, un disciple de Gershom Scholem, tous deux étant extrêmement réputés pour leurs travaux. Dans ce passage, Yahuda Liebes tente typiquement de dédouaner le Talmud d’une quelconque animosité envers les Nations, imputant les développements suprématistes au Zohar, ce qui est absurde puisque le Sefer Ha Zohar est traditionnellement tenu pour avoir été rédigé par ou selon les enseignements de Shimon Bar Yohaï, lequel était un des plus fameux tanna du 2e siècle, disciple du Rabbi Akiva, bien qu’il existe une polémique récente, attribuant le Zohar à Moïse de Léon, qui en a publié une version au 13e siècle. Pour autant, l’exposé de Liebes est très utile :
« Bien souvent, le Zohar transforme l’enseignement rabbinique classique en des déclarations extrêmement anti-chrétiennes. Ainsi, dans la littérature rabbinique, les anges gardiens des nations du monde et de leurs terres sont des servants de Dieu ; et bien qu’inférieurs à Lui en dignité, ils ne sont pas perçus comme négatifs per se. Dans le Zohar en revanche, ils sont généralement décrits comme les émissaires de la Sitra Ahra ; ils sont eux-mêmes qualifiés parfois de sitrin ahranin (Zohar, II, 33a). Le dieu des gentils (identifié avec leurs anges) est nul autre que Satan, lequel est appelé el aher (« un dieu différent »). L’âme des gentils trouve son origine en ce dieu (tout comme l’âme d’Israël est une partie du Dieu transcendant) et c’est pourquoi l’âme des gentils est impure (Zohar, I, 47a) et c’est pourquoi aussi les gentils sont une cause d’impureté aussi longtemps que leurs âmes sont en leurs corps (Zohar, I, 139a).[2]»
Il n’est pas possible de comprendre la gravité historique du projet sioniste, sans en comprendre les fondamentaux théologiques et philosophiques, lesquels ne se fondent nulle part ailleurs que dans le Talmud et les élucubrations kabbalistiques. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles la question de la Palestine, pendant les années 1940 et 1950, fut un immense défi, peut-être le plus grave, pour la diplomatie de l’Eglise, alors complètement esseulée, sans appui du moindre trône ou gouvernement catholique de quelque importance dans le monde, en assumant qu’il demeurait encore de telles forces politiques à l’époque de Pie XII. Au final, la seule concorde qui cimente encore cette société juive apostate, aujourd’hui dotée d’un état, c’est une concorde essentiellement raciale, naturaliste, pour ne pas dire païenne. Ce qui fait d’ailleurs de cette entité un véritable paradoxe et un sujet de discorde continue dans le concert des nations de ce nouvel ordre mondial, mais aussi dans la société sioniste elle-même. Il existe une certaine radicalisation religieuse de cette société, que ce soit dans l’état sioniste ou bien dans les multiples diasporas dans le monde. A ce titre, il se jouera tôt ou tard un affrontement entre les factions juives désirant le plein établissement social de la Halakha (laquelle est partiellement active dans la législation sur les mariages et divorces dans l’état sioniste, sous la supervision du grand-rabbinat bicéphale), et les factions laïques et plus ou moins agnostiques, qui sont déjà mises en minorité. Restera ensuite aux différentes factions religieuses juives de se déchirer entre elles sur les interprétations de leurs propres spéculations. Abnar de Burgos, juif converti à un catholicisme virulent (il professait d’ailleurs des doctrines déterministes hétérodoxes) et qui écrivit des sommes d’apologétique en hébreu, observait déjà en son siècle l’apologète que les différentes sectes juives se disputaient sans cesse entre elles, par autorités autoproclamées interposées, sur l’interprétation de leurs doctrines évoluant sans cesse de communauté en communauté, de décennie en décennie.
Un exemple célèbre est celui du mystérieux Abraham Aboulafia (1240-v.1290), réputé comme fondateur de la « kabbale prophétique » et en fait, précurseur de toutes les écoles de la kabbale active. Né en Navarre, étudiant brillant, instruit par son père Samuel Aboulafia, mais aussi par des sommités de la Kabbale « traditionnelle » tels que Hillel Ben Samuel, inspiré par le mysticisme proto-illuministe d’Eleazar de Worms (1176–1238), Abraham Aboulafia fut probablement le transmetteur décisif et précoce de la révolution « moderniste » de la Kabbale des 16e-18e siècles. En son siècle, il quitta tôt l’Espagne, pris de visions, et il diffusera activement sa doctrine kabbalistique en Italie et en Grèce, après avoir fait un bref séjour en Palestine où il ne peut demeurer longtemps à cause des guerres entre mongols et turcs. C’est lui aussi qui se rendra célèbre pour avoir entrepris vers 1280 de visiter le pape Nicolas III à Rome afin de le convertir à une forme originale et précoce de de syncrétisme apocalyptique. On sait aussi que le pape Nicolas III condamma immédiatement Aboulafia à mort, mais paradoxalement, c’est le pape Nicolas III qui décéda d’une attaque d’apoplexie le 22 août de cette année. Après avoir été brièvement détenu par les Franciscains, Aboulafia continua alors ses missions prophétiques jusqu’en Sicile, où son charisme et ses prétentions d’incarner le messie, lui attirent l’inimité des rabbins locaux, en particulier du très influent et très « docte » Rabbi Chelomo ben Aderet. La méthodologie d’ABoulafia était principalement fondée sur les pratiques exégétiques typiques de la Kabbale, à savoir le Notarikkon, le Tserouf et la Guematrie, qu’il utilisait toutefois dans des systèmes de combinaisons d’une variété invraisemblable. Mais la grande novation de la kabbale d’Aboulafia est bien sa pratique : mysticiste, ascétique, extatique, méditative et propédeutique. En définitive, méthodologie et application de la doctrine d’Aboulafia conduisent à des formes de pratiques magiques.
