Une Rupture Politique – Considérations sur l’avenir politique de la France et de l’Europe

Je vais aujourd’hui vous présenter de manière synthétique les principales idées et projections que j’ai récemment développé en ce qui concerne l’actualité politique française. Cette synthèse permettra aussi, je l’espère, de toucher plus facilement les bonnes personnes au sein de l’union nationale et de leur faire entendre raison sur un certain nombre de principes fondamentaux qui sont indispensables à toute restauration positive et durable de la nation française au sein d’une Europe et d’un monde en voie de reconfiguration politique et géopolitique.

Je vais développer mon propos en dix points qui vont concerner spécifiquement les enjeux politiques dans le cadre de ces élections législatives et je vais conclure en faisant 4 « prédictions » qui concernent l’avenir prochain de la France, de l’Europe, de l’Eglise et du monde.

N°1. Un pas dans le bon sens

Pour commencer, nous devons tous nous mettre d’accord sur le fait que de manière objective et réaliste, en considérant la situation extrêmement grave dans laquelle se trouve la France sur le plan temporel, il faut bien évidemment souhaiter une victoire politique du Rassemblement National lors des prochaines élections législatives. La France fait face à plusieurs urgences vitales, en particulier en ce qui concerne l’immigration de masse, la sécurité des biens et des personnes et la protection de notre modèle social et économique. Mon propos n’est pas un appel à voter ou à ne pas voter pour le RN. Mon propos est une analyse politique froide et sans autre prétention que de favoriser le bien commun et la diffusion des idées de l’intégralisme catholique au sein du discours politique national. Actuellement, le RN constitue l’option politique la moins pire face au bloc macroniste et surtout au bloc de gauche qui s’il arrivait au pouvoir, plongerait la France dans un véritable chaos au sein duquel il nous serait beaucoup plus difficile de défendre le bien commun et les principes de la foi catholique. Une approche réaliste des choses exige donc de souhaiter la victoire de l’union nationale car malgré les réserves que nous avons en ce qui concerne certains aspects de la philosophie politique qui domine actuellement au sein du RN, le principe de réalité ainsi que la situation d’urgence dans laquelle se trouve le pays s’imposent à nous. Même si les choses sont loin d’être satisfaisantes sur le plan des principes, la victoire du RN serait un pas dans le bon sens sur le plan temporel et cette victoire nous offrirait une base politique et institutionnelle beaucoup plus saine pour espérer reconstruire un avenir français en Europe et y pour diffuser nos idées. En effet, de la même façon que les gouvernements libéraux-démocrates ou sociaux-démocrates sont naturellement poussés toujours plus à gauche par l’effet sinistogyre du libéralisme, on peut supposer qu’un gouvernement RN de centre-droit serait naturellement orienté par son « aile droite », en particulier sur tout ce qui concerne les questions éthiques et sociétales. Là encore, il s’agit d’un principe de réalité dont nous devons tenir compte.

N°2. La victoire doit être totale

Nous l’avons déjà dit et Jordan Bardella en est parfaitement conscient : le RN devra obtenir une majorité absolue lors des législatives s’il veut pouvoir gouverner. C’est une condition sine qua non et c’est ici que se trouve son défi immédiat. En cas de majorité absolue, le RN pourrait alors entrer en force au gouvernement, s’emparer des ministères régaliens et mettre en place les mesures qui s’imposent de toute urgence sur un certain nombre de thématiques. Si le RN n’obtient qu’une majorité relative ou pire encore, s’il se trouve mis en ballotage par le bloc de gauche, un véritable blocage politique s’installerait dans les institutions. Macron préferera évidemment composer un gouvernement avec des cadres du parti socialiste ou du centre-droit, voire même de la gauche radicale. Macron jouera alors à fond sur le thème du consensus démocratique et du « front républicain », ce qui impliquera presque automatiquement l’isolement du RN, qui n’occuperait qu’une place marginale au sein du gouvernement et refusera donc probablement d’y participer. Le RN retournerait alors dans l’opposition et l’alliance avec les républicains ciottistes pourrait alors être temporairement compromise. Un autre scénario, tout aussi probable, serait qu’en cas d’absence de majorité claire, avec deux blocs de droite et de gauche majoritaires face au bloc présidentiel réduit à peau de chagrin, Emmanuel Macron pourrait utiliser l’article 16 de la constitution pour s’arroger les pleins pouvoirs, au moins pendant une durée de 30 jours, en déclarant l’état d’urgence. Cette perspective est très réelle, Emmanuel Macron venant de nous prouver qu’il n’a pas peur de provoquer des ruptures en se servant des avantages de la monarchie présidentielle. Il suffirait de quelques troubles et de quelques émeutes, provoquées par la gauche radicale et par la racaille de banlieue pour lui fournir un prétexte.

