Cardinal Villeneuve : Lettre pastorale pour la Croisade de la moralité chrétienne

C’est d’abord dans la tenue en général que se manifeste le laisser-aller qui, trop souvent, hélas, conduit à l’impureté. Que de personnes sont esclaves de ces modes qui ignorent les règles élémentaires de la modestie et qui constituent parfois une provocation directe au mal. Grâce à Dieu, les femmes chrétiennes de nos milieux ne paraissent à l’église et, généralement dans les assemblées publiques, que décemment vêtues. De même, il nous plaît de constater que la plupart des femmes vont sur la rue convenablement mises.  Mais que sera-ce demain, si l’on songe à la vogue croissante de « ces vêtements si exigus ou tels qu’ils semblent faits plutôt pour mettre davantage en relief ce qu’ils devraient voiler », comme l’observe Pie XII (1).

Trop de jeunes filles acceptent facilement les raccourcis indécents, parfois provocateurs, les décolletés audacieux où elles ont parfois l’impudence de placer la croix de Notre-Seigneur, Maître de pureté ! Trop d’entre elles s’exhibent en « shorts », encore timidement sur la rue, mais avec sans-gêne au jeu ! Souvent elles réduisent encore leur costume de plage. Immodestes de leur nature même, ces vêtements doivent être bannis de nos mœurs, même dans les sports (2). Notons de plus que le port du pantalon sous le moindre prétexte, ou, ce qui est pire, dans le but de s’exhiber en public, n’est pas digne d’une vraie chrétienne.

Au déshabillé et au laisser-aller de la vie en plein air s’ajoute l’usage déplorable et trop répandu chez des chrétiennes même pratiquantes de circuler à l’intérieur de leur foyer dans le plus léger accoutrement. Comme on est loin des délicatesses de nos mères chrétiennes d’autrefois ! On plaindrait les femmes de mœurs douteuses qui accepteraient ces raccourcis, ces décolletés, ces déshabillés. Mais qu’une chrétienne, une épouse, une mère, une jeune fille, loin de réagir contre ces courants pervers, s’y engagent trop souvent à cœur joie, désapprennent peu à peu la modestie, l’ignorent, la méprisent même, comment ne pas en être stupéfié et attristé jusqu’aux larmes !

L’homme lui-même n’échappe pas au goût de l’exhibition de sa chair : on va le torse nu en public, on porte un pantalon ou un maillot collant trop abrégé. On commet par là des infractions à la vertu de modestie, quand on n’est pas occasion de péché, en pensée ou en désir, pour le prochain.

Ce qui nous paraît plus grave encore, non certes comme provocation au mal, mais plutôt comme habitude néfaste et pouvant conduire très loin, c’est, dans le costume des fillettes, la robe trop écourtée, la nudité complète des bras et des jambes, quand cela ne va pas jusqu’à celle du torse. Sans le savoir, ces pauvres enfants scandalisent ainsi, et souvent, leurs petits frères. Comment une mère chrétienne peut-elle l’oublier ? Si ces enfants aperçoivent dans la rue quelque soutane, signe du gardien de la modestie et de la morale, elles se hâtent de tirer ce qui leur reste de vêtement pour se couvrir. Ces fillettes vieilliront. Pour être modestes, et souvent pour être pures, elles devront remonter tout un courant qui les a entraînées jusque-là. Le pourront-elles vraiment ? Pauvres mères, vous violez, sachez-le, vos graves devoirs d’éducatrices.

L’immoralité se sert donc de la mode pour corrompre les âmes ; elle utilise aussi le sport, pourtant si utile et si nécessaire pour la santé du corps. C’est une ruse de Satan de détourner de leur fin des jeux, des plaisirs, des divertissements, des amusements dont le but premier est de reposer le corps en rendant plus agréable la vie en société. Satan se réjouit de ces « parties de sport qui se déploient dans des conditions de vêtements, d’exhibitions et de camaraderie inconciliables avec la modestie même la moins exigeante »(3).  De fait, on met tant de soin à créer pour le sport le vêtement qui déshabille ou qui séduit, et, à la vérité, sous les plus fallacieux prétextes ; on participe avec tant de sans-gêne à ces parties de plaisirs qui font des jeunes gens et des jeunes filles des compagnons de vie d’un jour, loin des yeux et des regards protecteurs ; la camaraderie devient vite familiarité déplacée, et, les liqueurs alcooliques aidant, la familiarité tourne en compagnonnage éhonté. Ainsi les excursions, les parties de ski ou de chalet, l’exercice du patin sous toutes ses formes, d’autres amusements encore, deviennent directement ou indirectement des occasions de fautes d’autant plus alléchantes qu’elles se présentent sous le couvert d’un délassement de soi légitime.