Aussi vaines que puissent être les spéculations des docteurs modernes du talmud et de la kabbale, l’apport décisif de quelques figures que nous avons évoquées et situées autour du XVIIIe siècle, fut déterminant dans l’apparition de ce qu’on appelle parfois sionisme religieux ou national-religieux. En effet, la domination des concepts philosophiques tirés de la Kabbale, mais aussi les procédés mystiques, ainsi que les obsessions messianiques et eschatologiques ont peu à peu, notamment à partir de l’expulsion d’Espagne, favorisé une méthode de spéculation active, où les progrès, comme les malheurs temporels des communautés juives expriment alors les plans de Dieu en action dans le monde. Cette révolution théologique –une de plus- dans les milieux juifs de l’époque pré-romantique, fut notamment permise par l’œuvre du Ari, Isaac Louria (1534-1572) et de son école de Safed. Comme tout bon kabbaliste, Louria spéculait sur le thème des origines, mais prétendait être parvenu à une compréhension plus précise encore des mécanismes métaphysiques. Il établit notamment trois concepts majeurs, que sont le ZimZum (création du monde et des 10 séphirot-vases par « contraction » de Dieu et émanation via le Ein Sof), le chevirat alekim (brisure de sept vases par le Adam Kadmon ou homme primordial, lequel n’est pas l’Adam de la Bible…) et le Tikkoun (l’homme –c’est-à-dire le juif racial- doit réparer les vases en générant lui-même des étincelles de lumière divine, le gentil n’ayant qu’un rôle secondaire, bien qu’utile, surtout s’il se conforme aux lois nohaïdes). Cette révolution philosophique popularisa certainement une nouvelle vision du monde, dans laquelle le développement de la Kabbale rendait possible une spéculation active dans le cours même de l’histoire, autour de ces deux thèmes des Origines et de la Rédemption. L’universitaire juif Gershom Sholem met bien en lumière cette évolution :
« Les principaux courants du Kabbalisme aux 12e et 13e siècles avaient achevé leur cours à la fin du 14e et au début du 15e siècle. Cela coïncida avec le commencement de la persécution des juifs en Espagne et l’apparition du judaïsme marrane en 1391 ; la littérature du 15e siècle reflète un relâchement manifeste de la pensée et de l’expression religieuse. […] Le kabbalisme était alors essentiellement le privilège de l’initié qui prend le chemin d’une pénétration toujours plus profonde dans les mystères de Dieu. Cette attitude se remarquait surtout dans l’ancienne Kabbale et sa « neutralité » à l’égard de toutes les tendances messianiques, tout en n’étant pas totale, était très nette. Cette indifférence relative à l’hypothèse que le cours de l’histoire pouvait être en quelque sorte raccourci par des procédés mystiques était due au fait qu’originellement les mystiques et les apocalyptiques avaient orienté leur pensée dans une direction inverse. Les kabbalistes concentrèrent toutes leurs puissances intellectuelles et sensibles, non pas sur la fin messianique du monde, sur l’étape finale du développement de l’univers, mais plutôt sur son commencement. Ou, en d’autres termes, dans leur spéculation, ils considéraient davantage la création que la rédemption. […] Après la catastrophe de l’expulsion d’Espagne qui changea de façon si radicale l’aspect extérieur de la Kabbale, sinon son contenu intérieur, il devint possible aussi de considérer le retour au point de départ de la création comme moyen de précipiter la catastrophe finale du monde. […] Dans cet évènement, ce qui est resté caché sous le doux aspect du Tikkun (effort pour la perfection du monde) se révélerait alors comme une arme puissante, capable de détruire toutes les forces du mal ; et une telle destruction aurait été en soi équivalente à la rédemption.[3] »
En effet, il est communément tenu que le rabbinat orthodoxe (en fait académique) s’opposa longtemps au sionisme, mais la simple affirmation de cette vue binaire est réfutée par la réalité de la synagogue moderne et apostate. Comme nous l’avons vu plus haut, c’est un rabbin ashkenaze, Zvi Kalischer, qui exposa le premier ces thèses et les justifia par ses propres spéculations théologiques ou celles des maîtres dont il s’inspirait. D’ailleurs, il n’était pas le seul à l’époque : citons aussi Yéhouda Hay Alkalay (1798-1878) ou l’idéaliste Eliezer Ben-Yehuda (1858-1922). Les autorités « orthodoxes » du 19e siècle s’opposaient surtout à l’esprit laïciste et socialiste ou « républicain » des activistes tels que Théodore Herzl, mais aussi d’initiatives telles que les Amants de Sion, fondée par des juifs russes d’abord favorables à l’assimilationnisme libéral, avant d’en être dégoûtés par les pogroms de 1881. Les amants de Sion, fondée par le médecin Léon Pinsker et l’écrivain libéral Moïse-Leib Lilienblum, fut un exemple assez typique de l’idéal national-socialiste, et libéral-religieux que partageaient beaucoup d’acteurs de cette génération, aussi bien issus de communautés religieuses que de foyers agnostiques, mais désormais résolument tournés vers une identité juive transcendante, nécessairement raciale et naturaliste. La question sioniste d’un point de vue halakhique était bien plus ouverte qu’on ne le pense, en témoignent l’activité décisive de sommités du judaïsme ashkénaze tels que le rabbin Abraham Isaac Kook (1865-1935). Issu des milieux mitnaged (et hassidique-loubavitch par sa mère) de Lettonie, il est l’illustration même de glissement radical d’un « orthodoxe » vers le sionisme politique. Il faut toutefois garder à l’esprit que Kook fut un pur produit de son environnement mitnaged, communautés notoirement adeptes de Kabbale, de même que leurs frères ennemis hassidiques, dont le mouvement fut fondé par le célèbre Baal Shem Tov (1698-1760). Kook étudia notamment auprès du Rav Schlomo Eliachiv, grand kabbaliste, disciple lointain mais direct du Gaon de Vilna, lequel fut le chef de file des mitnagdim.