N°3. Le RN doit confirmer son recentrage sur l’échiquier politique

Pour garantir sa victoire aux législatives, le RN doit donc poursuivre son travail de recentrage qui objectivement a été jusqu’ici un succès sur le plan électoral, médiatique et institutionnel. Pour incarner le pouvoir, le RN doit devenir le centre politique des institutions françaises. Face à l’extrême-gauche et à l’extrême-centre, de plus en plus de Français considèrent désormais que le RN constitue l’option politique la plus raisonnable, ce qui en soi, est un basculement fondamental dans l’histoire de la 5e République. La Macronie est totalement décrédibilisée par son bilan catastrophique tandis que la gauche est détestée par l’électorat populaire à cause de son « wokisme » et de ses excès en tous genres. Cela étant dit, il est évident que la victoire du RN ne sera pas aussi facile qu’aux Européennes. La Macronie et la gauche vont chercher à mobiliser à fond l’électorat parasitaire Français au cours de ces législatives, c’est à dire la gérontocratie rentière des banlieues bourgeoises et des résidences secondaires, la bourgeoisie adolescente et estudiantine des centre-villes et le public communautariste des banlieues multiculturelles. Le RN est attendu sur les dossiers de l’immigration, de l’insécurité et du pouvoir d’achat. Ce sont les trois préoccupations principales de la majorité des Français, toutes origines confondues, et ce sont les raisons pour lesquelles les Français votent massivement pour le RN aujourd’hui, que ce soit en Moselle, dans le Tarn et Garonne, en Guadeloupe ou à Mayotte. Le RN doit donc se concentrer sur ces sujets. Bardella l’a bien compris et il ne manque pas une occasion de le rappeler à chaque instant durant cette campagne. Incarner le centre politique, c’est avant tout incarner le nouveau point de rassemblement des aspirations élémentaires des forces vitales de la Nation. Sur ce point, bien qu’il y ait de toute évidence une dynamique positive et inédite dans l’histoire de la 5e République, la ligne du RN pêche encore par quelques défauts strictement idéologiques qui pourraient mettre le parti en difficulté à court et à moyen terme sur le plan électoral.

N°4. Le RN doit passer le cap de la normalisation

Quoiqu’on en pense, la stratégie de dédiabolisation du RN entreprise par Marine Le Pen depuis le début des années 2010 était une nécessité. Sur la forme, cette stratégie a été un succès. Sur le fond, cette stratégie a impliqué une sérieuse remise à jour de la formule politique du parti. Étant donné les origines idéologiques diverses et contradictoires du Front National, cette remise à jour s’est faite en fonction de l’idéologie de la faction dominante, c’est à dire de la faction mariniste, qu’on pourrait classer au centre-gauche. Au sein de la droite nationale, au fil des années, des critiques nombreuses ont été formulées en ce qui concerne cette stratégie. La droite identitaire de tendance racialiste reproche au RN de pratiquer un nationalisme civique excessif. L’aile souverainiste lui reproche d’avoir abandonné l’euroscepticisme radical, tandis que la tendance libérale-conservatrice lui reproche d’avoir adopté un programme économique de gauche. De toute évidence, les performances médiocres du parti zemmouriste et des partis pro-Frexit montrent que la stratégie du RN était la plus pertinente et la plus efficace du point de vue politique et électoral. Mais si cette stratégie était pertinente sur la forme, elle l’était beaucoup moins sur le fond, puisque le recentrage du RN s’est nécessairement fait au détriment d’un certain nombre de principes essentiels à la survie de toute société et de toute civilisation, en particulier tout ce qui touche aux principes inspirés par la foi chrétienne et par la loi naturelle, principes qui pouvaient encore trouver quelques défenseurs de talent et de premier plan au Front National il y a une vingtaine d’années. Ces dernières années, au contraire, l’opportunisme mariniste a introduit une sorte de wokisme de droite, consistant à doubler la LFI sur sa gauche en prenant la défense des homosexuels (menacés d’agression et de meurtre par les islamistes), des femmes (menacées de viol et de harcèlement par les racailles et les migrants), du droit des animaux (menacés par la pratique « barbare » de l’égorgement rituel) et même du droit à l’avortement, que Marine Le Pen a récemment défendu avec vigueur. Si cette stratégie a sans doute permis au RN de passer entre les gouttes du politiquement correct, la maintenir serait moralement et politiquement suicidaire. Une fois le pouvoir obtenu, Bardella aurait tout intérêt à rompre progressivement avec cette ligne peu glorieuse et diffuser progressivement un discours social-conservateur d’inspiration ouvertement catholique. Si en arrivant au pouvoir, le RN persiste à vouloir valider et défendre tous les acquis de la révolution anthropologique de ces dernières décennies, le RN maintiendra inévitablement en vie les forces subversives qui ont mené la France dans la situation où elle se trouve actuellement. Le recentrage du RN doit donc aboutir à la restauration du centre politique traditionnel, celui de la haute culture de la civilisation chrétienne et occidentale, et non pas au maintien du consensus libéral-libertaire qui en est l’antithèse. Il ne s’agit pas seulement d’un impératif moral, mais aussi d’un impératif pratique. Pour le moment, les forces idéologiques et stratégiques dominantes au RN sont sociétalement marquées à gauche et elles ne voient sans doute pas l’intérêt de changer de ligne, ni d’un point de vue moral, ni d’un point de vue stratégique. Selon leur point de vue, il apparaît évidemment prématuré de changer de positionnement idéologique. Malheureusement, il faut leur donner raison dans une certaine mesure. Nous pouvons certainement déplorer les compromissions du RN avec un certain nombre de questions éthiques, mais nous devons également déplorer le fait qu’une grande partie de Français, au sein de l’électorat RN, est en état de profonde décadence anthropologique. Contrairement au public conservateur américain ou même à l’électorat d’Europe de l’Est, l’électorat Français de droite est encore profondément marqué par les scories du laïcisme, de l’athéisme et du relativisme moral. En témoigne d’ailleurs le fait que parmi les préoccupations majeures des Français, on ne trouve pas la question religieuse, mais uniquement des questions purement temporelles, tout à fait légitimes, mais qui résultent en réalité d’une mentalité séculariste fondamentalement néfaste pour les individus, les familles et pour le corps social tout entier. On peut donc déplorer le fait que le RN se fasse aujourd’hui le défenseur des victoires de la gauche sociétale et du libéralisme libertaire. Mais il faut bien admettre que le RN pratique ce machiavélisme postmoderne afin de parler à une population profondément démoralisée et déchristianisée. En tant que simples analystes extérieurs, nous pouvons nous permettre d’être durs et sévères en brossant un portrait réaliste de l’état anthropologique des Français, précisément parce que nous ne faisons pas de politique. D’une certaine manière, c’est l’un de nos devoirs en tant que missionnaires au sein de cette grande apostasie spirituelle et politique qui frappe l’Europe occidentale depuis de nombreuses décennies. Le RN ne peut évidemment pas se payer un tel luxe, alors qu’il se trouve aux portes du pouvoir. Nous ne sommes plus dans les années 1980, ni au début des années 2000, lorsque ces choses parlaient encore à une partie du public Français. Mais aujourd’hui, en 2024, la révolution anthropologique a atteint des proportions terrifiantes et la radicalisation de l’élite managériale Française et européenne exige de faire preuve d’une prudence politique de chaque instant. Cependant, lorsqu’il sera au pouvoir et qu’il aura consolidé ses positions, le RN n’aura plus d’excuses. S’il arrive en force au gouvernement à la suite des élections législatives, Jordan Bardella confirmera son leadership au sein du RN et apparaîtra comme un candidat naturel pour la présidentielle de 2027. Il se pourrait alors que ce changement de leadership implique un changement de ligne idéologique. La ligne laico-LGBT de centre-gauche qui avait été jugée nécessaire sous Marine Le Pen pour normaliser le parti et arriver au gouvernement, pourrait laisser sa place aux différentes tendances idéologiques adjacentes qui existent au sein du RN, à savoir les identitaires, les souverainistes et les nationaux-conservateurs, au sein desquels nous nous incluons par défaut, puisque c’est généralement là où l’on trouvera des personnalités attachées à l’identité et aux valeurs du christianisme. Il est donc de la plus haute importance que les catholiques se mobilisent en vue d’être en position d’influencer positivement la société et le gouvernement RN dans le futur proche.