(…)

Tel est donc le jugement du chrétien sur ce problème angoissant de l’immoralité moderne. Conscient de sa dignité d’homme et de chrétien, conscient des funestes conséquences de l’immoralité sur la famille et la société civile, il estime à un haut prix la belle vertu de pureté et il la pratique selon les exigences de son état de vie. Il comprend que la morale est supérieure au plaisir et à la mode, qu’il est des limites qu’il n’est jamais permis de franchir sans faire injure à sa conscience et à sa foi. Pour lui, la moralité, et spécialement la pureté, sont des trésors qu’il importe de protéger contre toute violation. En les protégeant, par tous les sacrifices nécessaires, il a la joie d’accroître la gloire de l’Église sa Mère et la satisfaction d’aider ses frères.

(…)

La lutte est donc inévitable. Vous l’accepterez courageusement, et pour en sortir victorieux, vous surveillerez les occasions de péché, vous les éviterez avec la grâce de Dieu : vous n’entretiendrez pas de pensées mauvaises, vous ne réchaufferez aucun désir inavouable, vous fuirez les mauvaises compagnies, vous refuserez de laisser corrompre votre esprit par une littérature obscène et des illustrations provocatrices, vous conserverez votre cœur ferme et droit en évitant les fréquentations risquées, les danses immorales, et le cinéma corrupteur, les réunions sociales païennes, l’oisiveté, mère de tous les vices, et l’intempérance dans l’usage des boissons enivrantes. En un mot, pour pratiquer la pureté, vous cultiverez la pudeur, qui est une crainte instinctive de ‘âme aux premières approches du mal ; vous cultiverez la modestie, qui est la modération, le sens de la mesure, qui fait éviter habituellement tout ce qui est de nature à exciter en vous-mêmes et dans les autres la passion sexuelle. La pudeur et la modestie, tels sont les ornements et les gardiennes de la pureté.

(…)

Votre [celle de pères et mères de famille] action éducatrice s’exercera dès le bas âge, à cette période où se créent des habitudes qui influenceront toute la vie. De grâce, n’habituez pas vos enfants au déshabillé, nous oserions dire, au nudisme. « O mères chrétiennes, s’exclame le Souverain Pontife, si vous saviez quel avenir d’angoisses et de périls, de honte mal contenues, vous préparez à vos fils et à vos filles en les accoutumant imprudemment à vivre à peine couverts, et en leur faisant perdre le sens de la modestie, vous rougiriez de vous-mêmes et vous redouteriez l’injure que vous vous faites à vous-mêmes et le tort que vous causez aux enfants que le ciel vous a confiés pour les élever chrétiennement » (4).

Mgr. Jean-Marie-Rodrigue Villeneuve, Lettre pastorale collective, « La Croisade de la Pureté », n°114, 5 mai 1946 ; Mandements, lettres pastorales et circulaires des évêques du Québec, volume 17, 1943-1954, Chancellerie de l’archevêché, Québec, 1955, p. 241-243 ; p. 253-254 ; p. 257 ; p. 259.


Notes

(1) Pie XII, La Mode, Discours du 22 mai 1941.

(2) Synode de Québec (1940), décret 102, note : « Que si l’on demande en quoi consiste un habit modeste et décent (au minimum) pour une chrétienne, on comprendra que c’est celui qui couvre la poitrine et les bras d’étoffes non transparentes, qui descend au moins à mi-jambe, et dont la coupe d’une ampleur convenable protège la pudeur en dissimulant les lignes du corps » (Cardinal Rouleau, 8 décembre 1930Mandements des Évêques de Québec, vol. XIII, Supplément 36) ; Son Excellence le Cardinal Villeneuve, Communication de l’Archevêché de Québec contre les modes païennes27 juin 1945 Semaine Religieuse de Québec, 57e année, n° 44, 5 juillet 1945. p. 690 ; Mgr Arthur Douville, Mandements des Évêques de Saint-Hyacinthe, vol. XXI, p. 354.

(3) Pie XII, La Mode, Discours du 22 mai 1941 pour la Croisade de la Pureté

(4) Pie XII, ibid.

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2 commentaire

  1. […] « la croisade de la pureté ». Dans de nombreuses allocutions, ils dénoncent déjà le « nouveau paganisme » qui frappe la société et qui diffuse des mœurs de plus en plus […]

  2. […] croisade de la pureté ». Dans de nombreuses allocutions, ils dénoncent déjà le « nouveau paganisme » qui frappe la société et qui diffuse des mœurs de plus en plus […]

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