En outre, les oppositions aux premiers projets sionistes furent surtout celles de personnalités juives européennes acquises à l’esprit du siècle et ayant délaissé les habitudes communautaires pour la voie de l’assimilation citoyenniste et patriotique. Il existait ainsi, avant la seconde guerre mondiale, un certain nombre d’organisations juives anti-sionistes, souvent d’idéologie socialiste, voire communiste, comme la ligue juive anti-sioniste d’Egypte, qui, comme bien d’autres, cessa toute résistance à l’aventure sioniste à la suite de la popularisation de ce concept de Shoah pour désigner, il est vrai, le grand nombre de victimes juives spécialement visées par le régime nazi pendant plusieurs années. La shoah devint ainsi, à l’instar de l’expulsion d’Espagne, un puissant catalyseur pour « l’accélération de l’histoire ». C’est d’ailleurs ainsi que cet événement historique –l’un des rares dont la version historique officielle soit défendue par la loi- est diversement interprété par quelques-uns des plus fameux rabbins de notre époque, dont Ovadia Yosef[4], ou encore, plus près de nous le très controversé Yosef Mizrachi, ou, de « meilleure réputation », le rav Ron Chaya, bien connu des francophones :
http://www.youtube.com/watch?v=-kkXG6OSmnc
Le sionisme politique a donc étrangement réussi à concrétiser le rêve mystique de la nouvelle génération des kabbalistes qui, après 1492, voulurent donner à l’enseignement de la Kabbale une diffusion plus large et populaire. Mais c’est surtout ce nouveau mode de spéculation active, ou encore de kabbalisme pratique d’Isaac Luria, qui rendit possible un certain état d’esprit, non seulement parmi la masse, mais aussi par les multiples sectes du judaïsme. Il ne faut jamais perdre de vue que cette religion appelée judaïsme, comme nous l’avons dit, n’est qu’une synergie d’hérésies charriées depuis des siècles par la judaïté apostate. Ce n’est pas parce qu’ils semblent deviser des livres saints et des saints prophètes, qu’ils ont la moindre intelligence de la vraie Foi. Et en effet, c’est par accident et par une vision synergiste de l’histoire de la religion (ou plutôt de la théologie et de la théosophie) que les doctrinaires juifs parvinrent à trouver une issue tangible à ces siècles de spéculations impies. De même que l’interprétation des sources de la Loi -ou des commentaires de celle-ci- font l’objet d’une interminable spéculation prenant des tournures variées selon les temps, les lieux et les caractères, hors de tout rationalité objective, les évolutions et turpitudes temporelles du peuple juif (ainsi que le surgissement générationnel de sages et de mystiques) expriment les signes de l’histoire, de la révélation elle-même. Les juifs impies, bien qu’ils possèdent en grande partie l’Ancien Testament, ne croient ni aux prophètes, ni aux prophéties, ayant rejeté le Messie Jésus de Nazareth. Pour se tirer de cette impasse, la perspective historique de l’hérésie du judaïsme apostat ne pouvait que confiner à une forme à la fois typique, mais unique, de culte national, non plus seulement spéculative, mais active et matérielle : ce fût l’entité sioniste.