N°5. Le RN doit consolider sa base électorale

Pour garantir une victoire totale aux législatives mais aussi aux présidentielles de 2027, le RN doit donc réussir à augmenter sa base électorale d’au moins 5% afin d’être véritablement majoritaire face à la gauche et face au bloc d’extrême-centre. Pour augmenter cette base, le RN doit poursuivre le recentrage de sa formule politique afin d’être en capacité d’incarner véritablement le centre politique, c’est à dire le point de rassemblement des forces vives de la nation.

En ce qui concerne les aspirations sociales, souverainistes et identitaires des Français, le RN apparaît aujourd’hui, sans aucun conteste, comme un choix naturel. Le RN n’a donc aucunement besoin de durcir son discours et de faire de la surenchère sur ces thématiques. Trop le durcir risquerait de faire peur au réservoir de l’électorat des normies de centre-droit, anciens électeurs déçus d’Emmanuel Macron ou de Nicolas Sarkozy. Les piètres résultats électoraux des zemmouristes et des souverainistes ont mis en lumière les limites de la radicalité excessive dans le contexte de tension qui est le nôtre. En s’enfermant dans des postures trop dogmatiques sur des sujets sensibles et clivants, zemmouristes et souverainistes ont cruellement manqué de réalisme politique, là où le machiavélisme inversé du Rassemblement National est pour le moment une réussite incontestable. En revanche, il nous semble que le RN a trop tardé à affiner son discours politique de manière à formuler une véritable proposition de rassemblement prenant en compte l’ensemble du potentiel électoral Français. Patrick Buisson et nous-mêmes avons signalé ces dernières années qu’il existait un réservoir de voix très utiles au sein d’une partie de l’électorat musulman. D’ailleurs, les résultats des dernières élections montrent qu’un nombre de plus en plus important de citoyens Français de confession musulmane ont fait le choix de voter pour le Rassemblement National, dont ils partagent beaucoup d’idées sur les questions de sécurité et d’immigration. En renonçant clairement à des propositions démagogiques et absurdes telles que l’interdiction de la viande halal ou du port du voile musulman dans l’espace public, Bardella pourrait s’assurer l’adhésion d’une partie des électeurs musulmans qui sont eux aussi préoccupés par les questions d’immigration, de sécurité et de modèle socio-économique, mais qui se sentent injustement amalgamés avec la partie communautariste, criminogène et anti-française de la population musulmane ou d’origine immigrée. Cet ajustement permettrait également de neutraliser une bonne partie de l’ensemble du vote musulman qui a récemment voté pour la gauche radicale, non pas pour des raisons d’adhésion idéologique, mais surtout en réaction au discours islamo-centré du reste de la classe politique. En cas de mise en ballottage du RN aux législatives, il ne faudra pas chercher très loin les voix qui auront manqué pour obtenir une victoire plus confortable.

