C’est une chose assurément regrettable, cher fils, qu’il se rencontre parmi les catholiques des hommes qui, tout en se faisant gloire de ce nom, se montrent complètement imbus de principes corrompus, et y adhèrent avec une telle opiniâtreté, qu’ils ne savent plus soumettre avec docilité leur intelligence au jugement de ce Saint-Siège quand il leur est contraire, et alors même que l’assentiment commun et les recommandations de l’Épiscopat viennent le corroborer. Ils vont encore plus loin, et, faisant dépendre le progrès et le bonheur de la société humaine de ces principes, ils s’efforcent d’incliner l’Église à leur sentiment ; se regardant comme seuls sages, ils ne rougissent pas de donner le nom de parti ultramontain à toute la famille catholique qui pense autrement qu’eux.
Cette folie monte à un tel excès, qu’ils entreprennent de refaire jusqu’à la divine constitution de l’Église et de l’adapter aux formes modernes des gouvernements civils, afin d’abaisser plus aisément l’autorité du Chef suprême que le Christ lui a préposé et dont ils redoutent les prérogatives. On les voit donc mettre en avant avec audace, comme indubitables ou du moins complètement libres, certaines doctrines maintes fois réprouvées, ressasser d’après les anciens défenseurs de ces mêmes doctrines des chicanes historiques, des passages mutilés, des calomnies lancées contre les Pontifes Romains, des sophismes de tout genre. Ils remettent avec impudence toutes ces choses sur le tapis, sans tenir aucun compte des arguments par lesquels on les a cent fois réfutées. Leur but est d’agiter les esprits, et d’exciter les gens de leur faction et le vulgaire ignorant contre le sentiment communément professé.
Outre le mal qu’ils font en jetant ainsi le trouble parmi les fidèles et en livrant aux discussions de la rue les plus graves questions, ils Nous réduisent à déplorer dans leur conduite une déraison égale à leur audace. S’ils croyaient fermement, avec les autres catholiques, que le Concile œcuménique est gouverné par le Saint-Esprit, que c’est uniquement par le souffle de cet Esprit divin qu’il définit et propose ce qui doit être cru, il ne leur serait jamais venu en pensée que des choses non révélées ou nuisibles à l’Église pourraient y être définies, et ils ne s’imagineraient pas que des manœuvres humaines pourront arrêter la puissance du Saint-Esprit et empêcher la définition de choses révélées et utiles à l’Église.
Ils ne se persuaderaient pas qu’il ait été défendu de proposer aux Pères en la manière convenable, et dans le but de faire ressortir avec plus d’éclat la vérité par la discussion, les difficultés qu’ils auraient à opposer à telle ou telle définition. S’ils n’étaient conduits que par ce motif, ils s’abstiendraient de toutes les menées à l’aide desquelles on a coutume de capter les suffrages dans les assemblées populaires, et ils attendraient, dans la tranquillité et le respect, l’effet que doit produire la lumière d’en haut. C’est pourquoi Nous pensons que vous avez rendu un très utile service à l’Église en entreprenant la réfutation des principales assertions que l’on rencontre dans les écrits publiés sous cette influence ; et en mettant à découvert l’esprit de haine, la violence et l’artifice qui y règnent, vous avez accompli cette mûre avec une telle solidité, un tel éclat et une telle abondance d’arguments puisés dans l’antiquité sacrée et dans la science ecclésiastique, que, réunissant beaucoup de choses en peu de mots, vous avez enlevé tout prestige de sagesse à tous ceux qui avaient enveloppé leurs pensées sous des discours dépourvus de raison. En rétablissant la vérité de la foi, du bon droit et de l’histoire, vous avez pris en main l’intérêt des fidèles, tant de ceux qui possèdent l’instruction que de ceux qui en seraient dépourvus. Nous vous exprimons donc Notre gratitude particulière pour l’hommage que vous Nous avez fait de ce livre, et Nous présageons un heureux et très grand succès au fruit de vos veilles. Comme augure de ce succès, et comme gage de Notre bienveillance, Nous vous accordons avec une vive affection la bénédiction apostolique.
Pape Pie IX, Bref Dolendum profecto, adressé à Dom Guéranger, 12 mars 1870.
[…] Mais pire encore, l’article affirme que croire « que le pape est le rempart de la foi catholique » est un « mythe ultramontain ». Il semble que les auteurs de cet article soient plus proches des gallicans et des vieux-catholiques, que des catholiques, car en effet, le pape, par son magistère, est littéralement le rempart de la foi catholique. De plus, utiliser le terme « ultramontain » de façon dérogatoire a toujours été le fait des ennemis de l’Église, et plus spécifiquement des anti-infaillibilistes et autres adversaires des dogmes de Vatican I, comme le notait déjà l’Encyclopédie Catholique au siècle dernier ou le pape Pie IX lui-même, dans sa lettre apostolique Dolendum Profecto. […]