En définitive, les théories kabbalistiques ont très tôt envahi tout le judaïsme talmudique et plus encore, le judaïsme populaire. Une concorde existe, raciale à un niveau naturel, mais également émantentiste à un niveau théologique, lequel confond alors improprement, inverse même, l’équilibre de ces rapports. Les juifs étant convaincus d’être encore comptés parmi les élus, sont persuadés d’appartenir, individuellement et collectivement, à ce que nous appelons, nous, le Corps Mystique du Christ, à savoir l’Eglise catholique, le Nouvel Israël. En cela -et bien des pères et de grands docteurs de l’Eglise l’ont remarqué depuis longtemps- il peut encore se trouver certainement, parmi le « fatras » de la tradition de la judaïté apostate, quelques fragments de vérités objectives qui suffisent à prouver que certains éléments du dogme catholique peuvent se retrouver dans cette tradition telle que rédigée dans notre ère, mais masqués et corrompus par mille autres éléments empruntés aux gnoses nationales. Par ailleurs, ceux qu’on a appellé par le passé « cabbalistes chrétiens », s’appliquaient précisément à étudier les doctrines du Talmud, et plus tard de la Kabbale, afin non seulement d’en dénoncer les hérésies métaphysiques, mais aussi parfois pour relever ce qui dans les Midrash ou même dans certains livres de la Kabbale, peuvent servir d’instrument apologétique pour faire apparaitre, parmi les erreurs de ces doctrines, des bribes de vérités dont le developpement ultérieur fut faussé. Nous traiterons dans un autre article de ce qu’on a appelé Kabbale chrétienne et des défis qu’eut à connaitre l’Eglise à l’époque des Raymond Martini (13e siècle, dans son Pugio Fidei, il démontre par les Midrash et d’autres extraits du Talmud, que les doctrines des anciens d’Israel confirment les principaux dogmes du catholicisme, en particulier celui de la Divinité et de la Messianité de Jésus-Christ, mais aussi de la Sainte Trinité), des Arnaud de Villeneuve (1240-1311), des Abner of Burgos (1270 – v.1347), des Flavius Mithridate (1450-1500 ?) et des Pic de la Mirandole (1463-1494 ; il est utile de savoir qu’il fut l’ami du zélé prédicateur Jérôme Savonarole, lequel prononcera son éloge funèbre). Plus tard, au 19e siècle, le fameux rabbin alsacien converti au catholicisme, le chevalier Drach, Nous avons rapporté l’excellent et très sage jugement du père Paul Joüon[5], grand hébraïste jésuite, a produit à ce sujet. En attendant une prochaine publication sur le sujet de la kabbale juive, de la kabbale chrétienne et du rôle qu’elles ont joué surtout dans l’avancement de l’esprit libéral et moderniste, nous recommandons à nos lecteurs de consulter le très bon article de Jérôme Rousse-Lacordaire, « La cabale au service du christianisme au 19e siècle : Le chevalier Drach et le père Perrone.[6] »
En réalité, la nouveauté du sionisme est qu’il fait apparaître de façon flagrante toutes les erreurs et l’orgueil des sectes juives. Il est même stupéfiant qu’une telle audace et un tel aveuglement puisse être concevable sur une si longue période de temps, tant il apparait pour l’observateur chrétien, que la « foi juive » ne repose sur rien d’autre qu’une foi anthropocentriste, dont le développement séculaire n’a abouti à rien d’autre qu’à consacrer la race juive comme roi, prêtre, dieu, vraie Eglise et vrai Israël tout ensemble. C’est ainsi qu’il faut comprendre la discussion entre le rebbe loubavitch et le grand-rabbin sépharade, au début de cet article, discussion où le rebbe affirmait ou rapportait que la présence divine se trouvait partout où se trouvaient au moins dix juifs réunis, même s’ils étaient ignorants de la religion. Remarquons par ailleurs, comme cette citation semble proche de celle de Saint Athanase, dans l’une de ses plus célèbres lettres :
« Les catholiques fidèles à Dieu dans la sainte Tradition, même s’ils sont réduits à une poignée, voilà ceux qui sont la vraie Église de Jésus-Christ.[7] »
Dans le Nouvel Israël, l’Eglise catholique, la profession interne et externe de la foi qualifie le sujet comme membre manifeste de cette Eglise. Il ne faut rien de plus, car :
« Le temps est venu de rassembler toutes les nations et toutes les langues. Elles viendront et verront ma gloire, et je ferai un prodige au milieu d’eux. Et j’enverrai de leurs réchappés vers les nations, à Tarsis, à Phul et à Lud, qui tirent de l’arc, à Tubal et à Javan, vers les îles lointaines, qui n’ont jamais entendu parler de moi, et qui n’ont pas vu ma gloire; et ils publieront ma gloire parmi les nations[8]. »
La raison d’être de l’Ancien Israël fut de former une nation consacrée, non seulement pour le service, mais aussi pour le témoignage de l’Eternel devant les nations rebelles des temps primitifs. C’est pourquoi l’Ecriture Sainte montre si admirablement comment l’Ancien Israël fut le prototype de l’Eglise, épouse et corps mystique du Christ, citadelle de la Foi, dont la perfection s’est accomplie dans la Révélation et la Rédemption du Seigneur Jésus. C’est pourquoi l’Eglise est insubmersible, indéfectible et infaillible et qu’aucune erreur n’a jamais et à vrai dire, ne peut fondamentalement souiller la pureté du Magistère, la tradition apostolique infailliblement détenue et conservée par les successeurs de Saint Pierre. C’est la perfection divine de cette Foi, l’indéfectibilité essentielle de cet établissement surnaturel, qui explique pourquoi il est fondamentalement impossible de falsifier la foi catholique, de même qu’il serait impossible de retirer le moindre mot de la Sainte Ecriture :
« Mais il est plus facile que le ciel et la terre passent, que ne tombe un seul trait de la Loi.[9] »