N°6. La Macronie est morte, assassinée par Macron en personne

En tant que phénomène politique, la Macronie est morte à l’instant où Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée Nationale et donc de renoncer à la majorité présidentielle qu’il avait péniblement obtenu en 2022. Bien sûr, le mouvement macroniste n’a pas été créé pour devenir un mouvement politique destiné à durer dans le temps et il n’aura finalement existé que comme un phénomène élitaire, éléctoraliste et gouvernemental, dont le rôle aura été de prolonger au maximum le status quo du régime en place. Le bilan de la Macronie est catastrophique à tous les niveaux et ses principaux ministres, comme Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Agnès Pannier-Runacher ou encore Eric Dupont-Moretti apparaissent aux yeux du public comme des incapables et des corrompus dont les politiques ont considérablement accéléré le déclin de la France sur le plan social, économique, sécuritaire, migratoire, agricole et énergétique. Paradoxalement, ce sont d’anciens premiers ministres, Édouard Philippe et Gabriel Attal, qui semblent encore conserver un semblant de crédibilité au sein de l’électorat français. On ne peut pas en dire autant pour Emmanuel Macron, dont les candidats à la députation évitent de faire apparaître son visage sur leurs affiches de campagne, ce qui en dit long sur le désamour qui existe désormais entre le chef de l’État et son propre camp politique qui s’est senti trahi par ses récentes décisions. En procédant à cette dissolution, Emmanuel Macron a profondément choqué au sein même de sa famille politique, ainsi qu’au sein de son électorat composé de petits rentiers facilement impressionnables qui l’avaient justement élu en croyant que ce jeune haut fonctionnaire séduisant et rassurant allait leur assurer la tranquillité et la stabilité. Macron apparaît donc aujourd’hui comme un personnage irresponsable et émotif, même au sein de sa base électorale la plus fidèle et peut-être surtout au sein de son milieu politique, qui de toutes façons, lui était surtout fidèle par intérêt. Ce contexte permet donc au RN, peut-être pour la première fois de son histoire, d’être totalement immunisé contre les accusations d’incompétence que la machine médiatico-politique a toujours utilisé contre lui en période électorale. Le RN est aujourd’hui le seul parti historique de la 5e République a n’avoir jamais gouverné le pays, ce qui lui permet d’apparaître comme la dernière offre politique crédible. Les Français disent maintenant ouvertement qu’ils sont « prêts à essayer le RN », considérant qu’il serait difficile de faire pire qu’Emmanuel Macron. Dans ce contexte, la figure jeune et rassurante de Jordan Bardella est manifestement instrumentale, puisque ce dernier profite en grande partie du jeunisme présidentiel insufflé par Emmanuel Macron et qui a été très populaire au sein de l’électorat retraité et féminin. Bardella ne souffre même pas de son manque de diplômes prestigieux ou d’expériences au sein de la haute fonction publique, au contraire, puisque la présidence Macron a prouvé à la France toute entière qu’un gouvernement d’énarques surdiplômés était tout à fait capable de plonger le pays dans le chaos et dans la ruine en l’espace de quelques années. Les Français favorisent désormais la vision politique plutôt que l’illusion des compétences. C’est pourquoi le RN va devoir encore travailler pour affiner cette vision politique et la diffuser au sein de l’électorat majoritaire. En effet, la Macronie a encore de quoi jouer les troubles fêtes. Elle dispose encore notamment de la figure de Gabriel Attal, qui semble conserver une certaine popularité au sein de cet électorat. A l’heure actuelle, les sondages placent le bloc présidentiel à environ 20% d’intentions de vote, ce qui est bien supérieur au score des Européennes, ce qui montre que la section bourgeoise de l’électorat parasitaire est encore prête à se réfugier dans les bras d’Emmanuel Macron. En revanche, en cas de deuxièmes tours opposants le RN au Nouveau Front Populaire, il est très probable qu’une partie de l’électorat macroniste préférera voter pour le bloc de droite, par peur de l’arrivée au pouvoir de l’extrême gauche et de son programme « woke et bolchévique ». Toute la question est de savoir si ceci suffira au RN pour obtenir cette fameuse majorité absolue.

N°7. La radicalisation de la gauche entraîne la division de la gauche

A priori, l’actuelle radicalisation caricaturale de la gauche est une véritable aubaine pour le mouvement national. Cette radicalisation se formule sous deux aspects. Tout d’abord, il existe une césure entre la vieille gauche caviar socialiste, ringardisée sous Hollande, mais qui a réussi à retrouver des couleurs avec Raphaël Glucksmann. Pour des raisons de survie politique, cette gauche sociale-démocrate n’a pas d’autre choix que de s’allier avec la gauche radicale, dominée par la LFI. Cependant, ces alliances apparaissent plus fragiles et chaotiques que jamais. La question du conflit israélo-palestinien avait déjà causé des divisions profondes entre la gauche socialiste, très marquée historiquement par le sionisme et la lutte contre l’antisémitisme, et la gauche « islamo-gauchiste » de la LFI qui fonde son dynamisme sur l’alliance entre la jeunesse « woke » des centre-ville privilégiés et la jeunesse des banlieues communautaristes. Pour des raisons stratégiques d’alignement avec la doxa médiatico-politique, le RN a fait le choix de se présenter comme un mouvement ami d’Israël, ce qui lui permet d’accuser l’extrême-gauche d’être la nouvelle menace nazie et antisémite. Il est important de comprendre que ces éléments de langage n’ont pas vocation à s’adresser à l’électorat populaire du RN, qui n’est pas du tout sensible à ces questions. Le but ici est surtout de neutraliser définitivement le narratif antifasciste au sein d’une partie de l’élite médiatico-politique qui, pour des raisons idéologiques ou communautaires, est très sensible au problème de l’antisémitisme et de la cause sioniste. Mais le RN bénéficie de la radicalisation de la gauche de bien d’autres manières. En effet, dans sa logique révolutionnaire et « progressiste », la gauche radicale n’a pas d’autre vision que celle de la radicalisation permanente de son discours et de son action politique : elle valide ouvertement la violence des groupes antifa (on l’a vu avec l’investiture de Raphaël Arnaud), elle s’enfonce toujours plus dans le wokisme (elle propose d’autoriser les transsexuels à changer de sexe à l’état –civil sur simple demande en mairie) et elle multiplie les propos méprisants à l’égard du peuple Français majoritaire, qualifié de peuple raciste et fasciste en puissance. Elle va même encore plus loin en pratiquant un racisme de gauche, en accusant de collaboration et de trahison tout citoyen d’origine immigrée qui soutient le Rassemblement National. Tout ceci explique bien sûr son impopularité au sein de l’électorat populaire de la France périphérique sur qui de telles accusations n’ont plus aucun effet, sinon celui de le persuader encore plus de voter pour Bardella. En somme, ce maximalisme radical à gauche est proportionnel à la progression du RN. Plus le RN progresse en ce recentrant, plus la gauche se radicalise, et inversement. Pour finir, ce radicalisme gauchiste cause des divisions au sein même de son aile la plus radicale, puisque les figures de la tendance « indigéniste » appellent publiquement à provoquer un « grand remplacement » au sein même de la LFI, où la présence des porte-paroles « blancs et bourgeois » est jugée trop importante. Entre nous, tout le monde sait bien que la prétendue dérive « antisémite » de la LFI n’est qu’une fable destinée à diaboliser la gauche dans le spectacle médiatico-politique et à effrayer une partie de son public de tendance sociale-démocrate. Le racialisme indigéniste que la LFI a favorisé ces dernières années me semble être une menace existentielle beaucoup plus importante pour la gauche radicale, qui pourrait ainsi périr par là où elle a cru vivre, ce qui serait bien fait pour elle. Cela étant dit, le Nouveau Front Populaire est tout de même crédité actuellement de 25% à 29% d’intentions de vote, ce qui est considérable et ce qui montre que la gauche est encore capable de mobiliser massivement l’électorat parasitaire des grandes métropoles.

