Ce qu’il nous faut, ce sont des chrétiens et des prêtres radicaux dans le bien. Lorsque les idées régnantes, les désertions et les scandales, auront enlevé à l’Église la moitié, puis les trois quarts, puis les neuf dixièmes, puis les quatre-vingt-dix-neuf centièmes, puis les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf millièmes de sa famille, si le millième demeuré fidèle est excellent et radical, tout sera gagné, car ce millième formera la petite mais vaillante armée de Gédéon, la semence saine et irréprochable d’une nouvelle société.
Combien serait plus puissante, pour la régénération d’un peuple comme le nôtre, une telle phalange, sortie d’écoles théologiques solides, armée de toute la force surnaturelle de l’Évangile, fortifiée de principes sûrs et inébranlables contre l’esprit du siècle ! Elle se répandrait partout, occuperait les positions sacerdotales, comme des postes militaires où elle doit faire sentinelle et combattre, saupoudrerait en quelque sorte la société et lutterait avec ce bel ensemble contre l’erreur. Certainement elle vaincrait, à moins que l’Écriture n’ait menti [comme le pensent les modernistes, et comme le sous-entendent les « traditionnalistes » conciliaires] en disant : Hæc est victoria quæ vincit mundum, fides nostra (I Jean, v, 4).
On dit souvent : « Les hommes manquent ! » Je n’en crois rien ; ce sont les principes qui manquent, et il y a toujours assez de chair humaine. La France est trop féconde pour manquer d’hommes ; quand on a les bons principes, on fait des merveilles avec quelques hommes. Notre-Seigneur a précisément voulu, par le choix des apôtres, prouver que la pauvreté d’hommes n’est pas un obstacle, mais une ressource souvent, toujours même, moyennant des principes. Le mal, c’est qu’il y a des hommes, beaucoup d’hommes, mais peu de principes.
Révérend Père Jean-Baptiste Aubry, Essai sur la Méthode des Études Ecclésiastiques en France, 1890, 1ère partie, p. 265.