Dans le judaïsme apostat, la qualité naturelle de l’identité anthropologique juive suppose d’office l’élection, et potentiellement un état de grâce, de connection cosmique et mystique pour ainsi dire, inné, pouvant même se manifester inconsciemment. Ce cheminement constitue en vérité une immense insulte à l’Esprit Saint, Lequel ne saurait régner parmi les conspirations d’hérétiques, ni ne saurait inspirer l’hérésie. Il y a là un frappant parallèle avec la secte apostate de Vatican 2. Nous, poignée de catholiques demeurant encore dans ce monde, savons bien tout ce qui s’est passé depuis le coup d’état moderniste d’Octobre 1958 et la révolution entreprise par la secte Vatican 2 depuis lors. Il semble que nous soyons quelques-uns à nous apercevoir également que l’entité sioniste, à cause de indéniables fondamentaux qui ont conduit à sa formation, semble constituer comme une partie de l’actuel mystère d’iniquité qui se formule prioritairement par la vacance exceptionnelle du Siège Apostolique. De façon presque inattendue, et alors que les révolutions maçonniques avaient eu raison des derniers trônes réputés catholiques-mais déjà largement apostats-en Europe, l’Eglise se retrouvait au début du 19e siècle exceptionnellement isolée au sein d’un ordre international nouveau, qu’on peut littéralement qualifier de mondialiste, dans la mesure où ce nouvel ordre fut concrètement fondé sur ce que le Saint Apôtre Paul, inspiré par l’Esprit Saint, appelle « l’esprit de ce monde » (1 Corinthiens 2 ;12), dont la praxis humaine est qualifiée par le même Apôtre de « rudiments du monde » (Colossiens 2 ;20 – « elementa mundi »). La fin du 19e siècle fut véritablement celui des premières infiltrations coordonnées par les ennemis de l’Eglise[10] dans le saint sacerdoce et il fallut quelques décennies pour que d’influents et sournois modernistes se hissent à des postes importants au sein de la curie ou dans quelque évêché d’Italie, de France ou d’Allemagne. Pendant ce temps, l’isolement diplomatique quasi absolu de l’Eglise pendant l’entre-deux guerre offrait un constate saisissant avec l’immense vague de missions qui furent lancées par Elle à travers le monde dans le sillon des nations révolutionnaires conquérantes de ce qui allait devenir le « tiers-monde » dans le langage des économistes socialisants. Hélas, le mouvement colonial, habilement conduit par les systèmes dits « synarchistes » en France, en Angleterre et en Afrique, ne laissa derrière lui que des entités baroques, bien souvent inspirées par le socialisme ou par le modèle républicain français. Pendant ce temps, un mouvement colonial n’avait cessé de prendre de l’ampleur en Palestine et avait obtenu l’aval des gouvernements maçonniques après la chute de l’empire ottoman, aval consacré par la déclaration Balfour de 1917. Ce mouvement colonial, contrairement à ceux des gouvernements postrévolutionnaires européens, n’avait pas le soutien d’un état ou d’un gouvernement pour lui, mais l’influence politique prodigieuse et les ressources financières exceptionnelles des élites, magnats et grandes dynasties juives formées au 19e siècle (les fameux « rois de l’époque » de Toussenel).
Ainsi, se forma en Palestine un premier faux Israël de l’ère moderne (il y eut une autre brève tentative au 7e siècle), illégitime et infondé, reposant à la fois sur l’hérésie juive et sur une forme de socialisme national pour ce qui est de l’expression idéaliste de ce mouvement. La chose n’a pas encore été explicitement et solennellement déclarée par l’Eglise, mais il est un fait que ce sionisme juif, en raison de ses justifications, aussi bien théologiques que politiques (lesquelles sont insoutenables sans arguments théologiques et n’échappent à la condamnation de la pensée démocratique du monde actuel, qu’en raison du culte mondial construit autour d’une repentance indue), constitue une hérésie publique et active tout à fait remarquable. Un article complet sera là aussi nécessaire afin d’exposer les relations diplomatiques entre les papes (depuis la rencontre Saint Pie X/Herzl jusqu’à la rencontre Pie XII/Moses Sharett) et les divers activistes sionistes de la fin du 19e siècle jusqu’à 1958. Nous en avions déjà développé quelques aspects, essentiellement sur le plan théologique dans un précédent article[11]. Nous avions également relevé la pensée et l’action de l’un des acteurs du réseau d’influence juive auprès du premier usurpateur moderniste, Jean XXIII et des effets de ces relations dans les hérésies de Vatican II concernant le judaïsme[12]. Cette fausse église, la secte moderniste issue de la rébellion de Vatican 2, semble constituer comme un autre faux Israël, surgissant en 1958, dix ans après le 15 mai 1948 et la proclamation unilatérale (mais soutenue par la résolution 181 du 29 novembre 1947 à l’ONU) de l’existence de « l’état d’Israël » par David Ben Gourion. Les premières élections de l’entité sioniste se dérouleront en octobre 1948. Depuis lors, ces deux faux Israël marchent main dans la main, comme s’il s’agissait de vieilles retrouvailles entre deux factions d’une gnose de fond commun, deux lointains descendants des pharisiens, orgueilleux érudits se croyant plus sages que Dieu Lui-même. Un autre point commun entre ces deux factions, est qu’elles sont de purs produits du renouveau philosophique de la gnose (y compris de la gnose juive qui est la Kabbale) dans l’ère moderne, aussi partagent-elles une certaine ancienneté, et même de fréquentes filiations, pas seulement philosophiques, mais aussi humaines. Nous avons commencé cet article en devisant à partir d’un propos tenu entre le rebbe loubatitch Schneerson, et l’ancien grand-rabbin sépharade Mordekhaï Tzemah Eliyahou.