N°8. S’il accède au gouvernement, le RN fera face à un été turbulent

Nous avons parfois tendance à tout exiger tout de suite et sans délai. La réalité pratique est tout autre. Si le RN parvient au pouvoir cet été, il héritera d’un lourd passif gouvernemental et de décennies de décisions politiques qui ont rendu l’exercice de la souveraineté extrêmement difficile. Sur le plan économique, l’urgence sera de redonner aux français du pouvoir d’achat et de les décharger de la pression fiscale. Mais le volet économique constitue précisément le grand défi du RN ou de n’importe quel parti qui arriverait au gouvernement en Juillet. Les marchés ont déjà réagi négativement à la victoire du RN aux élections européennes, puisque la bourse de Paris a considérablement chuté tandis que les taux d’emprunt ont augmenté. En plus de cela, la Commission Européenne a opportunément décidé, au lendemain de la victoire du RN, d’ouvrir une procédure pour déficit public excessif contre sept pays de l’Union Européenne, dont la France, dont le déficit public s’élève à 5,5% du PIB, soit bien au-dessus du seuil maximal de 3% imposé par le pacte de stabilité. Bien sûr, cette situation n’est pas nouvelle. Le dernier excédent budgétaire en France remonte à 1974 et le pays a presque toujours été en procédure de déficit excessif depuis la création de l’euro. Cette situation n’avait d’ailleurs jamais déclenché de sanctions financières. Cependant, le changement de gouvernance pourrait bien motiver les instances européennes à se montrer plus dures envers la France. Lors de l’arrivée de Georgia Meloni au pouvoir en Italie, les taux d’intérêts italiens ont bondi d’un seul coup. La Banque Centrale Européenne aurait pu intervenir en contrôlant ces taux, mais pour des raisons politiques et idéologiques évidentes, elle a choisi de ne rien faire afin de contraindre le gouvernement italien de se soumettre à l’agenda économique de la commission européenne. Un scénario similaire pourrait se formuler en France sous une gouvernance RN. Le problème, c’est que la France n’a pas seulement besoin de procéder à des réajustements budgétaires, elle a aussi besoin de poursuivre une politique de relance si elle veut soutenir la renaissance de son industrie et sauvegarder son modèle social tout en l’adaptant aux conditions nouvelles du 21e siècle. On peut donc s’attendre à un affrontement triangulaire entre le gouvernement RN, les marchés financiers prédateurs et les instances européennes, ce qui exigera donc des ministres du RN de faire preuve d’une intelligence politique de chaque instant. A ce risque certain de turbulences économiques, il faudra ajouter les risques de turbulences politiques et sociales. Politiquement, Macron joue déjà à fond la carte du diviser pour régner. Il a parfaitement conscience que la défaite de son parti est actée. Son meilleur intérêt est donc d’obtenir une assemblée chaotique, sans majorité claire, afin de garder une main plus forte sur le gouvernement ou de rendre l’action de ce dernier quasiment impossible en favorisant le parasitage permanent de l’opposition. A cela s’ajoutent des risques de troubles et de déstabilisation à l’intérieur de l’État, des institutions, des administrations et bien entendu dans la rue. La gauche radicale a déjà annoncé son intention de pratiquer la « désobéissance civile » et de mener des actions de « résistance », tandis que les renseignements intérieurs craignent des émeutes dans les banlieues ou dans les villes tenues par la gauche étudiante. Tout ceci dans le contexte particulier des Jeux Olympiques, qui sera propice à toutes sortes de débordements. Le RN devra agir avec suffisamment de fermeté pour tenir ses engagements en matière d’ordre, mais avec suffisamment de tact pour ne pas subir de campagnes de presse qui l’accuseront hypocritement de « répression fasciste ». Quoiqu’il en soit, on peut dire que le RN arrivera au pouvoir dans de très mauvaises circonstances. Bardella en est parfaitement conscient et il ne manque pas une occasion pour le rappeler lors de ses interventions médiatiques. Le risque est que ce potentiel gouvernement RN serve de bouc émissaire devant l’histoire en devant assumer le bilan de plusieurs décennies de destruction de l’État et de la société française. Pour finir, d’autres risques existent sur le plan géopolitique. En effet, on a pu constater que le narratif pro-ukrainien n’avait que très peu enthousiasmé les masses d’Europe occidentale. Au sein du public occidental, la stratégie jusqu’au-boutiste de l’OTAN et de l’Union Européenne en Ukraine n’est encore soutenue que par quelques libéraux-démocrates naïfs et quelques occidentalistes d’extrême-droite. Dans son ensemble, la nouvelle opinion publique considère que les pays d’Europe de l’ouest comme la France, l’Allemagne ou l’Italie n’ont strictement aucun intérêt géostratégique à soutenir l’Ukraine de Vladimir Zelensky avec autant d’obstination, alors que les centaines de milliards d’euros qui ont été versés à ce pays auraient pu être utilisés pour soulager les classes moyennes occidentales, frappées par l’inflation et l’augmentation des prix de l’énergie. Par prudence et par opportunisme, le RN continue à professer publiquement l’essentiel du narratif pro-ukrainien, mais il est clair que ce narratif n’a désormais plus aucune efficacité politique concrète. Cependant, un autre conflit majeur actuellement en cours dans le monde pourrait s’internationaliser d’une façon inédite dans les prochaines semaines : il s’agit du conflit israélo-palestinien, qui lui aussi, a profondément affecté le discours politique en Occident depuis la réouverture du conflit en Octobre 2023. Depuis les attaques du 7 octobre commises par le Hamas et suite à toute l’émotion médiatique qui en a résulté, toute position antisioniste ou même critique vis-à-vis de l’État d’Israel est qualifiée d’antisémite dans l’espace médiatique mainstream. Pour des raisons idéologiques mais aussi par opportunisme électoraliste, la gauche radicale a soutenu à fond la cause palestinienne, tandis que la droite, pour des raisons analogues, a apporté son soutien total à la cause sioniste. Cette approche a certainement contribué à neutraliser le vieux discours antifasciste qui servait autrefois à parasiter la progression du Front National, à une époque où celui-ci était relativement critique de l’influence politique démesurée de certaines organisations communautaires qui étaient très engagées pour la cause israélienne, tout en étant très hostiles aux expressions politiques du nationalisme français. Désormais, un reversement total à eu lieu. La droite nationale soutient ouvertement la cause sioniste, ce qui lui permet d’accuser la gauche radicale d’antisémitisme et d’islamo-gauchisme, tout en recevant le soutien de personnalités Juives comme Serge Klarsfeld. Or, on parle désormais de la possibilité d’une opération armée israélienne contre le Hezbollah libanais. Si une telle offensive se matérialisait, l’État d’Israël ne serait pas en mesure de s’engager seul dans ce conflit. L’île de Chypre, qui est membre de l’Union Européenne, pourrait servir de base navale et aérienne pour les forces coalisées de l’OTAN, bien que Chypre ait toujours adopté une politique de non-alignement. On peut supposer que jeux d’alliance ainsi que les impératifs moraux autour du soutien inconditionnel au sionisme seraient activés par le truchement des médias dominants afin d’obtenir un soutien financier, voire militaire, des gouvernements européens en faveur de l’Etat Juif. Pour finir, avant même d’imaginer arriver au pouvoir, il faudra bien sûr obtenir cette majorité absolue aux législatives et je le répète, le match sera très serré. Si le RN conserve aujourd’hui une avance relativement large avec 35% d’intentions de vote, la Macronie et la gauche progressent considérablement dans les sondages, jusqu’à représenter respectivement 20% et 29% de l’électorat. Il y a un risque très important que le RN n’arrive pas à augmenter sa marge d’environ 5%, marge qui selon nous lui est nécessaire afin de s’assurer une victoire beaucoup plus tranquille et obtenir cette majorité absolue soit 289 sièges de députés. Pour l’instant, les sondages les plus sérieux annoncent entre 230 et 250 sièges pour l’alliance RN-LR. Il me semble évident que ces 5% de voix manquantes se trouvent à la fois au sein d’une partie de l’électorat macroniste de 2017, mais aussi d’une partie des abstentionnistes politisés en manque de représentation, ainsi que dans une partie de l’électorat musulman utile et intégré. Le RN devra donc calibrer son discours avec beaucoup de prudence et de finesse pendant la dizaine de jours qui nous séparent du premier tour de ces législatives et en cas de succès, il devra maintenir cette formule gagnante en 2027.

N° 9. Que faut-il espérer ?

Les postures médiatiques de Bardella provoquent des cris de défiance ou de désespoir au sein des milieux de la droite dissidente. Nombreux sont ceux qui voient en Bardella une vulgaire copie de Macron. Nombreux sont ceux qui voient en lui un simple robot dont on ne distingue pas bien celui qui le contrôle vraiment. Nombreux sont ceux qui pensent que Bardella va trahir toutes les espérances nationales comme Georgia Meloni. Nombreux sont ceux qui pensent que tout ceci est validé par les loges maçonniques et qu’il ne s’agit donc que d’une grande pièce de théâtre. La réalité, c’est que peu de gens, dans nos milieux, réalisent ce qu’il en coûte pour arriver au pouvoir dans une démocratie libérale comme la nôtre en 2024. Ce qu’il en coûte, Bardella est en train de le payer en paroles. Autant dire que ça ne lui coûte pas grand’chose, sinon un peu de crédibilité. Il donne donc tous les gages nécessaires pour rassurer les bonnes personnes et arriver au pouvoir. Voici la réalité du jeu politique en démocratie libérale, tout particulièrement à notre époque où les narratifs ont une emprise psychologique extrêmement puissante sur le peuple et sur la classe médiatico-politique. On peut reprocher beaucoup de choses aux postures médiatiques de Bardella, par exemple, sur le soutien à l’Ukraine ou à Israël, sur son intention de rester dans le giron de l’OTAN ou encore sur son intention de dissoudre le GUD. La vérité, c’est que Bardella ne dit pas seulement ce que le régime veut entendre. Il dit aussi ce qu’une bonne partie de l’électorat Français veut entendre pour être rassuré. Lorsque Bardella adopte le narratif pro-ukrainien, il le fait pour trois raisons : premièrement parce que c’est le narratif dominant et l’adopter lui permet d’éviter toute friction sur la scène médiatique ; deuxièmement parce que c’est la doctrine géopolitique commune de l’Occident collectif au moins depuis le milieu des années 2000 ; troisièmement parce que ce narratif conforte l’électeur libéral-démocrate naïf. Nous ne devons pas oublier, une fois encore, que nous ne sommes plus en 1992, ni en 2005, à une époque où la puissance française était encore une réalité concrète, à une époque où Philippe Séguin vivait encore et où Jacques Chirac et Dominique de Villepin pouvaient encore tenir tête à l’OTAN. En 2024, le prochain gouvernement français devra hériter de vingt ans de trahisons, de compromissions et de soumissions par les régimes successifs de Sarkozy, Hollande et Macron, en particulier en matière de politique extérieure. La donne géopolitique à l’échelle mondiale et européenne est donc totalement différente aujourd’hui. Il faut en tenir compte, non seulement dans le cadre du spectacle électoraliste, mais aussi dans l’optique d’une entrée au gouvernement. Il est évident qu’après 20 ans d’affaiblissement, il ne sera pas possible de mener une politique de rupture radicale et instantanée. Il faudra au contraire tenir certains engagements incompressibles et patienter plusieurs années avant de trouver un nouvel équilibre géostratégique favorable en Europe. En d’autres termes, étant donné la complexité de la nouvelle configuration multipolaire, il faudra être patient et intelligent.