Concluons sur l’opinion notoirement tenue par l’ancien grand-rabbin ashkénaze (démissionnaire en 2013) Yona Metzger, qui mélange adroitement un style haredi aussi bien religieux que politique, avec un style moderne, promouvant une relation d’ouverture avec le monde non-juif ou les nouvelles technologies. Il fut régulièrement mis en cause dans des affaires de corruption et de trafic d’influence par la justice de l’état sioniste, mais il fut aussi un activiste assez remarquable du dialogue interreligieux, entretenant des relations très cordiales avec les dignitaires des sectes d’Inde ou du Tibet, comme le Dalaï Lama. Toutefois, il ne faudrait pas penser que Rav Metzger soit un pur relativiste. Il resta longtemps, même comme grand-rabbin, un disciple attentif de Yosef Shalom Elyashiv, une sommité des milieux talmudiques haredi, mort en 2012 et qui était lui-même le disciple d’Abraham Isaac Kook, dont nous avons déjà parlé. Par exemple, Yona Metzger se félicita et remercia à diverses reprises les occupants du Vatican de ne pas chercher à évangéliser les juifs, en particulier à la suite d’une visite de Benoit XVI à Jérusalem[13]. Il ne s’agissait là que d’un renouvellement de vœux, puisque comme nous l’avons montré dans un précédent article[14], à la suite des documents hérétiques de Nosta Aetate concernant la question juive, les antipapes modernistes, ainsi que leurs évêques, n’ont eu cesse d’enseigner partout cette doctrine impie selon laquelle les juifs apostats seraient toujours le « peuple élu », que les erreurs de cette fausse religion n’ont aucune responsabilité dans la mise à mort du Messie et qu’il ne faut pas chercher à convertir les juifs, qui n’en ont pas besoin. L’évangélisation des juifs est concrètement assimilée à de l’antisémitisme, pur et simple[15].
Une forme d’œcuménisme s’est développée depuis un certain temps au sein même du rabbinat talmudique orthodoxe, notamment à l’attention des dénominations chrétiennes, en particulier la secte moderniste. Toutefois, cet œcuménisme syncrétique peut être jugé tout à fait orthodoxe du point de vue des sectes juives. Ainsi, en décembre 2015, une déclaration commune de rabbins orthodoxes et orthodoxes-libéraux reconnaissait Jésus comme une personnalité estimable, un « sage juif », l’opération consistant essentiellement à réduire ce Jésus à un simple mystique juif[16]. Cette initiative fut naturellement critiquée au sein d’autres tendances juives plus radicales, mais fut défendue aussi par l’universitaire orthodoxe-libéral Eugene Korn qui déclara de façon intéressante :
« Maintenant que presque toutes les églises chrétiennes condamnent l’antisémitisme et témoignent de l’Alliance entre Dieu et le peuple juif, il n’y pas de raison de ne pas considérer ces points de vue positifs sur le christianisme.[17] »
Il s’agit ici en résumé et en filigrane, de l’expression même de la doctrine noachide diffusée par le kabbaliste Elie Benamozegh (1823-1900), lequel affirmait :
« La constitution d’une religion universelle est le but final du judaïsme […] Le culte spécial d’Israël est la sauvegarde, le moyen de réalisation de la vraie religion universelle ou noachisme, pour employer le mot des Rabbins.[18]»
Dans l’une de ses lettres à son disciple, l’apostat français Aimé Pallière :
« La religion de l’humanité n’est autre que le Noachisme… Voilà la religion conservée par Israël pour être transmise aux gentils… Le noachide est bel et bien dans le giron de la seule église vraiment universelle, fidèle de cette religion comme le Juif en est le prêtre, chargé, ne l’oubliez pas, d’enseigner à l’humanité la religion de ses laïques, comme il est tenu, en ce qui le concerne personnellement, de pratiquer celle de ses prêtres.[19] »
Benamozegh, en plus d’être un ardent défenseur de la Kabbale en son temps, tentait de démontrer l’origine kabbalistique des dogmes chrétiens. Ses considérations sur les églises, en particulier l’Eglise catholique, se rapprochaient certainement de la tradition d’Aboulafia, mais également des martinistes et dans une moindre mesure, des synarques alveydristes. Dans l’un de ces essais comparatifs sur le sujet, Morale Juive et Morale chrétienne, il prétend aussi démontrer que le catholicisme ne serait pas suffisamment politique, mais par trop moral, et chose plus remarquable, il critique le christianisme pour être négateur des nationalités :
« Deux points sur lesquels la charité israélite surpasse infiniment la charité chrétienne, ce sont la patrie et la société… ces deux groupes, ces deux grandes formes de l’agrégation humaine ont enrichi de leurs dépouilles et de la charité toute spéciale qui leur appartient cette autre charité, cet autre amour qui est l’apanage du christianisme, la charité universelle. […] Il fond tout, individu, famille, cité, patrie surtout, dans cette agrégation plus vaste, dans cette charité toute abstraite… qu’on l’appelle monde humanité ou Église… S’il est parvenu à créer cette illusion c’est qu’il a tout ôté à l’individu, à la famille, surtout à la patrie, pour le donner à l’humanité : c’est qu’il a simplement replacé ce que l’hébraïsme, plus équitable, avait réparti entre tous les groupes… il a gagné en étendue ce qu’il a perdu en intensité[20]. »