Bardella, peut-être malgré lui (ce que je ne pense pas) est en train de nous donner à tous une énorme leçon de réalisme politique. Machiavel, en son temps, enseignait aux princes de promouvoir ouvertement la religion catholique par pur utilitarisme social et politique. On peut dire que Jordan Bardella pratique aujourd’hui une sorte de machiavélisme postmoderne inversé, qui consiste à professer publiquement la plupart des dogmes de la religion médiatico-politique qui domine nos démocraties libérales et sécularistes décadentes. Il n’est pas le premier homme politique à avoir adopté cette stratégie de conquête du pouvoir. Les souverainistes, identitaires et autres membres de la droite dissidente qui critiquent Bardella pour ses éléments de langage consensuels semblent avoir oublié que Vladimir Poutine est arrivé aux affaires sur une ligne centriste, plutôt libérale et pro-occidentale, parce que la situation de la Russie à l’époque exigeait d’observer de telles apparences, qu’elles aient été sincères ou non. Une fois son pouvoir consolidé, Poutine a ensuite orienté sa formule politique vers un social-conservatisme ambitieux et assumé. Pour l’heure, Bardella est le seul qui soit politiquement en situation d’accéder au gouvernement. Le principe de réalité, sur le plan temporel, s’impose à tous les Français. Il existe un certain nombre de dossiers qui nécessitent un traitement de toute urgence : bloquer le flux migratoire anarchique et expulser un maximum de clandestins et d’étrangers indésirables ; restaurer l’ordre et la sécurité dans un certain nombre de grandes villes par une action policière musclée et une action judiciaire beaucoup plus dure ; et enfin, faire cesser le calvaire socio-économique que vivent les Français en rétablissant les vrais prix de l’énergie, en réduisant la pression fiscale et en procédant à des coupes budgétaires intelligentes.

Il faut donc donner sa chance à Bardella. Laissons-le faire sa cuisine. Une fois qu’il sera au pouvoir, alors, c’est nous qui pourrons le cuisiner s’il ne donne pas des signes de rupture avec la ligne laïco-LGBT qui lui aura permis de remporter la bataille électorale. J’admets sans difficultés que je fais preuve avec Bardella d’une tolérance et d’une confiance que je n’aurais pas eu avec Marine Le Pen. En effet, la jeunesse de Bardella provoque chez nous un sentiment de sympathie naturelle, mais surtout l’espoir que son jeune âge puisse lui laisser le temps de recevoir les grâces du bon Dieu afin que sa politique soit inspirée par des principes chrétiens.

Car ce n’est pas seulement sur le plan économique, industriel et géopolitique que la France et l’Europe ont pris un retard considérable, mais aussi et avant tout sur le plan spirituel, moral et anthropologique. Si les nouvelles grandes puissances du 21e siècle ont déclassé la France et l’Europe, c’est parce que notre continent se complaît aujourd’hui encore dans la grande apostasie et dans toutes ses formulations idéologiques, qu’elles soient de gauche ou de droite. Or, il n’y a rien de plus détestable et de plus subversif que cette synthèse insipide d’identitarisme superficiel et de sécularisme dégénéré qui a envahi le discours de droite au cours des 10 dernières années.

La Russie de Vladimir Poutine revendique ouvertement les valeurs chrétiennes, le modèle de la famille traditionnelle et le patriotisme impérial. La Chine de Xi Jinping célèbre sa tradition confucéenne et le Parti Communiste Chinois promeut officiellement un conservatisme moral et nationaliste auprès de sa population. Aux États-Unis, la droite religieuse, notamment celle d’inspiration catholique, est de plus en plus influente dans le jeu politique. Toutes ces données spirituelles et métaphysiques échappent encore à beaucoup de nos contemporains qui sont perdus dans les méandres du matérialisme et du sécularisme. La vérité c’est qu’il ne peut y avoir de grande aventure civilisationnelle sans une spiritualité puissante pour l’alimenter. La France et l’Europe ont eu la grâce d’être guidées pendant 2000 ans par la vraie religion. Persister à refuser une telle grâce, se serait persister à subir un châtiment bien mérité. 

Le retour du Christianisme au cœur de la vie publique est la condition ultime de toute restauration de la civilisation française et européenne. Le sécularisme est une erreur des siècles obscurs qui nous ont précédé et il est temps de retrouver la voie de la Lumière du monde. Si la France veut donc retrouver le chemin de sa destinée au cœur de l’Europe, elle doit donc nécessairement renouer avec la foi et les valeurs du catholicisme. En effet, l’ordre public ne peut pas être restauré sans restauration de l’ordre moral, de la même manière qu’aucun véritable progrès social et industriel ne pourra être obtenu sans progrès spirituel et anthropologique. En persistant trop longtemps sur la ligne séculariste qui est pour l’instant la sienne, le mouvement national en France ferait une très grave erreur. Nous ferons en sorte que ce ne soit pas le cas, autant que Dieu le permet.