Très faibles, parfois même pitoyables, les arguments et prétendues réfutations apportées par Benamozegh nous ont parfois semblé étonnantes de stupidité, mais en réalité, Benamozegh développe avant tout une pratique active de séduction à l’attention d’un public sensible à l’hérésie. De plus, il est frappant que ressorte ici cet argument, par ailleurs très faux, concernant l’universalisme « débilitant » du christianisme. Tout d’abord parce qu’il s’agit d’une critique commune des milieux nationaux-socialistes de tendance païenne de la fin du 19e-début du 20e siècle, critiques reprises par toute une aile historique de la nouvelle droite, et reprise encore aujourd’hui par les éléments qui se disent catholiques, tout en étant inspirés par les idéologies de la nouvelle droite ou de diverses écoles nationalistes. Revenons maintenant à l’extrait vu plus haut dans la correspondance entre Benamozegh et Pallière, dont l’idée centrale est reproduite dans son fameux livre Israël et l’Humanité : « Le noachide est bel et bien dans le giron de la seule église vraiment universelle, fidèle de cette religion comme le Juif en est le prêtre, chargé, ne l’oubliez pas, d’enseigner à l’humanité la religion de ses laïques, comme il est tenu, en ce qui le concerne personnellement, de pratiquer celle de ses prêtres. »
Ainsi, sous les apparences mensongères de la tolérance et de la bienveillance (la justice et la charité pures, nous dit Benamozegh), on trouve peut-être dans le noachisme, l’aboutissement spéculatif de la course folle et insensée de la Kabbale juive, d’autant plus que cet aboutissement coïncide avec une époque où jamais les juifs n’ont été aussi influents dans le monde. L’apostolat noachide opéré par les juifs modernes, y compris les talmudistes les plus orthodoxes, consiste donc à laisser croire aux nations que leurs religions (logiquement tenues comme fausses, sauf à considérer le système des coincidentia oppositorum typiques de la Kabbale moderne) sont vraies, bonnes, plaisent à Dieu, tant qu’elle se contentent d’observer les sept lois noachides et surtout d’accepter les juifs comme peuple-prêtre, émanation perpétuelle de Dieu sur terre, chargé de conserver, de transmettre et d’interpréter les mystères de la connaissance de Dieu. C’est pour cela que le Rav Yona Metzger n’hésite pas à participer activement à la création d’un organisme interreligieux international, calqué sur le modèle des Nations Unies. Il déclare ainsi :
« Mon rêve est de créer les Nations Unies de la Religion, de même qu’il existe les Nations Unies à New-York Les diplomates ne réussissent pas à apporter la paix dans le monde. Ils ont besoin d’aide. Et cette aide peut être fournie par le langage religieux. Ces Nations Unies des Religions incluraient également les hindous et les bouddhistes. Nous, personnes religieuses, parlons le même langage[21] ».
Pour le coup, Yona Metzger ne ment pas. Toutes les fausses religions, y compris celles de nos deux faux Israël contemporains, parlent le langage de leur inspirateur, le père du mensonge. Au final, la foi des juifs, de même que la foi des modernistes, ne repose sur aucune autre certitude, ni aucune autre loi que celle des hommes. N’est-ce pas de cette conjuration dont parle le Psalmiste, prophétisant les souffrances du Divin Sauveur :
« Yahweh, délivre-moi de l’homme méchant, préserve-moi des hommes de violence, qui méditent de mauvais desseins dans leur cœur, qui excitent sans cesse la guerre contre moi, qui aiguisent leur langue comme le serpent, et qui ont sous leurs lèvres le venin de l’aspic. — Séla. Yahweh, garde-moi des mains du méchant, préserve-moi des hommes de violence, qui méditent de me faire trébucher. Des orgueilleux me dressent un piège et des filets, ils placent des rets le long de mon sentier, ils me tendent des embûches. — Séla.[22] »
N’est-ce pas ces langues de vipères que le Divin Sauveur condamne dans l’Ecriture :
« Serpents, engeance de vipères, comment éviterez-vous d’être condamnés à la géhenne? C’est pourquoi voici que je vous envoie prophètes, docteurs et scribes. Vous en tuerez et crucifierez, vous en flagellerez dans vos synagogues, vous en persécuterez de ville en ville, afin que retombe sur vous tout le sang innocent répandu sur la terre, depuis le sang du juste Abel jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le sanctuaire et l’autel. En vérité, je vous le dis, tout cela viendra sur cette génération. Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés! Que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu ! Voici que votre maison va vous être laissée (déserte). Car, je vous le dis, vous ne me verrez plus désormais que vous n’ayez dit: Béni celui qui vient au nom du Seigneur![23] »
En vérité, peut-il seulement y avoir un judaïsme orthodoxe, un judaïsme libéral, un judaïsme réformé, un kabbalisme traditionnel, un talmud à l’interprétation certaine, un kabbalisme magique vertueux ou encore un kabbalisme magique mauvais ? En réalité, comme toutes les hérésies, le judaïsme, sous toutes ses formes, ne s’accorde sur aucune unité de foi objectivement visible et encore moins cohérente avec la Sainte Révélation. Comme dans toutes les hérésies, c’est le règne du menteur qui prévaut et ce royaume est divisé contre lui-même[24], raison pour laquelle il est intrinsèquement et irrémédiablement appelé à s’effondrer, à cause de l’aberration fondamentale qui le constitue. Sage était l’avis du grand hébraïste, le père Joüon, qui conseillait de se méfier des voies apologétiques imprudentes, surtout celles qui facilitent le consentement coupable à l’hérésie et au mensonge. C’est de cette façon que furent certainement charmés un grand nombre de modernistes par le passé. Malgré la puissance temporelle acquise par les deux faux Israël des temps contemporains, la faiblesse, sinon l’absence même de toute fondation à leur édifice contraste terriblement avec l’infaillible solidité du roc catholique, qui subit peut être la plus inouïe tempête jamais connue sous notre ère. Malgré l’éclipse de l’Eglise, le Vrai Israël continue d’être perceptible de tous, à cause de la perfection de sa constitution, et l’indéfectibilité qui en résulte intrinsèquement. Le dogme catholique, l’Eglise catholique, ne peuvent être abattus.
Br. G. de Hazel
[1] Haaretz, 20 Octobre 2010, ADL slams Shas spiritual leader for saying non-Jews ‘were born to serve Jews
[2] Yehuda Liebes, Studies in the Zohar, Suny Press, 1993, p. 244
[3] Gershom Sholem, Les grands courants de la mystique juive, Isaac Luria et son école, Ed. Payot, Paris, 2014, pp.357-360
[4] ABC News, Rabbi says holocaust victims were sinners, 6 Aout 2000, https://abcnews.go.com/US/story?id=96252&page=1
[5] https://fidecatholica.wordpress.com/2018/07/28/apologetique-pere-paul-jouon-conseils-de-prudence-concernant-la-bonne-et-la-mauvaise-kabbale/
[6] Jérôme Rousse-Lacordaire, La cabale au service du christianisme au xixe siècle
Le chevalier Drach et le Père Perrone, in Revue des sciences philosophiques et théologiques, tome 96, éditions du Cerf, 2012, https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2012-4-page-703.htm
[7] Saint Athanase, Lettre de l’évêque d’Alexandrie à son troupeau, Coll. Selecta SS. Eccl. Patrum, Caillau et Guillou, vol. 32, pp. 411-412 https://fidecatholica.wordpress.com/2017/05/02/vie-des-saints-le-pouvoir-materiel-des-heretiques-est-vain-selon-saint-athanase-pere-et-docteur-de-leglise-296-375/
[8] Isaie 66 ;18-19
[9] Luc 16 ;17
[10] Alta Vendita, Instruction permanente de destruction de l’Eglise, ou « complot de la Haute Vente, Loge des Carbonari », dont le texte intégral fut publié chez J. Crétineau-Joly (L’Eglise romaine face à la révolution, 1859), Mgr. G.F. Dillion (La guerre de l’antéchrist avec l’Eglise et la civilisation chrétienne, 1885 et Le Grand Orient de la Franc Maçonnerie démasqué : la puissance secrète derrière le communisme). Lire le texte intégral ici : https://foicatholique.files.wordpress.com/2015/04/alta-vendita-instruction-permanente-de-destruction-de-leglise2.pdf
[11] https://fidecatholica.wordpress.com/2018/03/21/sionisme-le-dispensationalisme-protestant-et-lheresie-juive-de-vatican-2/
[12] https://fidecatholica.wordpress.com/2018/03/21/sionisme-jean-xxiii-et-jules-isaac-lalliance-impie-de-vatican-2-et-du-sionisme-juif/
[13] https://www.jpost.com/Israel/Vatican-to-stop-missionizing-Jews#article=0QUZERkEyMjIxN0U4NzREQzcwQjFGNDgwMDJDODRBMDY=
[14] L’hérésie entretenue par les chefs modernistes de la secte Vatican 2 trouve ses origines dans le mouvement protestant dit « dispentionnaliste » : https://fidecatholica.wordpress.com/2018/03/21/sionisme-le-dispensationalisme-protestant-et-lheresie-juive-de-vatican-2/
[15] http://time.com/4145056/vactican-catholics-jews-convert/
[16] http://www.israeltoday.co.il/NewsItem/tabid/178/nid/28027/Default.aspx
[17] https://www.breakingisraelnews.com/58347/storm-controversy-swirls-around-orthodox-rabbinic-statement-promoting-interfaith-relations-biblical-zionism/#ceDf1iBLD2rwUVc0.97
[18] Elie Benamozegh, Israël et l’Humanité, Rééd. Albin Michel 1980, p. 28-29
[19] Lettres d’Elie Benamozegh citées par Aimé Pallière : Le Sanctuaire Inconnu, Paris, 1926).
[20] Elie Benamozegh, Morale juive et morale chrétienne, Paru en 1867 à Paris et réédité en 2000, In Press Éditions, pp.130-131
[21] DER SPIEGEL, Interview with Rabbi Yona Metzger, « My dream is to create a United Religious Nations, 24 décembre 2008, http://www.spiegel.de/international/world/spiegel-interview-with-rabbi-yona-metzger-my-dream-is-to-create-a-united-religious-nations-a-598234.html
[22] Psaume 140 ; 2-6. Voir aussi Psaume 10 ;7. Aussi Psaume 52 ;4-6
[23] Matthieu 23 ;33-39. Voir aussi Romains 3 :13 et Jacques 3 :8
[24] Matthieu 12 ;26