Ceci est d’autant plus vrai que nous assistons actuellement à l’aboutissement des grandes convulsions de l’histoire moderne, dont notre maître l’amiral Auphan, avait observé les premières articulations au siècle dernier.

Premièrement, nous assistons actuellement à une transition historique dans l’histoire de la 5e République. Même si le RN sous sa forme actuelle, ne devait occuper le pouvoir que quelques années, il s’agit ici d’un précédent politique majeur qui inspirera toute l’Europe occidentale.

Deuxièmement, les idéologies qui ont dominé le champ politique en Europe, au moins depuis la fin de la seconde guerre mondiale, sont aujourd’hui en train de s’effondrer totalement. Nous voyons apparaître en Europe une nouvelle élite politique qui remet en cause une partie du consensus adorno-popperien de la société ouverte, matérialiste et diversitaire. Ce processus de transition ne conduira pas à la fin de l’Union Européenne, mais plutôt à sa transformation en un appareil étatique dominé par des forces politiques qui auront à cœur de restaurer la puissance européenne en se fondant sur des principes civilisationnels concrets et positifs, au sein desquels le Christianisme devrait évidemment tenir la place centrale. Cela étant dit, cette transition se fera sans doute avec quelques épisodes de grande confusion, tant que Dieu permettra que l’Église se trouve dans la situation qui est la sienne actuellement.

Troisièmement, nous assistons à un retour très sensible du sentiment religieux catholique en Europe, après plusieurs décennies de grande apostasie provoquée notamment par la révolution moderniste de Vatican 2. Les rumeurs d’une interdiction totale du rite tridentin par François au sein des structures conciliaires, ainsi que le récent procès canonique pour schisme intenté à Monseigneur Vigano, montrent que l’organisation moderniste est en train de se radicaliser, alors même que l’on observe un engouement toujours plus fort pour la Tradition catholique en France et en Europe. Cette radicalisation des autorités conciliaires va bientôt forcer beaucoup de catholiques à se positionner plus clairement vis-à-vis de la légitimité de cette hiérarchie. Alors que nous nous rapprochons des 70 ans d’exil spirituel depuis Vatican 2, nous constatons une sorte d’accélération de l’histoire qui, si Dieu le veut, pourrait bientôt aboutir à de grandes révélations qui plongeront le monde dans l’étonnement le plus total.

Quatrièmement, nous voyons que le conflit en Terre Sainte prend une dimension de plus en plus mystique. Il a été récemment révélé par le Jérusalem Post que les services secrets israéliens étaient parfaitement au courant des préparatifs de l’attaque du 7 octobre des mois auparavant et ceci dans les moindres détails. Cette information confirme ce que beaucoup d’observateurs, y compris israéliens, soupçonnaient déjà jusqu’ici. Dans tous les cas, l’attaque du 7 Octobre, si elle fut sanglante et traumatisante pour les victimes, a permis à l’Etat Juif de bénéficier en Occident d’un niveau de soutien que nous n’avions jamais observé auparavant. Si l’influence du sionisme était déjà bien implantée parmi les élites politiques occidentales, elle a pris des proportions quasiment hypnotiques ces derniers mois, alors que l’armée israélienne procédait à un véritable massacre de la population de Gaza, réagissant de façon tout à fait disproportionnée par rapport à l’attaque du 7 octobre. Malgré de timides réactions de la part de quelques gouvernements et de quelques instances internationales sans aucun pouvoir, l’État d’Israël bénéficie d’une impunité et d’un niveau de soutien financier et idéologique qui ne peut s’expliquer d’un point de vue rationnel. Il est effectivement inexplicable que les démocraties occidentales, sécularistes, cosmopolites et étrangères à tout sentiment religieux profond, persistent à accorder un soutien aussi inconditionnel à un état entièrement fondé sur un exclusivisme ethnico-religieux et qui par ailleurs, d’un point de vue strictement temporel, ne représente aucun intérêt stratégique. Dans ce contexte si particulier, on observe par ailleurs une influence toujours plus grande des forces religieuses fondamentalistes Juives au sein de l’État et de la société israélienne. En cas d’internationalisation du conflit en Terre Sainte, parallèlement à une reconstruction du Temple de Jérusalem et d’une tentative de restaurer le culte de l’ancienne loi, nous aurions alors la certitude définitive de nous trouver en pleine ère antéchristique. Ceux qui doutent encore de cette redoutable perspective, ne semblent pas avoir conscience que tous les signes décrits depuis deux millénaires par la Tradition catholique se réalisent sous nos yeux à l’instant même où nous parlons.

Nous voyons donc que le grand retour de la politique et de l’histoire réelle auquel nous assistons aujourd’hui ne peut pas se faire sans avoir le sens chrétien de l’histoire. Je dirais même plus en affirmant qu’en dépit des grandes qualités humaines et intellectuelles des personnalités qui accompagnent actuellement ce mouvement dextrogyre en Europe, aucun politicien, ni aucun théoricien politique ne peut avoir une compréhension claire et profonde des enjeux actuels qui concernent l’humanité, s’il n’a pas conscience de la dimension mystique qui accompagne les grandes convulsions politiques que nous vivons actuellement. Prions pour que Dieu permette aux catholiques d’apporter leur conseil aux futurs hommes forts de la France et de l’Europe, pour la préservation du bien commun et pour la plus grande gloire de Notre Seigneur Jésus-Christ.

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